Société

White djihad et cellules terroristes : un réseau actif d’adolescents extrémistes néonazis


Ces dernières années, plusieurs mineurs européens ont été interpellés pour leur engagement dans des projets violents de « guerre civile » et pour association de malfaiteurs attribuée à l’ultra-droite. Ils sont suivis de près par les parquets nationaux antiterroristes. Un réseau de jeunes néonazis, dénommé Death Weapons est particulièrement actif. Il met en place des cellules terroristes en Europe et aux États-Unis dans le but de mener des attaques armées, révèle une vaste investigation menée à Berlin, Bruxelles, Las Vegas, Munich, New York, Potsdam et Washington, de manière conjointe par  Welt am Sonntag, Politico et Insider. Le jeune âge de ces activistes radicaux, entre 13 et 17 ans tout au plus, est le plus déroutant. On fait le point sur ces cellules terroristes encore au biberon et prêtes à agir.

Peut-être pas avec la même intensité que le terrorisme djihadiste, mais l’ultra-droite violente est de retour en Europe. C’est ce qu’indique en 2021, un rapport du parquet général de Paris. S’appuyant sur plusieurs affaires récentes, il détaille la professionnalisation des groupes, leur facilité à s’armer et les profils hétéroclites des activistes, pour partie bien insérés.
Détail de ce portrait : la jeunesse constitue un élément important de l’engagement dans un projet violent, autant en raison de la disponibilité biographique propre à cette période de la vie, qu’en raison de la propension à la révolte que l’adolescence implique.

Parmi les icônes favorites de ces adolescents : Anders Breivik, Timothy McVeigh, Brenton Tarrant, Dylann Roof et Robert Bowers. Tous des terroristes ayant perpétré ces 30 dernières années des tueries de masse au nom d’une idéologie d’extrême droite. Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ces profils sont très préoccupants. Le pays en guerre fascine à tout le moins les plus jeunes des militants de l’ultra-droite s’initiant, lors de séances d’entraînement, aux méthodes militaires.

Une violence extrême

Quand tous les clichés sur les arabes et les musulmans ont été passés en revue, ils attaquent les juifs, les chefs religieux, la police et les homosexuels, les « tiques » comme ils les qualifient. Tous ceux qui font figure d’adversaires venus, soi-disant, les « conquérir », ne sont pas épargnés. L’important semble plutôt de jouer avec les interdits, en écoutant des groupes de rock néo-nazis illégaux et en proférant des monstruosités. Un style de vie plus qu’une idéologie fermement établie. Avec la liberté de parole qui est maintenant proclamée, chacun croit qu’il peut dire et faire ce qu’il veut, ce qui renforce inévitablement le potentiel de violence et en fait des cibles rêvées.

Copyright : Politico

Un réseau international

Ces jeunes se fédèrent sur plusieurs sites de rencontre. Au sud-ouest de Berlin, en Allemagne, un site d’une caserne abandonnée se trouve à environ 45 minutes du centre de Potsdam. Il a été utilisé par la Wehrmacht, les forces armées régulières de l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, puis par les Soviétiques. Les jeunes y effectuent des exercices de tir et même, exploser des bombes pour ensuite diffuser leurs exploits en ligne, rapporte Politico.
Sur les réseaux sociaux, « ces adolescents échangent des idées d’extrême droite, de la propagande nazie et des vidéos d’attentats et, ce faisant, s’encouragent mutuellement au point que certains d’entre eux en viennent à croire qu’ils doivent prendre les armes contre l’ordre libéral ».Il existe des dizaines de groupes de ce type, reliés par un réseau international qui s’étend de la côte ouest des États-Unis à l’Europe occidentale et aux coins les plus reculés des États baltes.

 White jihad

Ils qualifient leurs appels à la violence de guerre sainte qu’ils appellent le « jihad blanc », soit la suppression de tout individu qui n’est pas de race blanche. Le plus important des groupes, en termes de membres, se nomme Feuerkrieg (NDLR : division de la guerre du feu). Il est dirigé par un jeune estonien de 15 ans qui l’a créé à l’âge de 13 ans, en 2020. Un adolescent néo-nazi des Cornouailles, dont le nom n’a pas été révélé, s’est affilié à ce groupe. Interpellé en 2021, il est le plus jeune délinquant connu du Royaume-Uni à avoir commis une infraction terroriste. À 13 ans, il a téléchargé son premier manuel de fabrication de bombes.

Entre 2018 et juillet 2019, il a collecté une quantité importante de matériel d’extrême droite et a exprimé des opinions racistes, homophobes et antisémites sur des plateformes en ligne. Il a parlé de vouloir « gazer » des personnes juives, de « pendre » des personnes homosexuelles. Ils utilisaient des messages cryptés pour diffuser sa haine sur certains groupes. Lors de la perquisition de son domicile, où il vivait avec sa grand-mère, la police a re trouvé un drapeau nazi et un slogan raciste sur l’abri de jardin, ainsi que plusieurs manuels sur la fabrication d’armes et des instructions sur la façon de tuer des gens sur son téléphone portable et sur son ordinateur.
Durant l’instruction de son dossier, il a admis aux enquêteurs avoir commis 12 infractions, dont deux pour diffusion de documents terroristes et 10 pour possession de matériels terroristes.


Copyright – des armes appartenant à un membre de la division Feuerkrieg – Facebook

Des cellules terroristes prêtes à agir

Des journalistes de Welt am Sonntag, Politico et Insider ont passé plus d’un an à enquêter sur les rouages de ce réseau terroriste d’extrême droite. Sous de fausses identités, ils ont eu accès « à une vingtaine de groupes de discussion, se sont entretenus avec des initiés et ont obtenu plus de 98.000 messages, y compris des photos et des vidéos. Au cours de ce processus, ils ont également découvert des listes de personnes à abattre, des menaces de mort contre des politiciens et des journalistes, ainsi que des instructions sur la façon de fabriquer des bombes et d’utiliser des imprimantes 3D pour produire des pièces d’armes », dévoile Politico.

Au cours de cette enquête, les équipes de rédaction ont pu identifier les vrais noms de certains membres du groupe qui se cachaient en ligne derrière des pseudonymes changeants. Le jeune âge de ces néonazis est le facteur le plus alarmant et les services de sécurité ont du mal à les démanteler.

Une pensée formatée

Pour comprendre ce qui se passe dans la tête de ces jeunes, au-delà de toute idéologie, il faut revenir quelques années en arrière et se rendre de l’autre côté de l’Atlantique, dans l’État américain du Colorado, où vit James Mason, aujourd’hui âgé de 69 ans. « Mason a rejoint un parti nazi américain alors qu’il n’avait que 14 ans. Deux ans plus tard, il élaborait des plans pour assassiner son directeur d’école, bien qu’il ne les ait finalement pas mis à exécution », explique Politico.
Son livre, « Siege », est considéré comme une lecture incontournable, au même titre que « Mein Kampf », d’Hitler. « Plonger la société civile dans le chaos ne nécessite pas la création d’organisations de masse », écrit-il : « il suffit d’assassins individuels ou de minuscules cellules pour mener des attaques contre des infrastructures, des politiciens ou des membres de minorités ».

Le plus compliqué pour les autorités dans ce contexte, c’est que le combat n’est pas à armes égales. L’organisation n’est pas rigide. C’est la force du réseau virtuel qui prime. Il suffit d’une connexion internet pour diffuser du fiel. Pour l’agence européenne, Europol, ce passage d’une hiérarchie claire à une groupe peu structuré d’individus rend très si difficile les poursuites individuelles.

 

 


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