Copyright – Un lit de contention - Rapport du CCSP à la suite de la seconde visite du site en construction de la prison de Haren (13.06.22)
Quatre détenus dans 9 m2, des rats, des punaises, la suppression de préaux et des visites pour cause de pénurie de personnel, non suivi des dossiers par les directeurs de prison, que ce soit à Nivelles, Marche-en-Famenne ou Forest, la situation carcérale est décriée depuis plusieurs semaines. Un débat qui s’embrase régulièrement dans notre pays, maintes fois condamné par la Cour Européenne des droits de l’Homme pour ses conditions de détention. « Récidives, détentions préventives, peines durcies, libérations conditionnelles retardées (…) Plutôt qu’entamer une réforme de fond, le ministre Van Quickenborne préfère augmenter la capacité du parc carcéral », titrait fin juin une carte blanche d’un panel de spécialistes du secteur dans les colonnes de nos confrères du Soir. Pire, ces nouveaux murs ne correspondent pas aux standards du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (CPT). Un avis partagé par la magistrate Anne Gruwez, juge d’instruction à Bruxelles qui a visité le site de la prison de Haren encore en chantier. Et même conclusions tirées par le Conseil Central de Surveillance Pénitentiaire (CCSP) dans son dernier rapport sur l’évolution des travaux. Notre politique carcérale est un échec. Jusqu’à quand le ministre de la Justice restera-t-il sourd et aveugle ?
La prison de Haren (région bruxelloise) ouvrira ses portes en octobre prochain. Erigée sur un terrain coincé entre l’autoroute, le décollage des avions et le passage des trains, dans le coin, « les habitants appellent ce lieu : la poubelle. La magie des mots et du béton en a fait le village pénitentiaire que j’ai visité ce jeudi 19 mai », écrit Anne Gruwez dans sa carte blanche.
Projet pharaonique, « L’humanisation tant revendiquée des prisons à un prix. Bon, j’en profite pour dire avec amertume qu’en ce qui me concerne, j’aurais choisi une profonde rénovation de Saint-Gilles et Forest, mais on a choisi plus loin, plus grand, informatisé, plus cher, trop ! » Le décor est planté pour ces 1190 places qui ne correspondent pas à une détention digne.
Dans un avis transmis le 13 juin dernier au ministre de la Justice, le CCSP exhorte les autorités à lui apporter une réponse quant aux modalités et aux délais dans lesquels des modifications au projet tel que pensé seront mises en œuvre.
Chaque entité comporte deux cellules time-out et deux cellules de punition. Ces quatre cellules sont à chaque fois conçues exactement sur le même modèle. Toutes sont équipées d’une vitre opaque.
« Le détenu n’a donc pas accès à la lumière naturelle, ce qui peut provoquer un risque de claustrophobie », comme le rappelle le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT). D’autre part, comme déjà signalé à la suite de la première visite, le CCSP « recommande, quant au mobilier à prévoir, ces cellules devraient en outre être équipées d’une table et d’une chaise ».
Copyright – Une cellule de punition – Rapport du CCSP à la suite de la seconde visite du site en construction de la prison de Haren, Bruxelles (13.06.22).
Plus problématique, l’une des deux cellules de punition est à chaque fois équipée d’un lit de contention. Le CCSP recommande que « l’aménagement des cellules de punition et/ou de sécurité soit revu à la lumière des standards internationaux applicables et que tout lit de contention tel que celui vu lors de la visite soit remplacé par un lit digne de ce nom ».
Au-delà des principes plus généraux rappelés notamment par l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, dites « Règles Nelson Mandela », « il ne peut être fait usage de moyens de contrainte que si aucune autre forme de contrôle moins extrême ne permet de réduire les risques liés à la liberté de mouvement ».
En outre, comme le rappelle le CPT, « en principe, des lits à contention ne devraient pas être utilisés dans un environnement non médicalisé » et ces mesures d’immobilisation devraient être appliquées de manière exceptionnelle et pour un nombre d’heures limitées.
Le CCSP fait également faire référence à la récente Recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe CM/Rec (2021) faite aux États membres sur « des mesures contre le commerce de biens utilisés pour la peine de mort, la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et plus particulièrement à l’annexe I concernant la liste de biens et d’équipements interdits et intrinsèquement abusifs qui inclut les lits à entraves métalliques ».
Si des jeux pour enfants sont d’ores et déjà installés dans la cour dédiées à ceux-ci, le CCSP a constaté « avec stupéfaction la taille extrêmement réduite de cet espace, son enclavement total au sein de l’unité de sorte que cette cour n’offre aucune vue horizontale vers l’extérieur de la prison ».
Copyright – La cour pour enfants aménagée au sein de l’unité visite – Rapport du CCSP à la suite de la seconde visite du site en construction de la prison de Haren (13.06.22)
Plus grave encore, « cette cour est clôturée par des murs en béton de la même hauteur que ceux du préau individuel des cellules de punition, situé à proximité immédiate. Une cour emmurée de la sorte et dénuée de toute vue vers l’extérieur n’est en rien conforme à la dignité des enfants amenés à y prendre l’air ni n’est de nature à favoriser leur développement mental autant que physique tellement son caractère carcéral est prégnant ». Le CCSP insiste pour que cet espace soit repensé afin de réduire au maximum, dans un environnement censé accueillir des enfants, tout ce qui évoque la prison.
C’est la deuxième fois que le CCSP se rend à Haren. Force est de constater que le Masterplan, censé définir un plan d’action fédéral pour une détention dans des conditions de vie plus humaines, n’y répond pas. Les remarques émises lors du premier rapport, effectué le 23 novembre 2021, n’ont pas été suivie d’effet, à l’exception de l’installation d’un abri contre les intempéries dans la cour de promenade attenante aux cellules de punition. Le second rapport réitérant les mêmes observations est actuellement resté lettre morte, tant du côté de la direction générale de l’administration pénitentiaire que du côté du cabinet du ministre de la Justice.
Par ailleurs, si la politique pénitentiaire entend gérer la question de la surpopulation carcérale chronique, ce second objectif est lui aussi voué à l’échec. Dans une logique du tout sécuritaire, les expériences étrangères démontrent que plus on construit des prisons, plus on les remplit si l’incarcération d’une personne condamnée n’est pas accompagnée d’un plan de reclassement efficient. A l’inverse, les pays qui ferment des prisons et investissent les deniers ainsi épargnés dans la prise en charge et l’éducation des détenus voit les statistiques relatives à la récidive sensiblement chuter.
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