SOCIETE

Sous-effectifs pénitentiaires et nouvelles prisons : une équation carcérale désastreuse


Afin de lutter contre la surpopulation carcérale, fin février, le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne a fait savoir que, d’ici 2023, il y aura une augmentation nette d’environ 800 places au sein des prisons du pays. Ce nombre prend en compte l’entrée en service dès l’automne prochain des nouvelles prisons de Haren-Bruxelles et de Termonde. Celles-ci fourniront respectivement 1190 places et 444 places. En 2025, la prison d’Anvers sera elle aussi remplacée par une nouvelle. Les prisons de Vresse (280 places) et de Bourg Léopold (312 places) ouvriront quant à elles leurs portes en 2026. Pour ces nouveaux emplois à pourvoir, des campagnes de recrutements ont été lancées. Ne dites plus « agent pénitentiaire », mais « assistant de sécurité » et « accompagnateur de détenu ». Cela suffit-il à redorer l’image de la fonction ? A l’évidence, non. Trop peu de candidats se présentent. Se basant sur son analyse du projet de Haren en chantier, et se ralliant à une recommandation de la Cour des comptes, le Conseil Central de Surveillance Pénitentiaire (CCSP) tire la sonnette d’alarme.

De nombreuses inconnues subsistent encore à l’heure actuelle quant au futur personnel pénitentiaire de la prison de Haren. À terme, 724 équivalents temps plein devraient être occupés dans cet établissement dont la direction devrait être assurée par pas moins de 23 directeurs. Or, pour le CCSP, les raisons de s‘inquiéter du fonctionnement de la future prison en termes de ressources humaines sont nombreuses, peut-on lire dans son avis remis le 13 juin dernier, à la suite de sa seconde visite du site en construction.

De manière plus générale, ces craintes se révèlent à l’identique pour l’ensemble de nos prisons. Notre parc pénitentiaire souffre d’une absence chronique de ressources humaines. L’équation carcérale est désastreuse.

Un déficit endémique de personnel

« La pénurie de personnel qui touche 31 prisons sur 35 ainsi que le déficit endémique de personnel néerlandophone qui touche particulièrement les prisons bruxelloises et flamandes, lequel s’explique notamment par le nombre nettement moins élevé de candidats aux procédures de sélection en Flandre qu’en Wallonie sont déjà, en soi, un cri de détresse », rappelle le CCSP.

En outre, il semblerait que les nouvelles fonctions d’accompagnateur de détention et d’assistant de sécurité rencontrent peu d’intérêt  au niveau du personnel actuellement en place. En cause, entre autres, l’absence de cadre légal régissant ces nouvelles fonctions.
A cela, s’ajoute le fait que les présidents des associations francophone et néerlandophone des directeurs appellent aussi clairement à l’aide. Ils demandent du renfort précisant qu’ « on n’a plus engagé de directeur depuis quinze ans ; ceux qui partent ou qui décèdent ne sont pas remplacés. Au sud du pays, il y a 20 % de directeurs en moins alors que de nouvelles prisons ont été ouvertes ».

Des inquiétudes en matière de connaissances

En matière de formation également, les inquiétudes sont légion. En effet, « alors même qu’une formation initiale spécifique est requise préalablement à l’entrée en fonction du personnel dans le cadre de la nouvelle répartition des tâches, il est d’ores et déjà annoncé que celle-ci serait scindée en plusieurs phases en raison des difficultés de recrutement actuellement rencontrées », constate le CCSP.

La Cour des comptes le relevait déjà dans son rapport de décembre 2021 sur la Politique RH dans les services pénitentiaires : « malgré l’importance fondamentale de prévoir une formation digne de ce nom à propos de laquelle tous les acteurs se sont attardés durant les débats parlementaires, le service pénitentiaire de formation censé concrétiser la politique n’a toutefois pas encore été créé et les moyens à mettre à sa disposition n’ont pas encore été fixés ».
La Cour estime, en outre, que « si les ressources financières et humaines ne sont pas significativement augmentées, il sera difficile de réaliser les actions nécessaires en vue de mettre en place la vision de formation voulue par la loi du 23 mars 2019 ».

Appel lancé au ministre

Se ralliant à une recommandation de la Cour de comptes et complétant celle-ci, le CCSP appelle le ministre de la Justice et l’administration pénitentiaire à veiller à ce que l’ensemble du personnel pénitentiaire ait suivi une formation de base complète préalablement à l‘affectation de terrain à Haren afin que le personnel soit doté des connaissances, compétences et des attitudes nécessaires à la réalisation de sa mission, dans le respect des droits et de la dignité des personnes détenues.

Le CCSP demande, par ailleurs, « à être informer aussi régulièrement et de manière aussi complète et transparente que possible sur l’état des lieux des ressources humaines d’ici à l’ouverture prochaine de la prison de Haren, en ce compris du mode de calcul du cadre du personnel pénitentiaire à tous les niveaux et de la planification de leur entrée en fonction ».

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