EDITO

Visite américaine à Taiwan : la Chine laissera-t-elle pisser le mérinos ?

La présidente de la Chambre des représentants des USA, Nancy Pelosi, accueillie à son arrivée à l'aéroport Sungshan de Taipei. AFP

En faisant, mardi 2 août, une visite spectaculaire à Taïwan, la présidente de la Chambre des représentants américaine, Nancy Pelosi, démontre la volonté des USA de couper court aux velléités de reconquête de l’île de la part du Premier ministre chinois Xi Jinping. C’est aussi un message envoyé à ce dernier au cas où il serait tenté de suivre l’exemple de Vladimir Poutine qui a déclaré la guerre à l’Ukraine depuis le 24 février avec au moins la volonté d’annexer le Donbass, une partie du territoire ukrainien, ou d’en faire un Etat vassal de la Russie. Par ailleurs, la visite du troisième plus haut responsable des USA après le président Joe Biden et la vice-présidente, Kamala Harris, vise certainement à punir la Chine qui, non seulement n’a pas condamné en des termes très clairs l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais aussi n’a pas voté, en mars dernier, pour la résolution  exigeant que « la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine ». Mais on peut aussi voir dans la visite de Nancy Pelosi un moyen de faire payer aux dirigeants chinois les traitements inhumains et violents qu’ils imposent à la minorité musulmane des Ouïghours.

L’arrivée de Nancy Pelosi à Taipei, la capitale taïwanaise, vise aussi à apporter un soutien officiel et appuyé à la présidente de Taïwan (aussi dénommé République de la Chine), Tsai Ing-wen, la première femme à avoir été élue présidente d’un Etat asiatique au terme d’élections démocratiques, et farouche défenseuse de l’indépendance de Taïwan face au géant chinois dont les dirigeants ne rêvent que d’une chose : réintégrer l’île dans la République populaire de la Chine. Sa visite s’inscrit aussi dans une tradition américaine de soutien à Taiwan, car en 1997, son prédécesseur Newt Gingrich, avait fait le même voyage.

On peut aussi voir dans la visite de Nancy Pelosi à Taïwan un moyen de faire payer aux dirigeants chinois les traitements inhumains et violents qu’ils imposent à la minorité musulmane des Ouïghours.

Certes, la Chine n’entend pas se laisser faire face à la visite de Nancy Pelosi. Ses dirigeants ont dénoncé cette visite à Taïwan, vécue comme une ingérence dans ce qu’ils considèrent comme une affaire interne à la Grande Chine. Ils ont aussi posé un acte fort en envoyant 21 avions de chasse de l’armée chinois violer la zone de défense aérienne du sud-ouest de Taïwan le 2 août, soit le même jour que celui de la visite de l’Américaine.

Mais la question est de savoir si la Chine qui voit en la visite de la présidente de la Chambre des représentants américaine un geste portante « gravement atteinte à la paix et la stabilité » dans le détroit de Taïwan s’arrêtera là. Probablement que non, mais il y a fort à parier que les dirigeants chinois n’iront pas jusqu’à une confrontation directe avec les USA. Une telle réaction ne servira pas leurs intérêts, car même si la Chine est aujourd’hui une puissance économique mondiale avec laquelle il faut compter, elle a encore besoin du pays de l’Oncle Sam et de ses alliés européens dans différents domaines (militaires, échanges commerciaux, etc.). Elle a protesté et posé un acte fort, manifestant ostensiblement sa colère. L’ambassadeur américain en Chine est convoqué par les autorités chinoises pour fournir des explications, comme on dit dans le langage diplomatique.

Les Taïwanais ne sont pas près de renoncer à la démocratie et les libertés fondamentales (respect des droits de l’homme, liberté de la presse, etc.) dont ils jouissent pour rejoindre le régime autoritaire de la Chine.

Mais si la Chine veut vraiment préserver la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan, elle doit comprendre qu’au 21ème siècle, sa stratégie visant à vouloir réintégrer (par la force ou via des pressions ?), l’île en son sein est probablement vouée à l’échec. Car les Taïwanais ne sont pas près de renoncer à la démocratie et les libertés fondamentales (respect des droits de l’homme, liberté de la presse, etc.) dont ils jouissent pour rejoindre un régime autoritaire qui flirte avec la dictature. Taïwan est un des pays les plus libres au monde, face à une Chine, un des Etats les plus cadenassés politiquement sur la planète. Par ailleurs, la République de Chine, forte de près de 24 millions d’habitants sur près de 36.000 km², est une économie prospère et un pays développé. Elle n’a rien à envier à la République populaire de Chine sur ces plans. Les dirigeants chinois doivent plutôt réfléchir à construire des relations bilatérales de bon voisinage avec le petit Etat voisin qu’est Taïwan et renoncer aux propos vindicatifs qui ne feront que braquer les dirigeants de l’île.