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Affaire Sébastien Raoult et cybercriminalité : qui sont les ShinyHunters ?


Sébastien Raoult, un étudiant français de 21 ans détenu au Maroc, encourt 116 ans de prison aux Etats-Unis pour des soupçons de cyberpiraterie. En enquêtant sur les ShinyHunters, ce gang spécialisé dans le phishing, soit l’hameçonnage de données personnelles ciblant particulièrement les développeurs présents sur GitHub, le FBI (bureau fédéral d’enquête américain) a mis un pied dans l’underground français du piratage informatique. Outre Sébastien Raoult, deux autres Français sont visés par la justice américaine. L’affaire a des ramifications multiples. Incarcéré depuis deux mois dans une prison près de Rabat, les Etats-Unis demandent l’extradition du jeune homme qui clame son innocence. Que lui est-il reproché exactement ?

Le 31 mai dernier, en plein séjour au Maroc, Sébastien Raoult est arrêté à l’aéroport international de Rabat-Salé. Il est détenu depuis à la prison de Tiflet 2, près de Rabat. Selon la police marocaine, le jeune Français faisait l’objet d’une notice rouge dans les fichiers internationaux, soit une demande, adressée aux autorités du monde entier et impliquant l’arrestation immédiate d’un individu en attendant son extradition, émise par Interpol à la demande de la justice américaine. Les poursuites concernent une affaire de cyberpiraterie contre des entreprises américaines, dont Microsoft. Le jeune homme, quant à lui, nie les faits.

Soupçonné d’être un hacker

Sébastien Raoult ferait partie des ShinyHunters, des hackers qui ont choisi leur nom en référence à l’univers Pokémon. Le groupe de pirates informatiques, qui se serait formé en 2020, serait impliqué dans de nombreuses violations de données. Plus de 200 millions de données hameçonnées ont déjà été vendues dans le Dark web. Les ShinyHunters seraient ainsi derrière le vol de données d’entreprises tels que Microsoft, Wattpad ou encore le site d’e-commerce américain Bonobos, rattaché à Walmart.

C’est dans ce contexte que les autorités américaines réclament l’extradition de Sébastien Raoult. Les chefs d’accusation : « complot en vue de commettre fraude et abus électronique, fraude électronique et vol d’identité grave ».
La version du jeune homme est toute autre. Il se trouvait en deuxième année d’études d’informatique à l’école d’ingénieurs Epitech de Nancy lorsqu’il a arrêté ses études, en décembre dernier, pour voyager et découvrir le monde, tout en réfléchissant au sens de sa vie, a indiqué son père par voie de presse.

Un déni de justice ?

Une demande d’entraide pénale a été adressée à la France par les Etats-Unis l’été dernier, dans le cadre d’une nouvelle enquête sur les ShinyHunters. Des interpellations et auditions ont ainsi eu lieu dans l’Hexagone et l’arrestation de Sébastien Raoult ordonnée au Maroc.

Le père du jeune homme estime qu’il y a « déni de justice ». Il demande l’extradition de son fils vers la France plutôt que vers les Etats-Unis où il encourt une peine maximale, soit un emprisonnement de 116 ans, ce qui correspond à la somme des peines prévues pour les neuf chefs de prévention visés.

En France, pour les mêmes délits supposés, Sébastien Raoult n’encourt que 5 ans de prison. Son père a fait appel à la Première ministre Elisabeth Borne, tandis que son avocat, Philippe Ohayon, a contacté le cabinet du ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti.
« Nous sollicitons que des poursuites soient engagées en France concernant les faits reprochés (…) On ne recherche pas l’impunité, nous demandons seulement à être jugés là où nous pouvons nous défendre ». L’avocat veut démontrer que l’identité de son client a été usurpée, mais affirme ne pas pouvoir le faire aux Etats-Unis.

L’avocat a aussi demandé au parquet d’Epinal d’ouvrir une enquête préliminaire sur les faits reprochés à Sébastien Raoult. Mais cette demande a été rejetée par le procureur de la République. Le parquet d’Epinal a toutefois précisé que de nouveaux éléments reçus de la part de l’avocat allaient « être étudiés »

 

Copyright – Sébastien Raoult, ici en photo sur le téléphone portable de son père, se trouve retenu en prison depuis 2 mois au Maroc – AFP