POLITIQUE

Expulsion de l’imam Hassan Iquioussen : une sanction couperet contre le prosélytisme


Le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin avait annoncé, le 28 juillet, l’expulsion du sol français du prédicateur du Nord. L’imam, proche des Frères musulmans, est accusé par les autorités françaises d’avoir tenu des propos haineux « ouvertement antisémites, ouvertement xénophobes, ouvertement homophobes, ouvertement anti-femmes » et d’avoir alimenté des appels à la violence. Hassan Iquioussen (58) a introduit, dans la foulée, un recours en suspension de cette décision devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Cette dernière rejette sa demande en raison de la gravité de la menace du personnage pour l’ordre public, de par son rôle considérable joué dans la radicalisation de nombreux jeunes musulmans. Le pouvoir d’influence d’Hassan Iquioussen est effectivement énorme sur les réseaux sociaux, notamment sur sa chaîne YouTube suivie par 169.000 personnes et sur sa page Facebook aux 42.000 abonnés. L’avocate de l’imam, Maître Lucie Simon, appelle de son côté au « respect du droit ». Elle a déposé un référé-liberté, ce jeudi 4 août, devant le tribunal administratif de Paris. Le verdict est attendu. D’ici là, le prédicateur peut être, à tout moment, arrêté et envoyé vers le Maroc.

La cour, qui siège à Strasbourg, a été saisie ce mercredi par l’intéressé au titre de l’article 39 de son règlement qui lui permet d’ordonner aux États des « mesures provisoires » lorsque les requérants sont exposés à « un risque réel de dommages irréparables ». Hassan Iquioussen invoquait les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme sur l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants, le droit au respect de la vie privée et familiale, à la liberté de pensée, de conscience et de religion et à la liberté d’expression.

Le contexte de la demande : le ministre Gérald Darmanin a pris un arrêté d’expulsion de cet imam, lui retirant son titre de séjour ainsi qu’un second arrêté fixant le Maroc comme pays de destination. « En raison de la gravité de la menace pour l’ordre public », la CDH estime qu’il n’est pas porté une atteinte disproportionnée aux droits de l’imam. Cette dernière rejette sa demande en suspension de son expulsion.

Un recours non suspensif

Hassan Iquioussen est désormais inscrit au fichier des personnes recherchées et le Maroc a d’ores et déjà délivré un laissez-passer consulaire pour, selon les termes du ministre, l’« expulser manu militari » de France. Sauf, donc, si le tribunal administratif de Paris en décide autrement, avant. « Le droit au recours effectif est garanti par la Constitution, l’expulsion de M. Iquioussen ne saurait avoir lieu avant qu’un juge impartial ne se prononce sur sa légalité », met en garde son avocate sur Twitter, même si son recours n’est pas suspensif.

Quant au fond, Maître Lucie Simon souligne que la décision d’expulsion est « juridiquement totalement disproportionnée », en précisant : « On se place sur le terrain de la morale, ce qui n’est pas la question juridique ». « Quelles sont l’actualité et la gravité de la menace qu’il représenterait pour justifier son expulsion, alors qu’il a toute sa vie en France, et que les faits qu’on lui reproche ont plus de dix, voire vingt ans ? ».

 Du prosélytisme distillé

Le problème justement est qu’Hassan Iquioussen vit en France et qu’il lance sur le territoire français des appels à la haine et à la violence. « J’ai signé un arrêté d’expulsion contre l’imam Iquioussen. Ce prédicateur, dont les propos sur les juifs, les femmes ou encore les attentats, sont ouvertement contraires aux valeurs de notre République, n’a rien à faire sur notre sol. Il est recherché et sera expulsé », a affirmé le 2 août, Gérald Darmanin au pupitre de l’Assemblée nationale. En cause, notamment : « Un discours prosélyte porteur d’une vision de l’islam encourageant le séparatisme et le mépris de la laïcité », précise l’arrêté.

Originaire du Souss, au Maroc, né en France, à Denain dans la banlieue de Valenciennes, étonnamment, Hassan Iquioussen n’a pas la nationalité française. Ou plutôt, il ne l’a plus. Une décision de son père, affirme-t-il, qui, voulant garder intacte l’identité à la fois marocaine et musulmane de son fils, lui a retiré cette part française acquise par le droit du sol et qui lui échappera  à sa majorité.
A deux reprises, Hassan Iquioussen dit avoir tenté de récupérer sa nationalité française, notamment à ses 30 ans. Mais la France, à chaque fois, s’y opposera. Très tôt, en effet, Hassan Iquioussen a versé dans l’islamisme, celui des Frères musulmans.

Un lycéen devenu « prêcheur des cités »

Hassan Iquioussen correspond à une figure très répandue dans le milieu de l’islam militant européen, celle d’un prédicateur charismatique qui a su conquérir une légitimité islamique en captant un public jeune, à la fois dans le monde virtuel des réseaux sociaux, avec des milliers d’abonnés sur sa page Facebook et sa chaîne YouTube et dans le monde physique des quartiers.

Depuis une vingtaine d’années, il a aussi multiplié les conférences dans les mosquées du nord de la France, en Île-de-France et en Belgique. C’est dans ce contexte que l’imam controversé a exprimé son souhait de s’installer dans notre pays. En réaction, le président du MR, Georges-Louis Bouchez, a appelé publiquement à rendre cette éventuelle installation impossible.

Ahamada Mmadi : un précédent

Le 2 mai dernier, Ahamada Mmadi, l’imam de la mosquée Attakwa de Saint-Chamond dans la Loire, a lui aussi été expulsé avec toute sa famille, de France vers les Comores, pour des prêches incompatibles avec les valeurs de la République.
Au mois de juillet 2021, il avait été convoqué à la préfecture de ce département pour un prêche en particulier jugés discriminatoires et attentatoires à l’égalité homme-femme dans le cadre notamment de la loi sur le séparatisme.

« Ô femmes musulmanes […] préserve son sexe de ce qui est haram interdit et obéit à son mari […] tâchez de veiller aux droits d’Allah et à ceux de vos époux, c’est-à-dire vos maris, restez dans vos foyers et ne vous exhibez pas de la manière des femmes d’avant l’islam […] et ne soyez pas trop complaisantes dans votre langage afin que celui dont le cœur est malade, c’est-à-dire l’hypocrite, ne vous convoite pas et tenez […] un langage décent » (extrait du prêche).

Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin s’était alors déclaré scandalisé par ces propos et avait ordonné la destitution de l’Imam et une reconduite à la frontière pour une expulsion à destination des Comores, avec sa femme et ses trois enfants.

 

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