SOCIETE

Rodéo urbain : la méthode anglaise du choc tactique, « un blanc-seing pour tuer »


Aux vues de l’actualité, les forces de l’ordre chargées de lutter contre les rodéos urbains se seraient bien passées de voir arriver en salle le 7 septembre prochain le film « Rodéo ». Présenté lors du dernier festival de Cannes, la réalisatrice Lola Quivoro y fait l’éloge de la « gentille » culture du cross bitume et pointe la responsabilité des courses poursuites de la police dans les éventuels accidents. Et pourtant, ils ne sont pas rares et certainement pas causés par la police. En France, à Pontoise, une fillette de 7 ans et un garçon de 11 ans ont été violemment fauchés par une moto lors d’un rodéo urbain, alors qu’ils jouaient à chat sur une esplanade. Dans le département du Val-d’Oise depuis début avril, 534 interventions ont été recensées pour des rodéos urbains. En réponse à cette pratique dangereuse, qui a lieu sur la voie publique au milieu des piétons, le syndicat français de policiers Alliance demande que la méthode du « choc tactique », utilisée à Londres pour arrêter les auteurs de vols à l’arrachée, soit autorisée dans l’Hexagone. Quel est le cadre légal en Belgique. On fait le point avec Thierry Belin, secrétaire du syndicat national du personnel de police (SNPS).

Le jeune homme de 18 ans qui a reconnu avoir renversé et grièvement blessé avec un motocross les deux enfants en début de week-end dernier a été écroué ce lundi, a indiqué le parquet. Il est mis en examen pour « blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois » aggravé par deux circonstances, le délit de fuite et le manquement à des obligations de sécurité.
La petite fille, qui présente « un traumatisme crânien », a été opérée samedi. Son pronostic vital reste engagé et elle risque de conserver « de lourdes séquelles neurologiques ». Le garçon de 11 ans, dont l’état s’est stabilisé, a lui une fracture du tibia-péroné et une amnésie traumatique. Les accidents se répètent dans le cadre de rodéos urbains et le fléau concerne désormais tout le territoire français.

Au-delà de l’intensification des contrôles de police, le syndicat français de policiers Alliance demande de pouvoir appliquer la méthode anglaise du « contact tactique », dite aussi méthode du « tampon », actuellement interdite par la loi française.

Une méthode « choc »

Si en France, des peines pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement sont prévues pour les auteurs de rodéos urbains, les interpellations sont en revanche difficiles. Et pour cause : les policiers n’ont pas le droit d’engager de courses-poursuites avec les personnes qui seraient prises en flagrant délit de rodéo urbain. La responsabilité des policiers est engagée en cas de chute des conducteurs.

À l’inverse, à Londres, où les délits en scooters sont nombreux, les policiers peuvent désormais mettre hors d’état de nuire un individu à moto en le percutant tactiquement, après avoir reçu une formation pour réaliser cette action. L’intervention est en effet musclée : le véhicule de police percute à l’arrière le deux-roues pour déstabiliser son conducteur, ce qui entraîne inévitablement sa chute. Cela empêche, notamment, l’individu de pénétrer en zones piétonnes. En France, certains syndicats de police comme certains députés, à l’instar du député Horizons, François Jolivet, réclament l’expérimentation d’une telle méthode.

« Un blanc-seing pour tuer »

Mais la technique est controversée, car si elle réduit la délinquance, elle est aussi très dangereuse. En Angleterre d’ailleurs, les policiers  n’avaient, au début, le droit de percuter que des conducteurs casqués. Ces derniers ayant compris la règle, ils se sont mis à circuler volontairement sans casque. Depuis, la distinction n’est plus appliquée, ce qui rend le concept encore plus dangereux pour les conducteurs des deux roues.

Thierry Belin, secrétaire du syndicat national du personnel de police (SNPS), émet les mêmes réserves. « La méthode du choc tactique est peut-être efficace, certes, on stoppe effectivement quelqu’un. Mais, on met la vie des conducteurs en danger. Ces jeunes roulent souvent en t-shirt, sans casque et sans protections. Ce serait de la folie furieuse d’autoriser la pratique en Belgique. C’est un blanc-seing pour tuer. Je ne vois pas quel est l’élu(e) qui soutiendrait une telle proposition. Et nos effectifs policiers risquent le tribunal correctionnel ou les assises ».

Des pistes de solutions

A Bruxelles, Nivelles, Waterloo, dans plusieurs villes et communes du pays, les drifts et les wheelings inquiètent les autorités et la police semble avoir du mal à intervenir face à une pratique dangereuse qui mêle à la fois vitesse excessive et conduite inadaptée. Et pour cause. « Les rodéos urbains ne sont pas considérés comme des infractions. Il y a actuellement une absence de cadre légal », poursuit Thierry Belin. « Mais ce n’est pas en blessant grièvement le conducteur d’une moto en le faisant chuter que l’on va résoudre le problème. Les pistes d’action sont plurielles ».

Si le rodéo urbain n’existe pas dans le Code de la route, la règlementation routière permet effectivement de verbaliser toute une série d’infractions. Dans notre pays, plusieurs actions ont ainsi été récemment mise en place pour contrer le phénomène : contrôle de vitesse réguliers, saisie de motos et de véhicules, amendes au prorata du bruit que l’engin tuné génère, etc.

Ces sanctions sont à cumuler avec d’autres réponses concrètes. Ainsi, « à Namur, des aménagements ont été apportés à la voirie pour rendre plus difficile, voire impossible, des cascades dans la rue, notamment pas des rétrécissements de voies et des casse-vitesse », nous précise encore Thierry Belin. « Il faut poursuivre en ce sens. Cela me semble plus sensé ».