JUSTICE

Uwe H.Hahn suspecté d’avoir tué son mari belge : « le cadavre hurle les circonstances de sa mort »

Photo prise le 6 août 2022, de l'entrée de l'immeuble où le Belge Walter Henri Maximilien Biot, époux du consul allemand Uwe Herbert Hahn, est décédé le 5 août 2022, dans l'appartement qu'ils partageaient à Rio de Janeiro, au Brésil. AFP

Samedi 6 août, la police brésilienne a arrêté Uwe Herbert Hahn (62), le consul d’Allemagne à Rio de Janeiro. Il est soupçonné d’avoir tué son mari, Walter Biot (53), un ressortissant belge mort vendredi dans leur appartement situé dans le quartier aisé et branché d’Ipanema, dans des circonstances qui restent à élucider. Ses avocats soutiennent qu’il bénéficie de l’immunité diplomatique et qu’il doit être libéré. Mais, ce mercredi 10 août, le juge d’instruction, Rafael de Almeida Rezende, a décidé de maintenir le diplomate allemand en détention provisoire après ses tentatives présumées de falsification de preuves. Il a en effet affirmé que son mari s’était cogné mortellement la tête en s’effondrant soudainement. Mais, selon les premières constatations médico-légales, la victime a été frappée à plusieurs reprises. L’appartement du couple aurait également été nettoyé avant que l’équipe médico-légale ne procède à son examen. Violences et humiliations, de nouveaux détails apparaissent sur la mort suspecte de Walter Biot.

Selon Uwe Herbert Hahn, son mari serait mal tombé « alors qu’il était encore une fois ivre ». Mais les premiers éléments de l’enquête relève un cumul d’éléments suspects. « La version des faits donnée par le consul, selon laquelle le défunt a été victime d’une chute, est incompatible avec les conclusions du rapport médico-légal », a déclaré l’officier de police Camila Lourenco. Plusieurs témoignages dressent le tableau d’un couple aux prises d’une relation toxique. Un héritage de 600.000 euros permet également d’éclairer les enquêteurs  sur cette affaire.

Des circonstances troublantes

« Les légistes ont constaté diverses ecchymoses, notamment sur le torse, compatibles avec des blessures infligées par un piétinement, ainsi que des lésions compatibles avec une attaque avec un instrument cylindrique, supposé être un club en bois », a expliqué Camila Lourenco lors d’une conférence de presse. « Ils ont aussi détecté des éclaboussures de sang dans l’appartement, de façon marquée, dans la chambre à coucher du couple et dans la salle de bain, ce qui est compatible avec la dynamique d’une mort violente ».

Le compte Instagram du commissariat a publié des photos de ce qui semble être des taches de sang sur le sol et les meubles. Le corps de Walter Biot présente des coups à plus de 30 endroits. « Cela hurle les circonstances de sa mort », a précisé la policière.

Une version douteuse

La police civile a aussi publié la vidéo de la première déclaration faite aux enquêteurs par Uwe Herbert Hahn. « Pouvez-vous me dire ce qui s’est réellement passé ? », demande l’officier de police. Et le suspect de répondre : « Nous étions assis sur ce canapé. Je pense qu’il fumait une cigarette (…) tout est allé très vite (…) il s’est levé pour se diriger vers le balcon et il est tombé sur le ventre (…) Je ne sais pas pourquoi ». Et le diplomate poursuit : « Comme ces derniers jours, il a eu plusieurs crises de panique. J’ai lui ai alors dit : Walter, lève-toi, tu dois aller te coucher. Et puis j’ai vu le sang ».

Mais les autorités ne croient pas à cette version du diplomate qui ne colle pas avec les premiers constats réalisés par le coroner Nelson Massini et ses équipes. Et l’argument du Consul de dire que, juste avant l’arrivée des experts légistes, il aurait demandé à sa secrétaire de nettoyer « car le chien léchait une mare de sang » ne tient pas.

Une relation houleuse

Le couple était marié depuis vingt ans. Walter Biot avait cessé de travailler après avoir épousé le consul, ce qui, selon, plusieurs témoins, suscitait régulièrement dénigrement et insultes de la part Uwe Herbert Hahn. « Walter était aussi responsable de toutes les tâches ménagères et il nous était très difficile de le voir », précise l’un d’entre eux. Incapable de supporter plus avant les humiliations répétées du diplomate, Walter Biot l’avait quitté pour rentrer en Belgique.

Trois mois plus tard, cependant, il était retourné au Brésil et s’était réinstallé chez le consul allemand, mais différemment. Walter Biot avait en effet hérité 600 000 euros d’un riche ami belge décédé. Il n’était plus financièrement dépendant de son mari.  C’est là que les querelles se seraient intensifiées. Uwe Herbert Hahn avait moins d’arguments pour rabaisser son mari qui se laissait moins faire.

Walter Biot commence aussi à fréquenter davantage ses amis, même si le consul allemand ne lui en donne pas l’autorisation. « Il m’a raconté comment ils se disputaient tous les jours. Walter avait honte des voisins, car pendant ces bagarres, le consul criait et jetait des objets à travers l’appartement », affirme cet autre témoin.
Les enquêteurs ont aussi interrogé la femme de ménage du couple. Elle a déclaré avoir « remarqué deux ou trois fois cette année que la taie d’oreiller sur laquelle Walter dormait contenait des traces de sang ». En juillet, elle a aussi « vu que Walter avait une coupure sur le front, mais il a essayé de l’expliquer en disant que c’était à cause du chat ».

 

Compte tenu de la nature des faits et du cumul d’éléments troublants, malgré ses affirmations, il n’y a donc pas d’habea corpus (NDLR : Acte délivré à la requête d’un détenu en vertu duquel ce dernier doit être amené immédiatement devant le juge qui doit vérifier les motifs de la détention et prononcer éventuellement sa mise en liberté définitive ou sous caution) pour Uwe H. Hahn.

Le juge a estimé qu’une arrestation pour homicide commis dans l’appartement du couple, et donc en dehors de l’environnement consulaire, n’a aucun rapport avec les fonctions diplomatiques.
Le consul devait être prochainement transféré en Haïti pour prendre un nouveau poste. Interpellé par la presse locale, le ministère allemand des Affaires étrangères n’a pas souhaité faire de commentaires. Il a toutefois confirmé que « Notre ambassade à Brasilia et le consulat général à Rio de Janeiro sont en contact étroit avec les autorités brésiliennes qui enquêtent sur cette affaire ».