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Salman Rushdie poignardé : son agresseur plaide « non coupable »

Hadi Matar, 24 ans, arrive pour une mise en accusation au palais de justice du comté de Chautauqua à Mayville, New York, samedi 13 août 2022. Crédit: AFP

L’assaillant de Salman Rushdie, un jeune Américain d’origine libanaise, a été présenté à un juge de l’Etat de New York devant lequel il a plaidé « non coupable » de « tentative de meurtre au second degré » et d’« agression au second degré » sur la personne de Salman Rushdie (75 ans). Hadi Matar, 24 ans, est accusé d’avoir poignardé l’auteur – dont l’œuvre controversée a suscité des menaces de mort – lors d’une conférence débat qui se tenait ce vendredi 12 août dans un centre culturel de Chautauqua. La caution lui a été refusée par le tribunal et il a été placé en détention provisoire à la prison du comté de Chautauqua. selon Nathaniel Barone, son avocat commis d’office.

Hadi Matar « s’est montré très coopératif et communiquait ouvertement », mais il n’a pas évoqué plus de détails sur les raisons de son geste. Sa prochaine comparution devant le juge est prévue le vendredi 19 août prochain. L’homme, qui n’a pas d’antécédents judiciaires, risque jusqu’à 32 ans de prison s’il est reconnu coupable des deux chefs d’accusation.

Un geste prémédité

Hadi Matar a comparu en tenue rayée noire et blanche de détenu, menotté et masqué, lors d’une audience préliminaire devant un tribunal de Chautauqua, pour entendre l’énoncé des poursuites. Les procureurs ont estimé que l’attaque de vendredi était préméditée, avec l’intention de causer des blessures physiques.
A 75 ans, l’intellectuel a été poignardé au moins à dix reprises au cou et à l’abdomen. Selon les premiers éléments de l’enquête, Hadi Matar est arrivé à Chautauqua au moins un jour avant l’événement et a acheté un ticket d’entrée deux jours avant. Il est arrivé en bus et avait sur lui de l’argent liquide, des cartes Visa prépayées et de faux papiers d’identité. Pour les procureurs, ces éléments suffisent : il s’agissait d’une attaque ciblée, planifiée à l’avance.

Le mobile n’étant toujours pas connu et Salman Rushdie ayant la double nationalité britannique et américaine,  le FBI a déclaré « travailler activement avec les autorités locales, mais aussi avec des partenaires internationaux, notamment au Royaume-Uni, pour fournir des ressources supplémentaires à l’enquête ».

Une sécurité défaillante

À la suite de l’attaque, des questions ont été soulevées quant aux mesures de sécurité – ou à leur absence – prises par l’institution hôte, située dans une zone rurale, au sud de Buffalo, dans l’Etat de New York. La direction du centre culturel a déclaré avoir rejeté les recommandations de mesures de sécurité de base, notamment les fouilles, le contrôle des sacs et les détecteurs de métaux, craignant que cela ne crée un fossé entre l’orateur et son public. La direction craignait également que cela ne change la philosophie d’ouverture de l’institution.

 Une attaque saluée en Orient

Les faits ont provoqué une onde de choc dans les pays occidentaux. le président américain Joe Biden a condamné « une attaque brutale » et a rendu hommage à Salman Rushdie pour son « refus d’être intimidé et réduit au silence ».

En Iran, en revanche, le principal quotidien ultraconservateur iranien, Kayhan, a félicité l’agresseur de Salman Rushdie. « Bravo à cet homme courageux et conscient de son devoir qui a attaqué l’apostat et le vicieux Salman Rushdie », a écrit le journal. « Baisons la main de celui qui a déchiré le cou de l’ennemi de Dieu avec un couteau ».
Et au marché aux livres de Téhéran, Mehrab Bigdeli, un religieux chiite, s’est dit « très heureux d’apprendre la nouvelle. Quel que soit l’auteur, je lui baise la main (…) Que Dieu maudisse Salman Rushdie ».

Au Pakistan voisin, le parti Tehreek-e-Labbaik Pakistan, réputé pour sa violence contre ce qu’il appelle du blasphème antimusulman, a jugé que Salman Rushdie « méritait d’être tué ».

Une explosion des ventes

Salman Rushdie vit aux Etats-Unis depuis  20 ans. Il avait, ces dernières années, repris une vie à peu près normale tout en continuant de défendre, dans ses livres, la satire et l’irrévérence. Hasard ou coïncidence, le magazine allemand Stern l’a interviewé quelques jours, avant l’attaque. Il avait déclaré : « Depuis que je vis aux Etats Unis, je n’ai plus de problème (…) Ma vie est de nouveau normale (…) je suis optimiste malgré les menaces de mort quotidiennes ».

Depuis l’attaque de ce vendredi, le géant Amazon a fait état d’une hausse en flèche des commandes pour l’ouvrage les « Versets sataniques » et la librairie new-yorkaise Strand Bookstore, en particulier, a indiqué à l’AFP que « des gens venaient nombreux voir ce qu’il a décrit dans le livre et savoir ce qu’on avait comme exemplaires en stock ».