SOCIETE

Iran : le certificat de « virginité », un test couperet pour les femmes


En Iran, légalement, le père et le grand-père paternel sont le chef de famille et peuvent décider du sort des jeunes filles, y compris du mariage. Leur virginité avant d’être confiée à leur mari est aussi au cœur de l’actualité de leur (non) droits. Ainsi, les hommes peuvent exiger un certificat de virginité. Après les fiançailles, les femmes doivent se rendent chez un médecin pour effectuer un test. Il consiste à constater la présence ou l’absence de l’hymen, une membrane qui ferme partiellement l’orifice du vagin. Ces examens ne reposent en outre sur aucune base scientifique, ne constitue nullement une preuve et menacent la santé des femmes. Ancrée dans un conservatisme culturel, la pratique patriarcale et sexiste est contraire aux droits de l’homme. Et pourtant, la sentence conjugale peut être un couperet dans un des pays qui caracole en tête de ceux qui exécutent le plus de femmes au monde. Outre les trois femmes exécutées fin juillet, six autres ont été tuées au cours des six premiers mois de l’année dans le pays.

Depuis la révolution de 1979, les iraniennes sont confrontées à des discriminations fondées sur le sexe dans de nombreux aspects de leur vie en République islamique d’Iran. Les tests de virginité, en particulier, sont une atteinte violente à leur intimité.
Depuis plusieurs années, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ONU-Femmes et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) appellent à mettre un terme à cette pratique médicalement inutile et souvent douloureuse, humiliante et traumatisante, et, plus largement, à éliminer la violence qui en découle à l’égard des femmes.

Un test passe-droit

En Iran, les parents ou le futur conjoint peuvent demander un test de virginité pour déterminer si une femme ou une fille est « mariable ». Ils sont principalement réalisés par des médecins, des agents de police, des gardiens de prison ou des chefs de communauté.
Dans certaines régions, il est aussi fréquent que les professionnels de la santé examinent des victimes de « viols prétendus » pour évaluer « s’il ont bien eu lieu ».

Les tests de virginité consistent le plus souvent à inspecter l’hymen afin de voir s’il est déchiré ou d’évaluer son degré d’ouverture, et (ou) à introduire des doigts dans le vagin, soit le test dit « des deux doigts ». Or, l’OMS affirme que rien ne tend à démontrer que l’une ou l’autre de ces méthodes permet de prouver qu’une fille ou une femme a eu ou non des rapports vaginaux.

Copyright : OMS

Aucunement une preuve

Les instances internationales rappellent donc que le mot « virginité » n’est pas un terme scientifique. C’est une construction sociale, culturelle et religieuse qui reflète la discrimination dont les femmes et les filles font l’objet en cantonnant leur sexualité dans la sphère du mariage.

De plus, sur le plan anatomique, l’hymen peut avoir été rompu pour de multiples raisons. Certaines femmes naissent même avec une membrane imperceptible voire inexistante. L’état de l’hymen ne prouve donc pas la virginité d’une femme. Ainsi, sauf à établir un certificat de complaisance, il est impossible d’objectiver et donc de certifier la présence ou l’absence de rapports sexuels.

Même si en 2011, le guide suprême de la révolution iranienne, l’ayatollah Ali Khamenei, a émis une fatwa en vertu de laquelle, même s’il s’avère qu’une femme mariée qui se prétendait vierge a eu des relations sexuelles prémaritales, son mari ne peut pas annuler le mariage à moins que le couple n’ait convenu que c’était en préalable, dans les faits, le constat peut virer au drame dans le contexte de violences conjugales.

Un test de virginité pour une main serrée

Le patriarcat sera poussé à l’extrême dans cette affaire qui fera grand bruit en Iran. En mai 2015, l’artiste et militante iranienne Atena Farghadani, 28 ans à l’époque, est interpellée et incarcérée pour favoriser une propagande antisystème, après avoir publié un dessin de presse critiquant le gouvernement. Ce dessin représentait aussi les députés sous forme d’animaux, votant une loi constituant une sévère entrave aux droits des femmes puisque restreignant l’accès à la contraception et rendant criminelle toute stérilisation volontaire.

La dessinatrice satirique révèlera par la suite avoir été contrainte, en prison, de subir un « test de virginité et de grossesse » avant d’être jugée pour « relations sexuelles illicites s’apparentant à un adultère », simplement parce qu’elle avait serré la main de son avocat. La jeune femme observera alors une grève de la faim « sèche », c’est-à-dire sans eau ni nourriture, pour protester contre ces mauvais traitements.

Les ONG de défense des droits humains s’inquiètent particulièrement du nombre grandissant de femmes exécutées en Iran.

Une « frénésie d’exécution »

En Iran, les femmes n’ont pas le droit de demander unilatéralement le divorce, même dans des situations de violence domestique ou d’abus. D’où les drames qui s’en suivent. Le 29 juillet dernier, trois femmes ont été pendues dans la même journée dans différentes prisons iraniennes. Elles ont toutes été condamnées pour avoir tué des maris violents et abusifs,  auxquelles elles ont été mariées alors qu’elles étaient enfants, note l’ONG Iran Human Rights (IHR).
Et il n’y a pas de peine de prison pour un meurtre en Iran. Soit vous graciez, soit vous exécutez. L’État ne peut commuer une condamnation à mort pour meurtre. La décision de gracier appartient à la famille de la victime.

Plusieurs ONG, dont Amnesty international, dénonce une « frénésie d’exécutions » en Iran, « à l’issue de procès systématiquement iniques ». Les organisations de défense des droits humains s’inquiètent particulièrement du nombre grandissant de femmes exécutées en Iran. Entre 2000 et 2022, 233 femmes ont été exécutées, essentiellement pour le meurtre de leur mari ou pour avoir eu des (prétendues) relations sexuelles hors mariage.

En novembre dernier, une pétition en ligne a atteint 25.000 signatures en moins d’un mois. C’était la première fois, dans le pays, que des tests pour certifier la virginité étaient ouvertement rejetés par des milliers de personnes.

 

Copyright : L’artiste et militante iranienne, dessinatrice satirique, Atena Farghadani, incarcérée et contrainte de subir un « test de virginité et de grossesse » en octobre 2015