La Roumanie : un « vivier » d’esclaves sexuelles tacite en Europe
Pour la troisième année consécutive, la Roumanie est statistiquement la principale source d’exportation de personnes victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle en Europe. Un tiers des prostituées de l’UE viendraient de ce pays. La cause ? Les trafiquants profitent de la détresse sociale et d’enfances brisées par les violences sexuelles et domestiques. Dans un rapport paru en juin 2021 déjà, le Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) exhortait les instances du pays à veiller à ce que les infractions de traite donnent lieu à des sanctions effectives et dissuasives et que les victimes aient accès à l’indemnisation. Mais, les institutions policières et judiciaires sont d’une part déficientes pour organiser une véritable protection des femmes et estiment d’autre part qu’il appartient aux pays de destination dans l’UE de gérer les clients. Quant à ces derniers, ils brillent essentiellement par un manque d’actions.
Le phénomène européen est d’une ampleur difficilement quantifiable, mais aux dimensions effrayantes. Selon un rapport de l’Office de surveillance et de lutte américain contre la traite des personnes, Trafficking in Persons Report 2021: Romania, il y aurait entre 700.000 à 1,2 million de travailleuses du sexe en Europe, dont la Roumanie fournirait environ un tiers du total.
Le gouvernement roumain ne satisfait pas aux normes minimales pour l’élimination de la traite des êtres humains dans un pays où le mirage de l’amour à bas prix est levier vers une vie espérée meilleure. Quant aux « pays d’accueil », les interpellations sont rares.
La méthode du « lover boy »
Comment attirer les jeunes filles ? La technique est simple. La lover boy method est une méthode par laquelle le proxénète va d’abord séduire sa victime en lui faisant croire qu’il est amoureux d’elle. En pleine confiance, les adolescente y voit une « histoire d’amour ».
Mais, arrive rapidement la phase 2 du plan. Le petit ami proxénète annonce à la jeune fille que pour vivre leur histoire et partir ensemble, il leur faut de l’argent. « Pour résoudre ce problème, tu dois coucher avec mon ami. Et après, nous aurons une vie extraordinaire ». La jeune femme s’imagine que tout rentrera dans l’ordre et que c’est juste une courte épreuve à traverser, mais elle met définitivement les pieds dans un engrenage.
La période de courtisanerie peut prendre des semaines, voire des mois, mais l’ « investissement » peut ensuite rapporter gros. Le phénomène est amplifié par les réseaux sociaux. Les lovers boys profitent de ce dédale numérique pour piéger leurs victimes. Et en cas de refus, ces jeunes femmes sont violentées jusqu’à ce qu’elles cèdent. Elles débarquent ainsi, passeport confisqué, notamment en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en France et au Royaume-Uni.
Cette technique est aujourd’hui privilégiée par les trafiquants car elle leur évite souvent les poursuites judiciaires puisqu’ils affirment être en couple avec la victime.
Les violences de genre : un terreau propice
Ce que le crime organisé roumain exploite, c’est la détresse sociale de ces femmes : pauvreté, faible éducation, violences domestiques et sexuelles. Selon les données du Réseau roumain pour prévenir et combattre les violences contre les femmes, les victimes de violences sexuelles sont à 95% des femmes et des filles. Les mineures représentent 50% des victimes identifiées.
Et ceci, sans compter celles qui passent entre les mailles du filet et ne sont pas comptabilisées dans les statistiques. Ces violences de genre préparent le terreau dans lequel les trafiquants vont puiser. D’autant plus que, depuis 2014, la prostitution n’est plus considérée en Roumanie comme une infraction. Côté roumain, les pouvoirs publics estiment donc que les pays de destination doivent s’occuper de sanctionner les proxénètes et les clients.
Premier pourvoyeur de sexe
Pour l’Office de surveillance et de lutte américain contre la traite des personnes, la Roumanie, premier pourvoyeur d’esclaves sexuelles dans l’UE, ne fournit pas assez d’efforts significatifs pour satisfaire aux normes minimales de protection des victimes de la traite. Par conséquent, la Roumanie est sur la liste de surveillance de niveau 2 pour la troisième année consécutive.
Le GRETA recommande une nouvelle fois aux autorités roumaines d’examiner la possibilité d’établir un rapporteur national indépendant ou de désigner un autre mécanisme qui serait une entité organisationnelle indépendante chargée d’assurer un suivi efficace des activités de lutte contre la traite menées par les institutions de l’État et d’adresser des recommandations aux personnes et aux institutions concernées.
Fait suffisamment rare pour être souligné en Europe de l’Ouest où les interpellations sont peu nombreuses, au mois de mai dernier, une douzaine de personnes ont été arrêtées à Londres et en Roumanie dans le cadre d’une enquête sur un groupe criminel soupçonné d’avoir fait venir des femmes au Royaume-Uni à des fins d’exploitation sexuelle. En 2020, c’est en France, que dix personnes ont été interpellées en banlieue parisienne dans le cade du démantèlement d’un réseau.
En Belgique aussi, depuis une dizaine d’années, les prostituées Roumaines sont majoritaires sur le marché du sexe. Elles ont remplacé les Bulgares, essentiellement kidnappées à la sortie des discothèques dans leur pays.
