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Périple culturel en Italie: à la découverte des îles Borromées

Les somptueux jardins Isola Bella. Crédit: M.J.

Isola Bella, Isola Madre, Rocca d’Angera, bienvenue dans un paradis perdu, sur les îles Borromées en Italie. Vous pourrez y savourer des moments exceptionnels, à seulement 850 km de Bruxelles. Véritables perles ornant, çà et là, le Lac Majeur, ces îles sont situées entre les rives piémontaises et lombardes, et regorgent d’oliviers et de citronniers. Passage pour tout voyageur parcourant la route du Nord à la Méditerranée, cet archipel a inspiré et entretenu des mythes fabuleux pour les intellectuels de l’époque, glorifiant ou dénigrant, au choix, les palais, jardins et chapelles somptueux construits sur l’eau.

Les propriétés de la famille Borromée

Après avoir mené en 1367 un soulèvement de sa ville natale contre Florence, Filippo Borromée est condamné à mort et, sa famille, contrainte de quitter l’Italie. La famille Borromée est bannie et trouvera exil à Milan. On trouvera rapidement trace d’une compagnie bancaire au nom des frères Borromée (Giovanni 1er, Alessandro et Borromeo). Titulaire de filiales bancaires à Bruges et à Londres, et propriétaire de nombreux biens en Toscane, dans la région de Vérone, de Padoue ou encore de Bologne, la famille Borromée s’impose très rapidement comme acteur incontournable du monde financier européen, travaillant notamment avec la banque Medici.

Vitaliano 1er, successeur de Giovanni 1er, tient un rôle prépondérant sur la scène économique en devenant le fournisseur attitré de pain et d’avoine pour l’armée ducale ou gérant encore le transport de sel de Gênes à Milan. Il obtiendra très rapidement des fiefs, en échange de l’aide économique fournie à Visconti. L’Etat Borromée commence à se constituer avec Cannobio, Arona, Mergozzo, Vogogna, Val Vigezzo,.. Les descendants de Vitaliano 1er continueront sa politique d’expansion, et étendront l’empire foncier des Borromée, en échange de nombreux soutiens financiers. Echappant aux magistratures de Milan et de Novare, le Seigneur pouvait armer les sujets.

Au cours du XVIème siècle, la célèbre famille toscane accroît son rôle aristocratique et procède aux premières acquisitions de terrains sur les îles. Les Borromée se feront également une place dans le pouvoir religieux avec deux prélats : Charles Borromée (1538-1584) et Frederico (1563-1631).

Rapidement cependant, la famille va être l’objet de querelles intestines, son pouvoir ecclésiastique grandissant se heurtant à sa fonction première, le pouvoir politique. Des tensions naîtront avec Renato 1er sur le sujet. Carlo III (1586-1652), fils de ce dernier, procédera à de nombreux travaux à l’Isola Bella, dont les premiers aménagements des splendides jardins.

Ses trois enfants connaîtront une nouvelle période de splendeur : Renato II, présidera le Sénat à Milan, Gilberto III sera, quant à lui, cardinal et Vitaliano VI, tout en se distinguant par une belle carrière militaire, sera considéré comme le véritable créateur de l’Isola Bella, telle que nous la connaissons actuellement.

Les descendants se succèderont, et la famille Borromée continuera, malgré les nombreuses tempêtes, à conserver cet incroyable patrimoine historique et culturel.

Un Archipel d’îles dignes d’un paradis perdu

Première étape du périple sur le Lac Majeur avec un point de vue unique sur un paysage majestueux d’eau, de montagnes, d’oliviers, vous verrez très vite apparaître une île, marquée au sud par la pyramide du jardin en terrasses, et au nord par l’imposant palais. Vous voici devant Isola Bella, la plus célèbre et la plus remarquable des îles Borromées.

Le palais est une des attractions majeures d’Isola Bella. Vous pourrez y admirer la chapelle privée, la salle des armes et des grands escaliers, la salle des médailles, la galerie des tapisseries, et bien d’autres merveilles.

La salle des tableaux ou Berthier vaut particulièrement le coup d’œil. La pièce tout en longueur, reprend sur ses parois, de long en large, plus de 130 tableaux de la collection Borromée. Typique des collections du XVII et XVIIème siècles, elle comprend des copies de grands peintres comme Raffaeloo, Tiziano, Guido Reni, mais également de véritables toiles de maîtres de l’époque afin de pouvoir étudier la peinture lombarde et ceux qui ont été influencés par Léonard de Vinci.

Palais de la famille Borromée (Isola Bella). Crédit: M.J.

Une fois la visite du palais terminée, vous glisserez dans les fabuleux jardins, exemple le mieux connu des jardins baroques à l’italienne. Au cœur de ceux-ci, vous trouverez, érigée, une succession de terrasses, constituant la célèbre pyramide de l’île. Vous pourrez y observer des niches avec décoration en mosaïques, des jeux d’eaux, des multitudes d’arcades, obélisques, statues et pinacles avec vue sur le lac, le vestibule de Diana ou encore, la serre Elisa, construite en 1821. L’allée des orangers au bord du Lac finira de vous combler et de vous faire remonter le temps, vous transformant en voyageur de l’époque.

Isola Madre est quant à elle la plus grande parmi ses consœurs. Avec une végétation abondante, elle n’en demeure pas moins impressionnante que sa voisine Isola Bella. Le palais est visitable, avec à son rez-de-chaussée, une double arcade splendide. La salle de la cheminée est constituée de différentes œuvres de la famille, principalement des peintures milanaises de la seconde moitié du XVIIème siècle. Une série de portraits de membres de la famille est visible  dans le petit salon de famille, le salon vénitien comme la chapelle de la famille valent le détour.

Un jardin est également visitable, mais celui-ci est, à la différence du premier, un jardin botanique, regorgeant de plantes végétales rares et exotiques, provenant du monde entier. Il s’agit du premier jardin d’acclimatation d’Italie.

Le véritable joyau de ce jardin est un cyprès du Cachemire. Arrivé en 1862 sous forme de sachet de graines fraîches envoyées de l’Himalaya par William B. Pentland, il demeure très précieux, étant en voie de disparition dans son environnement naturel.

Enfin, Rocca Di Angera comprend un édifice médiéval fortifié intégralement conservé, qui constituait à l’époque, un lieu stratégique pour contrôler la navigation sur le lac. Le château comprend de nombreuses pièces à visiter.

Cette île comprend également son propre jardin médiéval qui s’étend sur 2000 mètres carrés autour de la chapelle et qui comprend son verger, le jardin des princes, des herbes médicinales et le bosquet.

Isola Bella et ses jardins en terrasse formant une pyramide avec ses statues mythologiques. Crédit: M.J.

Je terminerai par la reprise des propos de Charles de Brosses dans ses lettres familières écrites d’Italie à quelques amis en 1739 et 1740.

« Alors nous n’aurions pas voulu n’être pas venus, tant celle qu’on nomme l’île Belle fait un spectacle singulier. Une quantité d’arcades, construites au milieu du lac, soutiennent une montagne pyramidale coupée à quatre faces, revêtue de trente-six terrasses en gradins l’une sur l’autre, savoir : neuf sur chaque face, du moins à ce que l’on en jugeroit avant que d’aborder ; mais le nombre de ces terrasses n’est pas en effet si grand, à cause des bâtiments qui occupent une partie des faces de la pyramide. Chacune de ces terrasses est tapissée, dans le fond, d’une palissade, soit de jasmin,’ soit de grenadiers ou d’orangers, et revêtue sur son bord d’une balustrade chargée de pots de fleurs. Le comble de la pyramide est terminé par une statue équestre formant un jet d’eau, du moins à ce que l’on nous dit ; car je ne l’ai pas vu jouer, et les quatre arêtes sont chargées sur les angles de statues, obélisques et jets d’eau. Il y a assurément en France bien des beautés de l’art et de la nature qui valent mieux que ceci ; mais je n’en ai point vu de plus singulière ni de plus singulièrement placée ; cela ne ressemble à rien qu’aux palais des contes de fées.

 Des mots toujours bien d’actualité, une véritable invitation à aller savourer ce petit coin de paradis.

Eugénie Cortus