CULTURE

Rencontre sans filtre : Paul Dewandre met « Du bonheur dans les épinards »

Paul Dewandre (à gauche sur la photo), en compagnie de Hervé Meillon. Il veut rester un passeur d’idées. Il se sent au service de l’humanité et ne se considère ni comme un gourou, ni comme une star des planches. D.R.

Après avoir longtemps séjourné à Bruxelles, Paul Dewandre habite désormais Aix-en-Provence. En 1987, il crée une compagnie aérienne, basée à Liège. « Les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus » lui permettront d’ensuite de fouler les planches. Durant quinze ans, il a joué avec succès cette adaptation du livre best-seller de John Gray. Il en tirait toute sa légitimité pour avoir participé aux séminaires sur le développement personnel et la différence sexuelle de J. Gray en 1995. Cette année, il revient avec un tout nouveau spectacle « Du bonheur dans les épinards ». Nous avons assisté à une représentation. À la sortie du spectacle, un sentiment de déception. Dewandre a le « cul entre deux chaises ». Est-ce une conférence ou un spectacle que nous avons vu ? Le bon moyen d’en savoir plus c’est encore d’en parler avec lui.

L-Post : Il me semble que vous n’avez pas trouvé votre place dans ce nouveau spectacle… 

Paul Dewandre : C’est un point de vue, pourtant c’est une réflexion personnelle sur le bonheur que j’ai entamée il y a une trentaine d’années… Je ne suis pas comédien, et pourtant je monte sur scène pour y raconter ma vie même si cela n’est pas le plus important. Et les retours de la part des spectateurs de mes premières représentations rapportent qu’ils se retrouvent dans mes propos… J’essaie d’amorcer un dialogue en ne voulant pas spécialement apporter des vérités à partager. Je parle des liens entre les générations et ils me disent comprendre la façon dont leurs enfants évoluent… En aucun cas pourtant, je ne voulais revenir en tant qu’un professeur comme dans la première version de « Mars et Vénus ». Ici, il y a une mise en scène avec des éléments de décor. Je me sers de la scène pour amener des informations utiles. Il ne faut pas venir me voir pour saluer une performance de comédien ! Mon bonheur, c’est que les gens puissent sortir avec une vraie remise en question de la société en tenant compte des nouvelles donnes auxquelles nous sommes confrontés !

L-Post : Pourquoi ne pas avoir continué avec ce spectacle-conférence sur l’amour du couple :

Il n’y a pas que l’amour dans la vie et il faut aussi parler de bonheur ! Après la Covid, j’ai senti que le monde changeait et que les nouvelles générations n’étaient plus dans les mêmes codes que les anciennes.

L-Post : J’ai vu dans la salle le même public que dans les précédents comme si n’étiez pas parvenu à faire une transition générationnelle ?

Effectivement, il y a le public de « Mars et Vénus », mais je trouve qu’il y en a un nouveau, car le thème du bonheur est plus fondamental que celui de l’amour… Il ne faut pas venir me voir pour assister à la suite du précédent spectacle.

L-Post : Vous me semblez succomber au grand engouement du coaching en surfant sur la nouvelle mode chic de la bienveillance, de la résilience …

Non, je ne veux pas faire plaisir avec des théories à la mode. C’est juste vouloir démontrer que lorsque tu es bien avec toi-même, tu es bien avec les autres ! L’argent roi nous a emmenés dans une impasse. Je pense dangereux que la société persiste dans cette voie-là. On est en train de mettre des sparadraps sur des jambes de bois, les entreprises font semblant d’apporter de la bienveillance dans leurs rapports avec leurs employés alors que le seul but final reste d’enrichir le chiffre d’affaires des actionnaires. Fondamentalement, il y a cependant une recherche de chacun qui est d’être en harmonie avec soi-même.

Dans son spectacle, à un certain moment et d’une façon furtive, Paul Dewandre, 61 ans, avoue que son épouse après 27 ans de vie commune a demandé le divorce. Une révélation qui pourrait jeter un froid alors que durant quinze années sur scène il a vanté le mérite des différences des couples

L-Post : Je trouve que votre spectacle aurait pu s’articuler autour du thème de la séparation

Cela ne me dérange pas d’en parler, mais je m’y refuse car je veux respecter mon ex-Corinne et les moments partagés avec elle !

L-Post : J’étais persuadé que vous me répondriez cela !

Euh… Le spectacle… Je veux dire le fait d’exercer ce métier a été un des facteurs de…  Euh ! J’en parle, mais… je ne veux pas devenir Euh ! … le Jérôme Cahuzac du couple…

L-Post : Vous ne pensez pas que cela aurait pu être aussi une histoire de vie à raconter, vous qui avez été presque le gourou du couple parfait…

Peut-être que je le ferai un jour, mais pour l’instant je n’ai pas envie de faire une thérapie de mon couple sur scène… en expliquant ce qui aurait pu ou pas se passer… Ce thème du bonheur, je l’ai depuis que j’ai trente ans et ce n’est pas un thème que je prends en dépit parce que je ne sais rien faire d’autre… Effectivement, j’ai pris un coup sur la figure avec ce divorce et ne m’y attendais pas… et en même temps, la vie maintenant est merveilleuse aussi ce qui est très paradoxal !

L-Post : Ce n’était donc pas un choix de votre part ?

Non, ce n’était pas mon choix, mais je ne veux pas passer pour une victime, car je dois bien entendu avoir ma part de responsabilité… Ce n’est pas comme ça que je l’aurais imaginé et… je pense qu’il y aurait eu d’autres pistes…  Mais ce n’est pas le thème de ce spectacle…

L-Post Mais cela pouvait être un thème secourant pour ceux qui suivent votre propos ?

Oui, certainement ! Mais je n’ai pas envie un fonds de commerce de ma vie amoureuse

L-Post : Pourquoi le bonheur doit-il se concevoir avec quelqu’un ? Car maintenant vous êtes à nouveau amoureux donc heureux !

Il n’y a pas d’obligation, pour être heureux, d’être accompagné ! Et c’est en fait le thème de mon nouveau spectacle où j’essaie de faire comprendre que le bonheur n’est pas spécialement lié à une relation amoureuse. Le bonheur est plus personnel, plus intime et plus profond ; être dans une relation amoureuse, c’est quelque part la cerise sur le gâteau, mais ce n’est pas le but ultime dans la vie.

L-Post : On n’est pas à égalité devant le bonheur, mais quel est le profil type de celui qui pourrait inspirer le bonheur ?

Pour moi, celui qui inspire le bonheur c’est Nelson Mandela, c’est la figure avec laquelle je vis depuis tellement longtemps. C’est sa détermination et son acceptation d’être capable de ne jamais haïr l’autre. Il a su rester dans la bienveillance même si je sais que tu n’aimes pas le terme…

L-Post : Disons qu’il est galvaudé …

C’est vrai, mais ce n’est pas une raison pour ne pas l’employer et lorsque l’on en a bien compris le sens on peut vivre et transformer de petits moments de bonheur et les garder pour se créer une grande résistance pour la suite. Mais cela n’empêchera jamais les malheurs que la vie peut nous réserver.

Hervé Meillon