Politique

Que cache la visite du président français, Emmanuel Macron, en Algérie ?


En visite en Algérie, Emmanuel  Macron  a souhaité  faire avancer la réconciliation post-coloniale entre les deux pays. Les présidents français et algérien ont signé le 27 août un pacte pour un nouveau partenariat entre les deux pays, annonçant la création d’une commission historienne conjointe pour explorer la période coloniale, les crimes français présumés et la sanglante guerre d’indépendance. Reste à voir la position qu’adoptera Emmanuel Macron sur le dossier du Sahara occidental lors de sa visite au Maroc programmée en octobre prochain.

Pendant 132 ans, avant qu’une guerre brutale de huit ans ne mette fin à la colonisation française en 1962, l’Algérie était plus qu’une colonie. C’était officiellement une province de France, tissée si profondément dans la psyché nationale que 60 ans d’indépendance algérienne n’ont pas mis fin au traumatisme de la séparation. M. Macron, 44 ans, adepte des projets transformateurs, entend bien changer cela. À cette fin, il a amené une importante délégation, comprenant de nombreux binationaux franco-algériens, dans une Algérie méfiante lors d’une visite de trois jours qui s’est terminée samedi 27 août. Il a fait l’éloge des incubateurs de start-up, assisté à un spectacle de breakdance, présidé une réunion inédite de généraux français et algériens et signé une « Déclaration d’Alger » établissant une coopération dans des domaines tels que le développement du gaz et de l’hydrogène et le sport.

Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, 76 ans,  quant à lui, s’exprimant sur un ton monocorde sans expression qui contrastait avec la rhétorique vigoureuse d’Emmanuel Macron, a qualifié la visite « d’excellente, nécessaire et utile ».

Quant à la guerre de la Russie en Ukraine, M. Macron a déclaré : « La nation algérienne s’est construite contre le colonialisme et l’impérialisme. La guerre en Ukraine est la guerre d’une puissance impériale et coloniale qui a envahi son voisin. Par conséquent, a-t-il conclu, « le peuple algérien ne peut qu’être contre cette guerre coloniale ».

Un exode que M. Macron a rappelé dans son discours émouvant aux Français d’Algérie cette année, décrivant combien se sont sentis « incompris, méprisés pour vos valeurs, votre langue, votre accent, votre culture, vos talents » lorsqu’ils passaient « d’une rive à l’autre ».

 Le regard des Algériens et plus généralement des Africains sur la France

Beaucoup d’Algériens, comme d’autres dans le monde, voient l’impérialisme  français en Afrique, connu sous le dénominatif de « Francafrique » comme une menace grandissante pour « la stabilité du continent africain  » dans l’expansion de l’après-guerre froide vers l’est de l’OTAN.

Le président français a pu visiter avec des membres de la délégation française le cimetière Saint-Eugène. Le cimetière abrite un petit espace réservé aux tombes juives. Les Juifs d’Algérie, qui comptaient autrefois jusqu’à 130.000 personnes, ont pratiquement quitté le pays.

C’était encore une autre tentative de faire amende honorable pour l’histoire. Lorsqu’on lui a demandé si ses critiques de l’an dernier à l’égard du Gouvernement algérien avaient été oubliées, M. Macron a répondu : « C’est une histoire d’amour qui a son côté tragique. Vous ne pouvez pas vous réconcilier si vous n’avez pas d’abord été en colère. Et j’ai essayé depuis que je suis devenu président de regarder notre passé en face ».

En effet, la stratégie du maître des horloges est d’accélérer le rythme des ententes avec ses homologues africains. Raison pour laquelle, le président français a décidé de bousculer son agenda diplomatique et de le prolonger de 2 jours, allant d’Oran à Alger, alors qu’il devait rejoindre Paris directement depuis la ville du Rai. A vrai dire, rien de nouveau dans le jargon diplomatique français. Les formules changent, mais la réalité reste la même. « La réalité, c’est que nous avons des intérêts et nous n’avions pas trop le choix », nous confie une source diplomatique.

Quelle position sur le dossier du Sahara occidental ?

Alors que les prix de l’eau, de l’électricité et du gaz ne cessent d’augmenter en France et en Europe, Emmanuel Macron craint une révolte sociale et économique dans le pays. Cette visite diplomatique pour le président de la république est une porte de sortie, pour éviter le chaos dans le pays. L’épisode des gilets jaunes a laissé des séquelles dans le paysage politique et auprès des Français. La visite du Président de la République française, Emmanuel Macron, en Algérie a été une nécessité économique pour le pays de Voltaire.

Coincé dans un monde de plus en plus multipolaire avec l’émergence de nouvelles puissances, telles que la Chine, la Turquie, la Russie, l’Inde, le Brésil, l’Indonésie, Israël,  et d’une certaine manière, le Maroc. Tout d’abord, la guerre russo-ukrainienne a permis l’expression d’un renouveau  pacte multilatéral qui passe d’abord par l’émergence d’une coopération internationale débarrassée des relents coloniaux et d’une domination occidentale ethnocentrique. La France et l’Union Européenne sont apparues, au fur et à mesure de l’évolution du conflit, isolées, en minorité sur le banc des nations internationales.

Après sa visite du jeudi 25 au samedi 27 août, en Algérie, on attend désormais la position qu’adoptera le président français, Emmanuel Macron, dans le dossier du Sahara occidental. On constate aujourd’hui la double opposition qui se dessine. D’un côté, l’Espagne, Israël, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Turquie qui ont récemment reconnu le plan d’autonomie du Sahara  marocain, comme seule solution crédible. Quant à la France, de son côté,  elle semble être réticente à soutenir explicitement le projet d’autonomie du Sahara marocain. Emmanuel Macron sera-t-il capable d’éclaircir la position diplomatique française sur ce sujet lors de sa prochaine visite en octobre dans le royaume chérifien ?

 Hamid Chriet, éditorialiste


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