Tension diplomatique entre le Maroc et la Tunisie sur le dossier du Sahara occidental
Brahim Ghali, chef du mouvement indépendantiste du "front Polisario" assiste au sommet du TICAD à Tunis en août 2022. AFP La Tunisie a annoncé le rappel de son ambassadeur du Maroc pour des consultations, un jour après que le royaume ait fait de même en réponse à l’accueil par le président tunisien, Kais Saied, du chef du mouvement Polisario, Brahim Ghali. La Tunise assure avoir respecté les règles d’organisation d’un tel sommet, mais le Japon, le co-organisateur semble donner une autre version des faits, laissant croire que les autorités tunisiennes ont agi unilatéralement dans le cas de l’invitation du président de la République arabe sahraoui démocratique (RASD). Les visites « présidentielles » de ce dernier suscitent toujours le courroux du Maroc qui prend des sanctions contre les pays qui l’accueillent. Le dernier exemple en date est le déplacement de Brahim Ghali en Espagne pour se faire soigner du Covid-19 en avril 2021.
Le Polisario veut un Etat indépendant au Sahara marocain, une vaste étendue de désert riche en minerais que le Maroc considère comme une partie souveraine de son territoire. Le président tunisien, Kais Saied, a reçu, vendredi 26 août dernier, le chef du Polisario, Brahim Ghali, arrivé pour assister à la conférence nippo-africaine sur l’investissement (TICAD). En réponse à ce qu’il a qualifié d’acte « hostile » et « inutilement provocateur », le Maroc a immédiatement rappelé son ambassadeur à Tunis pour des consultations et annulé sa participation à la conférence de haut niveau. Samedi, le Ministère tunisien des Affaires étrangères (MAE) a fait part de « sa surprise » face à la réaction du Maroc. En effet, le MAE a affirmé que « la Tunisie a maintenu sa neutralité totale sur la question du Sahara Occidental conformément au droit international », a-t-elle déclaré dans un communiqué, poursuivant que « cette position ne changera pas tant que les parties concernées n’auront pas trouvé une solution pacifique acceptable pour tous ».
La Tunisie a maintenu sa neutralité totale sur la question du Sahara Occidental conformément au droit international.
La Tunisie désavouée par le Japon ?
Pour le ministère tunisien, « la Tunisie a respecté toutes les procédures d’organisation liées au sommet, conformément aux références juridiques africaines relatives à l’organisation des sommets, des conférences et des réunions de partenariat ». Par ailleurs le Président de la Tunisie avait passé une grande partie de la journée de vendredi à accueillir les dirigeants africains arrivant pour la conférence de la TICAD, dont Brahim Ghali qui est également président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) autoproclamée.
La clarification du Japon a apporté un démenti aux propos du président Tunisien. Selon une note révélée le week-end dernier et émanant de la mission du Japon auprès de l’Union africaine, « une lettre d’invitation dûment co-signée par le Premier ministre japonais Kishida Fumio et le président tunisien Kais Saïed, est l’unique invitation valide pour prendre part au Sommet TICAD ».
Cette note verbale, déclassifier, est manifestement une forme de désaveu, qui semble indiquer que le Japon a donc bien clarifié en amont, dès le 19 août, les modalités d’invitation au sommet qu’il avait co-organisé avec la Tunisie. Le Maroc a accusé la Tunisie d’avoir invité « unilatéralement » le chef du Polisario « contre l’avis du Japon et en violation du processus de préparation et des règles établies ». Mais la Tunisie a déclaré samedi que l’Union africaine avait lancé une invitation directe à la RASD, un Etat membre, à se joindre à la conférence, notant qu’elle avait déjà participé à de telles réunions, aux côtés du Maroc.
L’Espagne sanctionné par le Maroc à cause de Brahim Ghali
Cette décision est intervenue alors que le président français Emmanuel Macron s’est rendu en Algérie, grand rival du Maroc et soutien du Polisario, pour une visite de trois jours visant à rétablir les liens avec l’ancienne colonie française. Ce n’est pas la première fois que les voyages de Brahim Ghali suscitent la colère des autorités marocaines. En avril 2021, il s’était rendu en Espagne pour être soigné pour une infection au Covid-19, déclenchant une guerre diplomatique d’un an entre l’Espagne et le royaume chérifien.
Nous espérons que ce problème trouvera une solution pour le bon déroulement de notre partenariat entre l’Afrique et le Japon.
Cela n’a pris fin qu’après que Madrid ait abandonné sa position de neutralité de plusieurs décennies sur le Sahara occidental (une ancienne colonie espagnole) et a soutenu un plan marocain d’autonomie limitée. Le président par intérim de l’Union africaine, Macky Sall, dans un discours devant les délégués de la TICAD samedi, a déclaré qu’il « regrettait l’absence du Maroc. Nous espérons que ce problème trouvera une solution pour le bon déroulement de notre partenariat entre l’Afrique et le Japon », a-t-il déclaré.
Mais le Maroc a un autre dossier à régler avec la France. Le refus de visas aux Marocains et, plus particulièrement, à une certaine élite (anciens ministres, diplomates, magistrats) montre que Paris soupçonne toujours le Maroc de l’avoir espionné via le logiciel Pegasus. Plus récemment, le Maroc a suspendu le laissez-passer consulaire qui devait permettre d’expulser du territoire français l’imam Hassan Iquioussen, considéré comme un ennemi de la République
Hamid Chriet, éditorialiste
