EDITO

Elizabeth II : le sens du devoir en héritage


« Toute ma vie, qu’elle soit longue ou courte, sera consacrée à vous servir », promit-elle le jour de ses 21 ans. Elle aura accompli sa mission jusqu’au bout. Deux jours avant de quitter ce monde, rassemblant ses dernières forces, elle recevait encore en audience le nouveau Premier ministre, Liz Truss.

Inspiré un sentiment de continuité, peu de personnages dans l’Histoire peuvent se targuer d’avoir atteint cet objectif aussi efficacement que la reine Elizabeth II. Ses 70 ans de règne ont été le socle d’une série de transformations au cours desquelles le Royaume-Uni s’est adapté à la perte de son empire et à la diminution de son statut de puissance mondiale, tout en préservant ses arguments en faveur d’une monarchie héréditaire.

Elizabeth II  est entrée dans l’Union européenne, puis l’a quittée. Elle a connu la destruction de sa propre base industrielle et sa transformation en une économie de services. Elle a connu la montée d’identités de plus en plus distinctes au sein des nations qui la composent. À travers tout cela, elle est restée d’une stabilité rassurante. Avec sa disparition, les Britanniques pleurent cette notion de « Royaume uni » qui dépendait de la permanence qu’elle incarnait si habilement par sa présence, même si en retrait.

Le grand don, en effet, d’Elizabeth II était de ne rien faire, et de ne rien dire, ou presque. Les Beatles immortalisèrent cette vérité dans leur réplique affectueusement moqueuse : « Sa Majesté est une fille plutôt sympathique. Mais elle n’a pas grand-chose à dire ». Et pourtant, le fait de ne pas dire grand-chose donnera, durant tout son règne, à ce qui est dit, et même à ce qui n’est que geste, un poids inhabituel de signification.

Si chaque élément des discours de la souveraine était contresigné par Downing Street, aucun mot n’a jamais été laissé au hasard par la souveraine et sa lucidité face aux défis contemporains, était d’une clairvoyance aiguisée malgré son grand âge . Lors d’un banquet servi en son honneur le 24 juin 2015 au château de Bellevue à Berlin, elle déclarera : « Au cours de nos vies, nous avons vu le pire, mais aussi le meilleur sur notre continent. Nous savons que la division en Europe est dangereuse et que nous devons nous en préserver ».

En cadeau d’adieu, Elizabeth II nous offre ce que la monarchie britannique fait de mieux : la dignité et le sens du devoir. Son fils, le roi Charles III, a renouvelé ce serment : « Comme la reine elle-même l’a fait avec un dévouement inébranlable, je m’engage solennellement, pendant le temps que Dieu m’accordera, à défendre les principes constitutionnels au cœur de notre nation. […] Quelles que soient vos origines, vos convictions, je vous servirai avec respect, loyauté, amour ».
To be or not to be ? En ce jour de funérailles nationales, l’heure n’est pas aux spéculations quant au futur de Charles III, mais à la gratitude. Car, si le Royaume-Uni pleure sa reine défunte, l’Europe a très certainement perdu l’une de ses dernière grandes monarques et une Grande Dame.

« Merci, Votre Majesté, pour tous les services dévoués que vous nous avez rendus. Vous étiez notre rocher. Reposez en paix Madame », tels sont les mots livrés à la postérité d’une personne anonyme se souvenant de la reine Elizabeth II dans le livre de condoléances ouvert par la famille royale sur son site officiel. La rédaction de L-Post se joint à cet hommage.