SOCIETE

La famille royale britannique : un business rentable qui se porte très bien


Alors que les Britanniques vivent ce 19 septembre la dernière étape du protocole « London Bridge » par une journée dédiée aux funérailles de la reine Elizabeth II, d’aucuns s’interrogent sur les enjeux économiques liés à l’évènement. Le montant des funérailles n’a toujours pas été dévoilé par le gouvernement, mais dans les médias, les spéculations vont bon train. Plusieurs observateurs estiment que les funérailles coûteront entre 9 et 30 millions de livres (entre 10 et 34 millions d’euros). Un montant qui paraît astronomique lorsque l’on sait que les dépenses pour ces obsèques nationales sont assurées par l’État avec les deniers des contribuables. Mais, à y regarder de plus près, la famille royal britannique rapporte bien plus d’argent au pays qu’elle ne lui en coûte, notamment grâce à deux fonds de financement très lucratifs, un portefeuille d’actifs impressionnant et des produits dérivés à succès, un fait particulièrement rare pour une monarchie européenne. Explications.

Le 6 septembre 1997, les obsèques de la Princesse Diana avait coûté au Royaume-Uni 3 millions de livres  (3,4 millions d’euros). Celles de la reine mère Elizabeth Bowes-Lyon, décédée il y a vingt ans, s’élevaient à 5 millions. L’inflation dépasse aujourd’hui la barre des 10% au Royaume-Uni. Le coût des obsèques d’Elizabeth II font donc jazzer, alors que l’économie du pays pourrait ralentir à nouveau avec l’intronisation du roi Charles III.
Il y aura, en effet, de nouveaux jours fériés et de par son accession au trône, les billets et pièces de monnaie, ainsi que les timbres et les passeports, devront être changés pour laisser place au portrait du nouveau roi. Évidemment tous ces changements représentent un coût pour les finances publiques. Cependant, la famille royale coûte moins cher qu’elle ne rapporte à l’économie britannique, comme en termes de soft power (NDLR : le pouvoir d’influence et de rayonnement à international).

Des produits dérivés à succès

Comme à chaque grand événement lié à la Couronne britannique, mariages, naissances et décès, les ventes de produits dérivés s’emballent.
A Londres, la vente de ces goodies (mugs, assiettes, t-shirts, drapeaux, etc.) étaient pour la plupart déjà en rupture de stock dans les boutiques de souvenirs dès le lendemain du décès d’Elizabeth II. Fait marquant, Elizabeth II était d’ailleurs jusqu’à sa mort, et de manière constante, en tête des ventes des objets souvenirs dans les boutiques proches de Buckingham Palace. Les goodies à l’effigie du roi Charles III apparaîtront quant à eux dès le  lendemain des funérailles. Il est fort à parier qu’elles rencontreront le même engouement.

La Royal Collection Trust

Les ventes des produits officiels (cartes postales, photographies, etc.) commercialisés par la Royal Collection Trust, la fiducie qui gère la collection d’œuvres d’art de la famille royale britannique, et les tickets vendus pour accéder aux bâtiments physiquement dispersés en plusieurs lieux et ouverts au public (comme Buckingham Palace ou le château de Windsor) sont aussi en progression constante depuis des décennies.
Avant la crise sanitaire, le Royal Collection Trust affichait ainsi un chiffre d’affaires global annuel de 62,22 millions de livres (77,2 millions d’euros).

Des fonds de financement

Contrairement à d’autres familles royales européennes, la famille britannique possède deux fonds de financement : la dotation royale ainsi que les bénéfices de ses nombreuses propriétés car les deux duchés concernés fonctionnent encore de façon féodale, c’est-à-dire que la royauté est propriétaire terrienne.
Si la dotation royale est financée par les contribuables, via les impôts donc, la famille royale coûte 350 millions de pounds par an, ce qui revient à 1.24 livres par citoyens britannique seulement soit… 1,39 euro. Les bénéfices immobiliers, quant à eux, sont principalement financés par le duché de Cornouailles d’une valeur de 918 millions d’euros ainsi que par le duché de Lancaster.

Un portefeuille d’actifs « royal »

Classée en 372ème position des plus grandes fortunes anglaises par le Sunday Times, la Reine d’Angleterre avait un joli portefeuille d’actifs. Sous les conseils du cabinet conseil KPMG, il est évalué à 15.6 milliards d’euros d’actifs nets détenus dans des fonds marins s’étendant jusqu’à 12 miles des côtés et le parc éolien Offshore britannique, mais également via 17 centres commerciaux, près de 185.000 mètres carrés d’immobiliers de bureaux dans le centre de Londres et 791.000 hectares de terres agricoles. Un portefeuille que Charles III continuera très certainement à faire fructifier.

Un attrait touristique

Si, depuis mars 2020, les palais de Buckingham et de Windsor ont perdu plus des trois quarts de leurs recettes suite à une chute brutale du tourisme, la monarchie britannique continue de fasciner de nombreuses personnes à travers le monde et renforce indéniablement l’attractivité touristique du pays, ce qui profite à de nombreux commerçants et secteurs de l’économie. En moyenne, 500 millions de livres (569 millions d’euros) par an de tourisme sont directement générés par les Windsor, notamment grâce aux visites des palais.

Et ce n’est rien face aux recettes titanesques provoquées par des évènements royaux. Ainsi, si le mariage de Megan Markle et du Prince Harry, en 2018, a coûté à la famille royale près de 51,6 millions d’euros, les retombées économiques générées s’élèvent, d’après Brand Finance, à près de 1,15 milliards d’euros. Le bureau d’études de marché explique ce retour sur investissement sur-lucratif par un phénomène de feel good généralisé.
De même, si l’arrivée de royal babies est extrêmement attendue par la famille royale, elle l’est surtout par les commerçants, une véritable aubaine. Ainsi, les naissances des enfants de Kate et William, George, Charlotte puis Louis, ont généré près de 894 millions d’euros de recettes supplémentaires.

Une attractivité très rentable

Dans ce contexte, les funérailles d’Elizabeth II vont-elles vraiment plomber les Britanniques ? La famille royale est-elle vraiment un trou pour le Trésor public ? Au contraire, il s’agit plutôt d’une bonne affaire, selon Brand Finance. L’économie britannique tire clairement profit de l’attractivité de la famille Windsor. La famille royale ramène par sa notoriété en réalité plus d’argent qu’elle n’en dépense, ce pourquoi d’ailleurs 77% de la population britannique est en faveur de son maintien.
Sans oublier ce mécanisme très particulier que sont les fonds de financement et par lequel la Couronne abandonne à l’Etat une grande partie des revenus du Crown Estate, qui regroupe l’ensemble des actifs, notamment immobiliers, que possède la monarchie britannique. Or la famille royale est l’un des plus gros propriétaires fonciers outre-Manche, en particulier à Londres.

 

Copyright : Des souvenirs à l’effigie de la reine Elizabeth II dans un magasin londonien, le 9 septembre 2022, au lendemain de la mort de la souveraine – AFP