SOCIETE

Droits de l’Homme : boycotter la Coupe du Monde au Qatar est-il la solution ?

une banderole appelant au boycott de la Coupe du monde 2022 au Qatar est exposée lors du match de football de Coupe d'Allemagne entre le Borussia Mönchengladbach et le Bayern Munich, le 27 octobre 2021 - AFPune banderole appelant au boycott de la Coupe du monde 2022 au Qatar est exposée lors du match de football de Coupe d'Allemagne entre le Borussia Mönchengladbach et le Bayern Munich, le 27 octobre 2021 - AFP

À deux mois du début du Mondial de football le 20 novembre prochain au Qatar, Amnesty International dévoile un documentaire sur la dramatique situation vécue par les ouvriers sur les chantiers de la Coupe du Monde : 95 % de la main-d’œuvre du pays est formée de travailleurs migrants, surexploités et réduits à l’état de servitude. Ils vivent sans eau, sans électricité, dans des dortoirs surpeuplés sous une chaleur qui dépasse les 50 degrés. Pour ces hommes, le droit du travail n’existe pas. Ils s’esquintent 12 heures par jour, sept jours sur sept. Ce Mondial va, en outre, se jouer dans sept stades climatisés de 40.000 à 80.000 places, ce qui est une aberration écologique sachant que les tribunes n’étaient pas remplies lors des Mondiaux d’athlétisme en 2019. Amnesty International dénonce une culture de l’impunité qui règne dans le pays. L’ONG demande qu’un programme d’indemnisation des victimes soit mis en place. Les choix sont cornéliens pour les passionnés de football.

Rien ne va de soi pour cette 22ème édition de la compétition. Le document d’Amnesty International ne dure que dix minutes, mais il n’en demeure pas moins accablant sur la face cachée du Qatar, le pays hôte, où des millions de travailleurs migrants, venus chercher un travail dans l’espoir d’une vie meilleure, sont exploités jusqu’à l’épuisement et parfois jusqu’à ce que mort s’en suive. Beaucoup sont issus d’Asie du sud-est. Parfois entassés à huit dans une pièce pour dormir, certains sont de corvée plus 18 heures par jour, sans aucun jour de congé.

Un vaste chantier cimetière

En 2010, l’année où le pays a été désigné hôte du Mondial de football 2022, le Qatar comptait 1,1 millions de travailleurs migrants. Aujourd’hui, en 2022, il en compte 2,2 millions, soit deux fois plus. Malchance, manquements à la sécurité, négligence, que se passe-t-il sur cet énorme chantier ?

Le recours à l’intérim et à la sous-traitance en cascade, mais aussi les conditions de travail sous pression et le travail au noir, sans compter les accidents pour lesquels les autorités qataries ne reconnaissent pas leurs responsabilités, ni ne dédommagent les victimes ou leurs familles posent question. Plus de 6.500 travailleurs migrants morts seraient morts depuis le début des travaux, selon une enquête menée par le quotidien britannique The Guardian en 2021. L’appel au boycott est depuis lancé.

Un boycott contre-productif ?

Mais pour certains joueurs, il est pourtant compliqué de se positionner. Si l’on prend l’exemple de l’Argentin Lionel Messi, du Brésilien Neymar ou du Français Kylian Mbappé, ils jouent pour le Paris Saint-Germain dont le propriétaire-actionnaire n’est autre que le Qatar.

En outre, « si l’on ne devait pas aller au Qatar, au regard de la question des droits humains, fallait-il aller en Russie il y a quatre ans pour le dernier Mondial de football ou à Pékin en Chine pour les Jeux olympiques 2008 ? La question mérite d’être posée », expose Jean-Baptiste Guégan auteur de « Géopolitique du Sport, une Autre explication du monde », au micro de RFI.
Selon le spécialiste du sujet, « le boycott de ces grands événements n’est pas la solution (…) si vous voulez faire changer la question des droits humains sur place et la condition des travailleurs, il faut aller sur place, il faut discuter avec eux et il faut se servir de cette Coupe du monde comme d’un levier ».

Les sponsors belges boycottent

Comme le révèle la Gazet van Antwerpen, en Belgique, les 14 sponsors officiels des Diables se positionnent en faveur d’un boycott. Adidas, Besix, BMW, Carrefour, Coca Cola, Connections, Côte d’Or, GLS, Herbalife, ING, Jupiler, Lotto, Proximus et PwC ont annoncé ce mercredi 21 septembre que s’ils soutiennent la position de l’Union belge selon laquelle le sport peut être un levier de changement et d’inclusion, ils ont décidé de ne pas inviter de clients au Qatar et de ne pas voyager eux-mêmes.

Du côté du grand public, plusieurs médias ont lancé des sondages en ligne : Êtes-vous vraiment prêt à boycotter ce Mondial ? Et donc à ne pas regarder le moindre match de votre équipe préférée, même si celle-ci réussit un joli parcours ? Les réponses ne sont pas tranchées.

Le compte à rebours est en tout cas est lancé. Le Mondial aura bien lieu à Doha et dans sa banlieue, mais il n’est pas certain qu’il constituera une victoire pour l’émirat. Depuis l’attribution de l’organisation du Mondial de football 2022 au Qatar par la FIFA, Amnesty International n‘a eu de cesse de dénoncer l’exploitation des travailleuses et travailleurs migrants dans le pays. L’ONG note que la FIFA, organisatrice de l’événement, devrait engranger plus de six milliards de dollars de bénéfices lors de cette Coupe du Monde 2022. Elle  demande à ce qu’elle réserve au minimum 400 millions de dollars pour initier un programme d’indemnisation des victimes depuis 2010.