SOCIETE

Dahmer et consorts : des tueurs en série en voie d’extinction ?


Son histoire est lugubre et pourtant, elle passionne le grand public. La dernière série sur Netflix à succès sur l’histoire vraie du « cannibale de Milwaukee » cartonne depuis sa mise en ligne, en septembre dernier. Jeff Dahmer est un serial killer condamné en 1992 pour le meurtre de 17 jeunes hommes. La particularité du tueur en série ? Cet homme, dont la noirceur de l’esprit laissa les psychiatres qui l’expertisèrent sans voix, additionne le pire de l’horreur en un seul individu. À la fois violeur, empoisonneur, dépeceur, cannibale, nécrophile et fétichiste, il sera condamné à 957 ans de réclusion criminelle. Mais, si les sérial killers ont toujours existé, avec un pic spectaculaire dans les années 1980, ils sont en déclin de manière constante depuis trois décennies. Plusieurs hypothèses permettent d’expliquer pourquoi.

Le récit glaçant dégoute autant qu’il semble fasciner les spectateurs. Délinquant sexuel doublé d’un tueur en série, Jeff Dahmer a, entre 1978 et 1991, tué 17 jeunes hommes, principalement homosexuels et afro-américains. Dès ses premiers meurtres, sa grande dangerosité éclate au grand jour. Il sera finalement arrêté lorsqu’une de ses victimes réussira à s’échapper et alertera les autorités. Condamné à la prison à vie, le « cannibale de Milwaukee » meurt le 28 novembre 1994.
Agressé par un codétenu, il décèdera des suites de ses blessures dans l’ambulance qui le conduira à l’hôpital. Jeffrey Dahmer, mais aussi Ted Bundy ou John Wayne Gacy, les tueurs en série les plus célèbres de l’histoire des États-Unis ont généralement frappé pour la première fois au cours des années 1970, pour terminer leur course au plus tard lors des années 1990. L’estimation du taux mondial de crimes en série semble montrer une chute similaire sur la même période. Diverses théories tentent d’expliquer ce changement.

Médecine légale et police scientifique

Robert K. Ressler est un agent du FBI. C’est lui qui a popularisé l’expression serial killer. Avant de rejoindre le FBI en 1970, il était major au sein de l’US Army. Naît-on criminel à cause de gènes ou le devient-on en raison des circonstances et de son enfance ? Le profileur n’a jamais pu répondre à cette question.

Si le débat est souvent relancé, encore aujourd’hui, les criminalistes mettent en garde contre une interprétation hâtive selon laquelle il y aurait des gènes de la violence auxquels on ne pourrait échapper. En revanche, il est un constat. A partir du XXème siècle, l’évolution des méthodes médico-légales et de police scientifique, sont venues améliorer l’efficacité des enquêtes. La diminution du nombre de tueurs en série est donc statistiquement liée une baisse de la quantité d’affaires criminelles.
La perspective accrue d’être capturé peut dissuader les tueurs potentiels de passer à l’acte. « Le meurtre en série est devenu une poursuite plus dangereuse », affirme Thomas Hargrove, le fondateur du Murder Accountability Project, une organisation américaine qui traque les crimes non résolus.

Le travail d’accompagnement psychologique mené avec de potentiels tueurs en série porterait également ses fruits

Sureté et prévention

De nombreux chercheurs citent également l’allongement des peines de prison et la réduction des libérations conditionnelles au fil des décennies. Si un ancien meurtrier reste derrière les barreaux plus longtemps, il aura moins de chances d’atteindre le seuil de trois meurtres habituellement fixé par le FBI pour être un serial killer.
Le travail d’accompagnement psychologique mené avec de potentiels tueurs en série porterait également ses fruits. Les jeunes gens à risque, soit ayant eu une enfance difficile, peuplée de traumatismes, sont suivis de façon plus attentive et plus régulière par les professionnels du milieu de la santé mentale. Ce qui peut à la fois permettre de désamorcer certaines situations de détresse et de détecter les éventuelles cas les plus alarmants.

Une sécurité accrue

Nos sociétés étant plus sûres, les meurtriers potentiels ont peut-être aussi démissionné face à l’absence de cibles faciles. C’est la théorie de James Alan Fox, professeur de criminologie à la Northeastern University : « les gens sont généralement moins vulnérables, ce qui limite le nombre de victimes potentielles. Ils ne font plus de stop. Ils ont des moyens pour entrer rapidement en contact avec une aide en cas d’urgence grâce aux téléphones portables. Il y a aussi de plus en plus de caméras de vidéosurveillance en de nombreux endroits. Sans compter, la prolifération des parents hélicoptères et les parents qui surprotègent leurs enfants. Il est aussi possible qu’Internet, avec son accès facile à la pornographie notamment fournisse un exutoire non violent à ces types ».

La génétique et les cold case

Et puis, il y a aussi la crainte d’être inexorablement rattrapé par le temps grâce aux progrès de la génétique en matière d’ADN. Le pédo-criminel Colin Pitchfork, qui avait assassiné deux jeunes écolières dans les années 80, est le premier ADN identifié et sera finalement condamné pour meurtre en 1988.
Depuis, la science n’a eu de cesse de progresser et elle contribue à élucider des crimes anciens. Encore inexploitables hier, certaines traces le deviennent également grâce aux nouvelles techniques qui peuvent désormais déceler des empreintes minimes d’ADN sur des scellés et sur de plus en plus de supports différents.
Dans un exemple récent et très médiatisé de ces techniques, la police a utilisé des échantillons d’ADN provenant de parents éloignés pour identifier un ancien officier de police et tueur en série américain, Joseph DeAngelo, comme le Golden State Killer. L’homme avait tué 12 femmes entre 1976 et 1986. Il n’a été appréhendé qu’une quarantaine d’années plus tard, en avril 2018, confondu grâce à la recherche d’ADN par parentèle.

Lorsqu’un serial killer initie un macabre jeu de piste avec les enquêteurs, le travail de recherche demeure colossal alors que le prédateur court toujours, mais sa marge de manœuvre est, à l’évidence, bien plus étroite qu’il y a quelques années. Cela sonne-t-il aussi la fin des cold cases ? Par encore. Selon la littérature judiciaire, le taux d’élucidation des homicides varie de 60 à 80% selon les pays, avec un pointe exceptionnelle de 95% au Japon. 80% est le chiffre que l’on retiendra pour la Belgique, selon les dernières statistiques.