Culture

Un Nobel de littérature au parfum français, mais contestable dans l’hexagone

Le Nobel de littérature 2022 a été attribué ce 6 octobre à l’écrivaine française engagée à gauche, Annie Ernaux.  A 82 ans, Annie Ernaux, l’auteure « Des Armoires vides », de « La Place », à qui on doit aussi  « Les années »,  ou « L’Evénement » parus chez Gallimard  ou encore « Regarde les lumières, mon amour » (Seuil) est la 16ème Française et la 17ème femme à recevoir, le prix de l’Académie royale des sciences suédoise. L’Académie couronne ainsi une carrière riche et pleine entamée il y a 48 ans et récompense une œuvre inscrite dans son temps et une auteure pour qui l’écriture est un exercice, situé quelque part entre la littérature, la sociologie et l’histoire. Mais dans l’hexagone et sur les réseaux, l’annonce du nom de la lauréate n’a pas réjoui tout le monde. Sans être véritablement surpris, le milieu littéraire a réagi. C’est notamment le cas du philosophe et essayiste français Marc Alpozzo, collaborateur aussi à la revue littéraire Livr’Arbitres, il signe régulièrement des tribunes incisives dans le mensuel politico-économique Entreprendre.  Pour lui, ce Nobel remis à Annie Ernaux surfe sur la vague : « Elle coche toutes les cases d’un prix Nobel qui est devenu depuis longtemps un prix politique. » Entretien.

Pour nos confrères du journal Le Monde, Annie Ernaux aurait œuvré durant toute sa carrière, à bouleverser, « l’ordre littéraire au même titre qu’elle souhaitait faire trembler l’ordre social, en écrivant de la même manière sur des objets « considérés comme indignes de la littérature » (l’avortement, le RER, les supermarchés, et sur d’autres, tenus pour plus « nobles » : le temps, la mémoire, l’oubli. En refusant, aussi, une vision ornementale de la phrase, Annie Ernaux lui a toujours préféré une forme de netteté et de sécheresse, soit « une « écriture plate » témoignant de la méfiance de l’auteur  à l’égard des joliesses du langage et des formes de domination que celles-ci exercent et reproduisent. »

Le philosophe et essayiste Marc Alpozzo n’est pas de cet avis.

L-Post : En tant qu’auteur, philosophe et critique littéraire, qu’elle a été votre réaction à l’annonce du nom du lauréat du Nobel de Littérature 2022, en l’occurrence, Annie Ernaux ?

Je vous avoue ne pas avoir été surpris. La presse relayait les sites de paris qui voyaient Michel Houellebecq comme le favori, mais je trouvais cela impossible, car Houellebecq est ouvertement « islamophobe », il est dit « misogyne », et sa littérature est encore dérangeante de nos jours. Je ne suis donc pas surpris, d’abord parce qu’Annie Ernaux est une femme, qu’elle est féministe, ouvertement de gauche, et favorable au port du voile en France. Elle coche donc toutes les cases d’un prix Nobel qui est devenu depuis déjà longtemps un prix politique.

Un Nobel doit couronner une œuvre protéiforme, parfois dérangeante, qui montre toutes les facettes de l’humanité

 L-Post : Sur les réseaux, votre opinion à ce sujet semble largement partagée, comment expliquez-vous dès lors ce choix ? Le Nobel à Houellebecq était-il à ce point impensable ? 

 Je pense que le réseau n’est pas dupe. Désormais, il est de notoriété publique, que les choix du Nobel sont moins littéraires qu’idéologiques. Les jurés Suédois votent avec leurs convictions et non avec un goût détaché de toute orientation politique, ils sont soumis à l’idéologie dominante, qu’ils partagent très certainement. Un Nobel pour Houellebecq était, dans ce contexte, totalement impensable, pour les raisons que j’ai évoquées plus haut.

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