CULTURE

Léonore Queffelec: « ma mère menait de front sa vie de femme, de mère de famille et sa carrière internationale »

Léonore Queffelec rend hommage à sa mère, la grande pianiste, Brigitte Engerer. D.R.

La Française Léonore Queffélec vient de publier « Roulette russe », qui raconte ses souvenirs d’enfance à ceux de sa mère, la grande pianiste Brigitte Engerer, décédée, il y a 10 ans à Paris, à 59 ans le 23 juin 2012. Dans cette autobiographie et hommage, l’écrivaine et journaliste nous livre un récit intime et touchant. Elle a récemment fait une dédicace dans une librairie parisienne. « Tous les livres se sont vendus », se réjouit-elle face à l’engouement des lecteurs pour son premier livre, consacré à sa mère. Rencontre.

 

Pourquoi écrire ce livre?

J’avais besoin d’écrire. Ça fait longtemps que j’écris. J’écrivais des poèmes avant qui sont parus dans des livres. J’avais envie d’écrire un roman. Comme ma maman a disparu prématurément quand j’avais 25 ans, j’ai voulu écrire sur elle, parce que c’était une très grande pianiste. J’avais besoin d’écrire sur ma maman qui était une femme extrêmement sincère, une des grandes pianistes de son époque.

Pouvez-vous nous parler de votre mère et de sa carrière de pianiste?

Elle a commencé à l’âge de quatre ans son premier concert. Mes grands parents n’étaient pas du tout des gens qui écoutaient du piano, mais dès qu’ils allaient dîner chez des amis, il y avait un petit piano en jeu en bois et ma mère s’enfermait pendant des heures dans la salle de bains pour jouer sur ce piano en bois. Ma grand-mère l’a donc emmenée voir un professeur de piano et celui-ci a dit que cette petite fille est extrêmement douée qu’il il faut lui faire faire du piano. Ils ont, par la suite, déménagé à Paris, parce qu’ils étaient en Tunisie. Ma grand-mère était Serbe et mon grand-père Sicilien. Ils habitaient en Tunisie. Il n’y avait pas vraiment de conservatoire, donc elle a écrit à Lucette Descaves, une très grande professeur de piano à Paris qui a écouté ma mère et qui a dit venez tout de suite à Paris. Ensuite ma mère a obtenu une bourse d’études pour aller étudier en Russie aux côtés du professeur Stanislav Neuhaus.

Comment avez-vous fait des recherches pour ce livre? 

C’est ma mère qui m’a tout raconté. Mais j’ai aussi lu des coupures de presse et des critiques. Je suis née dans cette famille. J’ai aussi écouté les témoignages de ma grand-mère. Parce que ma grand-mère était toujours derrière ma mère. Comme je le racontais récemment sur France Musique, il y avait une anecdote concernant un grand professeur de violon. Quand il était face à deux élèves très doués, il leur demandait: est-ce que c’est maman qui t’a incité ou c’est toi qui a choisi de faire du violon? Si l’élève répondait, c’est moi, il ne le prenait pas et s’il répondait, c’est ma maman, alors il le prenait, parce qu’il estimait que la volonté d’une mère transcende toujours celle de l’enfant car l’enfant peut se lasser, tandis qu’une mère est toujours derrière et ma grand-mère c’est ma grand-mère. Ma mère me disait qu’elle avait l’impression d’être un pantin et que ma grand-mère était toujours derrière elle quand elle avait 30 ans, 35 ans, elle gérait toute sa carrière.

Le parcours de votre mère vous a-t-il donné envie d’avoir une carrière de pianiste? 

Non. Je n’ai jamais voulu justement. Parce que le piano, c’est ma mère. J’ai voulu faire du théâtre, j’ai voulu écrire. Ma mère est tellement grandiose dans ce domaine que je ne veux pas. En revanche, je fais des spectacles avec des pianistes où je lis des poèmes de Pouchkine, Mandelstam, Victor Hugo.

Y aura-t-il des traductions de votre livre dans différentes langues?

Je l’espère! Il faudrait que je sollicite des maisons d’édition au Royaume-Uni. J’aimerais qu’il soit traduit dans le monde entire, parce que ma mère était une pianiste internationale. J’assistais tout le temps à ses concerts, elle m’emmenait un peu partout dans le monde. Ça posait des problèmes à l’école. Un jour, le directeur l’a convoquée pour lui dire ce n’était plus possible et l’a menace de la dénoncer à la police. Quand ma mère allait jouer à New York, j’allais à l’école a New York, quand elle jouait à Berlin, j’allais à l’école à Berlin. Elle menait de front sa vie de femme, de mère de famille et en même temps sa carrière internationale de pianiste qui est très difficile.

Entretien: Alexander Seale