Le « quiet firing » : le nouveau harcèlement moral au travail
Après le quiet quitting (la démission silencieuse), où un salarié est désengagé et fait le strict minimum de ce qui lui est demandé en espérant se faire licencier, voici le quiet firing (le licenciement silencieux). Le phénomène consiste cette fois dans le chef d’un employeur à démotiver un salarié pour le pousser à la démission. Absence de promotion, refus de congés, tâches monotones, le phénomène prend plusieurs formes et peut être considéré comme une forme de harcèlement moral. Une étude récente réalisée par Gallup Workplace Consulting & Global Research révèle que les démissionnaires discrets représentent au moins 50 % de la main-d’œuvre américaine. Cette mise au placard a aussi un coût en termes de licenciements, mais en termes de dépenses en assurance maladie supplémentaires pour cause de burn-out notamment.
Les entreprises américaines multiplient les pressions pour faire partir les salariés considérés comme improductifs. Si, du jour au lendemain, vous découvrez que vous n’êtes plus invité aux réunions et qu’on ne vous propose plus de projets, c’est le signe que votre direction vous a dans le collimateur.
Ces « licenciements silencieux » se multiplient Outre-Atlantique en réponse aux « démissions silencieuses » qui voient de nombreux employés se contenter de faire le strict minimum au bureau. En refusant des promotions ou des augmentations de salaire, en mettant à l’écart certains salariés, les entreprises américaines espèrent rendre la vie impossible à leurs salariés et les pousser à la démission.
Depuis la crise sanitaire, les jeunes travailleurs se sentent de moins en moins concernés.
Une baisse de l’engagement
Selon l’étude réalisée par Gallup, l’engagement des employés américains a encore reculé au cours du deuxième trimestre de 2022, la proportion de travailleurs engagés restant à 32% mais la proportion de travailleurs activement désengagés augmentant à 18%.
Le rapport entre les employés engagés et ceux qui sont activement désengagés est maintenant de 1,8 pour 1, le plus bas niveau depuis près de dix ans. La baisse de l’engagement a commencé au cours du second semestre 2021 coïncide avec une augmentation des démissions. Ce sont les profils de managers qui ont connu la plus forte baisse.
Gallup constate une baisse de l’engagement et de la satisfaction de l’employeur parmi les membres de la génération Z et les jeunes milléniaux – ceux qui ont moins de 35 ans. Il s’agit d’un changement significatif par rapport aux années pré-pandémie. Depuis la crise sanitaire, les jeunes travailleurs se sentent de moins en moins concernés.

Copyright : Les résultats de Gallup sont basés sur un échantillon aléatoire de 15.091 employés américains à temps plein et à temps partiel âgés de 18 ans et plus, interrogés en juin 2022.
Une ghosting professionnel
La situation économique et le risque de récession poussent les chefs d’entreprise à regarder plus attentivement à la qualité de leurs effectifs. La pratique, à la limite de la légalité, n’est pas nouvelle, mais elle s’intensifie en réponse. Face au désengagement de certains salariés, les chefs d’entreprises poussent leurs salariés à quitter leur emploi en créant un environnement hostile. L’individu est tout simplement mis sur une liste noire. Blacklisté, il n’a pas d’autre choix que de partir.
Vous craignez de vous faire licencier discrètement ? Il existe des indicateurs révélateurs du fait qu’un patron essaie peut-être de vous licencier discrètement. Le patron annule des réunions, devient moins disponible et vous évite ; il ne répond pas aux courriels en temps voulu ; vous n’êtes pas invité aux réunions importantes ; on vous confie des tâches impossibles ou des projets extrêmement désagréables ; vous ne recevez pas de commentaires constructifs sur les missions ou les tâches ; vos efforts ne sont pas reconnus ; on ne vous accorde pas de promotions ni d’augmentations ; on vous refuse des demandes raisonnables de congés.
Du harcèlement moral au travail
D’un point de vue juridique, ce procédé est une forme caractérisée de harcèlement moral. Il est défini comme une série de comportements ou de propos répétés ou systématiques envers un collaborateur qui « ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Néanmoins, on peut toutefois s’interroger, tant le quiet quitting et le quiet firing s’apparentent à l’histoire de l’œuf et de la poule : qui était là en premier ? La mal-être entre employeurs et employés semble tout le moins vicieux.
