METIERS INSOLITES

Béatrice Marlier : The Voice SNCB ou la Voix Off du rail

La "voix de la SNCB" qui vous accompagne dans vos trajets quotidiens. D.R.

Très peu de personnes connaissent son visage et pourtant sa voix scande, de manière familière, de nombreuses séquences de notre quotidien, des prix produits annoncés dans les supermarchés à la promotion des opérateurs de téléphonie, en passant par les consignes de sécurité rappelées au moment du décollage d’un avion. Depuis plus de dix ans, en plus de ses autres casquettes vocales, dans toutes les gares qui sont établies dans notre pays, c’est elle qui informe les usagers du rail et les accompagne dans leurs déplacements, annonces et désannonces, arrivées et départs. Un exercice fastidieux qui a réclamé d’enregistrer plus de 550 noms de lieux en trois tonalités (montante, neutre et descendante). Elle est aussi la voix-off francophone de la Stib, celle qui annonce les noms d’arrêts dans les bus, les trams et les rames du métro. Rencontre avec Béatrice Marlier, une femme qui possède bien plus d’une corde à son « harpe » vocale, un instrument de musique précieux pour les quelques élus qui savent en jouer.

L-Post : Comment en arrive-t-on à choisir cette voie et y-a-t-il des formations au métier de « voix off » ?

Béatrice Marlier : Il n’y a pas véritablement de formation ou d’école. La plupart des « voix » qui tournent sont en grande partie des personnes qui viennent de la radio ou du théâtre, ou qui ont fait du doublage, et que l’on vient chercher parce qu’elles ont une « bonne » voix, à savoir une voix qui passe bien sur les ondes. Cela ne s’apprend en tout cas pas dans les livres. La meilleure formation, c’est la pratique et le terrain. Et puis, il faut aussi avoir une bonne oreille musicale. Personnellement, je n’ai aucune formation artistique et je ne viens ni de la radio, ni du théâtre. En revanche, j’ai une très bonne capacité à restituer avec justesse ce que j’entends. A mes débuts d’ailleurs, je passais mon temps à écouter les pubs et à les reproduire. J’imitais aussi les voix des dessins animés. Un jour, j’ai dépanné mon petit ami de l’époque, un ingénieur du son, dont la voix prévue en studio ne s’est pas présentée, et c’est de là que tout est parti.

L-Post : C’est quoi « avoir une belle voix » et pourquoi est-on venu chercher la vôtre à la SNCB ?

B.M : Il n’y a pas, à proprement parler, de « belles voix ». Je pense que beaucoup de voix sont bonnes et peuvent trouver leur créneau. L’essentiel est d’avoir un panel de possibilités, des sonorités graves aux plus aiguës. Et puis, surtout, il faut savoir bien interpréter un texte et lui donner l’énergie qu’il faut, dans le timing imposé. Le « jeu » est très technique. On peut avoir la plus « belle voix » du monde, un beau timbre, mais si on ne sait rien en faire, cela ne donnera rien.

L-Post : Cela fait près de 30 ans que vous faites ce métier. Est-ce que votre voix a changé et ce que l’on vous propose a-t-il évolué en fonction ?

B.M : Ma voix n’a pas véritablement changé, pas de manière flagrante en tout cas, comparativement à Jeanne Moreau, par exemple, qui est fortement tombée dans le grave. Par contre, je me suis améliorée dans le jeu, dans le timing. Je suis principalement speaker, je ne suis pas comédienne. Je suis donc très souvent prise pour des pack-shots, du corporate, des guides ou encore de l’e-learning.

J’ai été choisie sur base d’un casting vocal lancé par la SNCB.  Nous étions plusieurs prestataires en concurrence.

L-Post: Est-ce qu’une voix s’entretient afin de la préserver dans le temps ?

B.M : En ce qui me concerne, je ne fais rien, si ce n’est porter très souvent une écharpe car je suis assez sensible à ce niveau-là. Certains de mes collègues boivent du jus de citron, un verre d’eau chaude, prennent du miel. J’ai régulièrement un chat dans la gorge, mais une fois devant le micro, le chat disparaît…

L-Post : Vous êtes aujourd’hui la voix du rail en Belgique, une belle aventure ?

B.M : J’ai été choisie sur base d’un casting vocal lancé par la SNCB.  Nous étions plusieurs prestataires en concurrence. En studio, j’ai dû enregistrer, en plusieurs sessions, des morceaux de phrases-clés sur différents rythmes et diverses tonalités. Comme par exemple : « attention, voie 4, le train au départ de Liège entre en gare ». Et puis, toutes les gares du pays enregistrées plusieurs fois : « Braine-Le-Comte-Tubize-Hennuyère », « Tubize-Hennuyère-Hall », « Hennuyères-Hall-Bruxelles midi « , de façon à ce que chaque gare soit lue en entrée, milieu ou fin de phrase.

Je me souviens d’un enregistrement en particulier où je devais faire une voix qui parlait la bouche pleine.

L-Post : Reconnaissez-vous toujours votre voix lorsqu’elle passe ?

B.M : Pratiquement à chaque fois. Mais parfois, c’est le texte que je reconnais d’abord et là je me dis : « Tiens, c’est moi ».

L-Post : Y-a-t-il un enregistrement drôle ou cocasse qui vous a laissé un bon souvenir ?

B.M : Il y en a plusieurs, mais je me souviens d’un enregistrement en particulier où je devais faire une voix qui parlait la bouche pleine. On m’avait donc donné une banane pour lire mon texte. Ce n’était pas évident comme « accessoire ». Je m’en étais remplie les joues et on me disait « on recommence, on en refait encore une » et comme je suis gourmande, je n’avais qu’une seule envie …. c’était de l’avaler.

Entretien: Alessandra D’Angelo