Révélateur : le Mont de Piété et les prêteurs sur gage ne connaissent pas la crise
Copyright : DR C’est bien connu, on ne prête qu’aux riches. Et pourtant, un grand bâtiment, certes un peu austère, abrite au cœur de Bruxelles, la dernière institution publique prêteuse sur gage du pays qui s’évertue à contredire ce célèbre dicton. Argent pas cher ! La maison fait crédit à partir de 30 euros. Une aubaine en pleine crise énergétique. Avec un pouvoir d’achat plombé, de plus en plus de familles en détresse, toutes origines sociales confondues, viennent y déposer bijoux, argenteries et autres objets de valeur en échange de quelques sommes d’argent. Une façon d’obtenir des liquidités rapidement en échange d’objets de valeur récupérables lors du remboursement du prêt. Le Mont de Piété, autrefois appelé « ma tante », fait ainsi véritablement œuvre sociale à l’attention d’une clientèle dans une situation de besoin espéré « passager ». Le montant total des prêts a bondi ces dernières années. De 20,4 millions en 2015, le chiffre est passé à 21,6 millions en 2016, 22,5 en 2019 et 23,1 en 2021.
Situé depuis 1618, rue Saint-Ghislain, à Bruxelles, à deux pas du Palais de Justice, le Mont de Piété, qui dépend de la Ville de Bruxelles et de son CPAS, bat des records de fréquentation cette année, avec plus de 28% de nouveaux clients au 1er semestre 2022, un révélateur supplémentaire de l’ampleur de la crise énergétique.
Augmentation du prix de l’énergie et inflation pèsent sur le portefeuille des belges les plus fragiles qui sollicitent de plus en plus ce service en mettant « au clou » des bijoux, des tableaux, des bibelots ou tout autre objet de valeur en échange d’une somme d’argent délivrée rapidement.
« Ma tante » se porte très bien
Avec l’accentuation de la précarité, « ma tante », un sobriquet dévolu à l’institution depuis le XIXème siècle, se porte plutôt bien. Pour l’anecdote, à l’époque le propre fils de Louis-Philippe, le prince de Joinville François-Ferdinand d’Orléans, y aurait ainsi déposé sa montre pour honorer une dette de jeu. Quelque peu honteux, il avait alors prétendu l’avoir oubliée chez sa « tante ». D’où l’expression.
Loin d’être surannée, l’institution est le miroir d’une nouvelle aggravation de la crise économique et conserve toute sa raison d’être aujourd’hui. Le prêt sur gage est en effet la dernière alternative pour les précaires bien souvent exclus des systèmes bancaires dit classiques. Le Mont-de-Piété octroie chaque année près de 29.000 prêts.
Des démarches simples et rapides
A l’heure actuelle, Le Mont de Piété offre probablement la façon la plus simple et la plus souple de disposer rapidement de liquidités pour faire face à une échéance urgente, sans être obligé de vendre ses biens. Pour obtenir un prêt, il suffit de se présenter au guichet « engagement » de l’institution muni d’une pièce d’identité. L’objet est alors, en quelques minutes seulement, expertisé par les appréciateurs du Mont de Piété. Une fois l’expertise réalisée, un caissier remet immédiatement l’argent en espèces, soit entre 50 et 70% de la valeur du bien. Le tout prend en général moins d’une heure.
Depuis la salle des guichets, derrière des vitres blindées, les objets sont ensuite acheminés dans des boîtes rouges estampillées d’un code et sont précieusement entreposés. Tout est depuis quelques années entièrement robotisé, ce qui accroît encore la sécurité et diminue les risques de tentatives de vols et de braquages.
Mon objet de famille, ma propriété
Les objets restent, pendant toute la durée du prêt, propriété exclusive du déposant. Si les murs de l’institution garde en mémoire le souvenir d’un diamant de 15 carats déposé pour une valeur de 75 000 euros, la moyenne des crédits octroyés est de 310 euros et les premiers prêts sont accordés à partir de 30 euros seulement, ce qui serait totalement impensable au guichet d’une banque classique.
Pour récupérer son bien, la personne devra rembourser le capital consenti + 6,5% d’intérêt par an, soit un taux bien plus avantageux que les taux bancaires en matière de prêt personnel. Autre option : le déposant peut également demander la mise en vente volontaire de ses objets s’il ne souhaite plus les récupérer. Et si la vente rapporte plus que le montant du prêt octroyé, la différence revient en plus-value à la personne qui a déposé le gage.
Attention toutefois aux tentatives de fraude : les objets proposés en dépôt repérés contrefaits ou volés sont signalés et une plainte est immédiatement déposée par le Mont de piété.
