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Opinion: Une conférence européenne pour mieux connaître l’Azerbaïdjan sous l’angle multiculturel et religieux

Le roi Philippe et le président de la République d'Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, arrivent au Palais Royal de Bruxelles, lors d'une visite de ce dernier en 2019. BELGA

La conférence qui a eu lieu le 5 décembre dernier à Bruxelles « Promouvoir le dialogue interculturel et interreligieux pour un monde plus sûr » a permis de revenir sur l’importance cruciale de ce dialogue à l’heure de toutes les tensions politiques et culturelles en temps de guerre telle que nous la connaissons. L’évènement européen a été organisé conjointement par le Comité d’Etat des associations religieuses d’Azerbaïdjan, le Centre international du multiculturalisme de Bakou en coopération avec l’Institut pour la liberté de foi et la sécurité en Europe et la Fondation New Direction for European Reform.

Historiquement, l’Azerbaïdjan est une terre multiethnique et multicommunautaire. Terre traversée par les influences perses, arabes, turques, européennes, russes, le pays est un melting-pot tout à fait unique dans la région du Caucase. Aux confins de l’Iran, de la Russie, de la Turquie, de la Géorgie et de l’Arménie, le pays est riche d’une rare diversité humaine sur la route de la Soie et des grands Empires. Le Karabakh ne déroge pas à la règle et regorge de sites, héritiers de ces temps passés, comme de temps plus modernes où l’on a construit églises, synagogues et mosquées.

Dialogue interreligieux instructif et sain

En réalité, l’Azerbaïdjan pratique, depuis des siècles, ce dialogue et se révèle un creuset culturel unique dans le Caucase, d’une très grande richesse ethnique et où cohabitent nombre de minorités religieuses. En effet, si la religion majoritaire est l’Islam chiite dans le pays, la présence de Chrétiens et de Juifs n’a jamais été vraiment compromise en Azerbaïdjan. Les bonnes relations entre Bakou et le Vatican ont toujours été importantes, malgré le différend politique avec l’Arménie, et parce que 4,8% des Azerbaïdjanais sont catholiques. Le conflit entre Bakou et Erevan a plusieurs fois été malheureusement instrumentalisé par une partie des Arméniens pour le réduire à un conflit religieux qui opposerait des Chrétiens d’Orient menacés à des Musulmans sauvages qui n’auraient pour but que de les exterminer. Tout cela, au regard de l’histoire évoquée plus haut de l’Azerbaïdjan, n’a pas beaucoup de sens et aucun fondement.

Les défis mondiaux actuels, tels que la montée de l’intolérance, l’utilisation abusive de la religion à des fins politiques, la xénophobie, l’antisémitisme et l’islamophobie constituent une grave menace pour la paix.

Les défis mondiaux actuels, tels que la montée de l’intolérance, l’utilisation abusive de la religion à des fins politiques, la xénophobie, l’antisémitisme et l’islamophobie constituent une grave menace pour la paix, la sécurité et la cohésion sociale. Ces tensions n’ont eu de cesse de croître depuis une vingtaine d’années. Ces nouveaux défis nécessitent plus que jamais l’unification et le renforcement des efforts à l’échelle internationale pour établir un dialogue solide entre les religions et les cultures dans le but de promouvoir la diversité culturelle, le dialogue interreligieux et inter-civilisationnel, et la compréhension entre les différentes religions et ainsi favoriser l’acceptation de la différence et de l’altérité.

Un pays à apprendre à connaître

Il faut reconnaître que les situations de discrimination restent problématiques dans de nombreuses sociétés, s’exprimant parfois sous des formes violentes, du discours de haine au conflit armé. Dans ce contexte, en Europe comme au Moyen-Orient ou dans le Caucase, le rôle du dialogue interreligieux et interculturel apparaît comme une approche essentielle pour contrer et dépasser les préjugés réciproques.

L’importance de la promotion d’une culture de paix et de non-violence, de l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction a été mondialement reconnue et a été abordée dans les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies. Ainsi, la résolution A/RES/65/5 adoptée le 20 octobre 2010 a réaffirmé que la compréhension mutuelle et le dialogue interreligieux constituent des dimensions importantes d’une culture de la paix et a proclamé la première semaine de février de chaque année « Semaine mondiale de l’harmonie interconfessionnelle » entre toutes les religions, confessions et croyances.

Le multiculturalisme est un mode de vie en Azerbaïdjan, ainsi qu’une composante essentielle de la politique de l’Etat.

Depuis des décennies, Bakou a investi des efforts considérables dans la promotion active de ces valeurs. Le multiculturalisme est un mode de vie en Azerbaïdjan, ainsi qu’une composante essentielle de la politique de l’Etat, préservée à travers les siècles. C’est d’ailleurs le seul pays musulman laïc qui soutient l’ensemble des minorités religieuses. Ainsi le pays a accueilli de nombreux événements internationaux tels que le Forum mondial de l’Alliance des civilisations des Nations Unies, le Sommet mondial des chefs religieux, le Forum mondial sur le dialogue interculturel, le Forum humanitaire international de Bakou, etc. Autant de rencontres qui permettent de porter un autre regard sur un pays un peu trop souvent décrié sans même le connaître.

Sébastien Boussois

Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient  relations euro-arabes/ terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l’OMAN (UQAM Montréal) et du NORDIC CENTER FOR CONFLICT TRANSFORMATION (NCCT Stockholm)