SOCIAL

Royaume-Uni : forte opposition au service minimum que veut imposer le Gouvernement en cas de grève

Le secrétaire général du Rail, Maritime and Transport Workers Union (RMT) Mick Lynch (4R) se tient sur un piquet de grève du RMT devant la gare Euston de Londres lors d'une grève des cheminots, à Londres le 6 janvier 2023. AFP

Au Royaume-Uni, le projet de loi anti-grèves controversé est cloué au pilori par l’opposition. En effet, le texte va limiter le droit de grève, car il vise à instaurer un service minimum quand une action sociale est décrétée pour contester les options de l’employeur. Le service minimum sera imposé dans des secteurs comme la santé, les transports, l’éducation, les services de pompiers, etc. considérés comme critiques. Le projet de loi va aussi permettre à l’employeur de licencier plus facilement des travailleurs, car il pourra le faire sans justification, notamment en les obligeant à travailler les jours d’action de grève. Tant le parti travailliste que les syndicats sont vent debout contre un texte qu’ils jugent antidémocratique et comme étant une menace pour les libertés civiles.

Le projet de loi a été adopté en deuxième lecture au parlement après le vote des députés par 309 voix favorables et 249 votes négatifs, soit une majorité de 60 voix. Le texte était débattu à la Chambre des Communes, alors que, dans le même temps, les premières grèves des enseignants (depuis 2016) étaient annoncées pour février prochain. Par ailleurs, les infirmières ont également annoncé deux jours supplémentaires d’action pour le même mois, ce qui laisse entrevoir présager un mois de février chaud sur le plan social pour le Gouvernement de Rishi Sunak.

Le parti travailliste à la rescousse des classes populaires 

Les nouvelles lois anti-grèves du Premier ministre britannique vont empêcher certains salaries de pouvoir déposer un préavis de grève, a déclaré le chef adjoint du parti travailliste lors d’échanges mouvementés au Parlement.

Angela Rayner a promis, lundi, que le parti travailliste abrogerait le projet de loi anti-grèves du gouvernement s’il arrivait au pouvoir, affirmant qu’il s’agissait de l’un des « projets de loi les plus indéfendables et insensés à être présentés à cette Chambre de notre époque ».

La nouvelle loi s’appliquerait à toute la Grande-Bretagne et imposerait des niveaux de service minimaux pour les industries critiques lors des mouvements de grève. Les secteurs concernés sont la santé, les transports, les pompiers, les  douanes, le nucléaire et l’éducation où les travailleurs seront réquisitionnés en cas de grève.

Les niveaux de service minimum sont un moyen proportionné d’équilibrer le droit de grève avec la nécessité de protéger le grand public.

Dès le début de janvier, le Premier ministre Britannique, Rishi Sunak a déclaré à Westminster que « l’Organisation internationale du travail (OIT) soutient les niveaux de service minimum… ils sont sont organisés en France, en Italie, en Espagne ». Grant Shapps, le secrétaire d’Etat à l’Energie a ajouté l’Allemagne à cette liste, précisant que pour l’OIT « les niveaux de service minimum sont un moyen proportionné d’équilibrer le droit de grève avec la nécessité de protéger le grand public ». Or, Ce n’est pas vrai. En France, la loi dite de « service minimum » imposent simplement un préavis de grève de 48 heures pour les syndicats des transports (article L1324-7 du code des transports) ou de cinq jours pour les agents de santé (L-2512-2 du Code du travail article). C’est pour permettre aux employeurs de s’organiser et réaliser un minimum de prestations.

Au Royaume-Uni, la loi actuelle impose déjà un préavis de grève de deux semaines, plus une semaine supplémentaire pour informer l’employeur avant un mouvement de grève. Le préavis doit être envoyé par la poste.

Une menace pour les libertés civiles des Britanniques

Malgré des températures inférieures à zéro, la mobilisation s’organise dans la population. En face du Downing Street, le domicile du Premier ministre, des foules se sont rassemblées à Whitehall, bravant le froid, pour manifester contre le projet de loi. Le secrétaire général du syndicat ferroviaire, Rail, Maritime and Transport (RMT), Mick Lynch a exhorté le leader des Travailliste, Sir Keir Starmer, à ne pas être, selon l’expression britannique: « politician vanilla » et à soutenir les droits des travailleurs. Il a déclaré que le cabinet travailliste fantôme devrait promettre de résoudre les conflits salariaux et d’annihiler la législation antisyndicale si le Labour remportait les prochaines élections.

Il a été rejoint lundi soir par les députés travaillistes d’arrière-ban, Zarah Sultana et Bell Ribeiro-Addy, le chef du SNP Westminster Stephen Flynn et l’ancien leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn, alors qu’il prononçait un discours devant des foules. La députée Zarah Sultana s’est également adressée aux manifestants et a critiqué ce  projet de loi qu’elle a qualifié d’anti-ouvrier et de menace pour les libertés civiles des Britanniques.

Le gouvernement ne fournit pas de niveaux de service minimum, non pas à cause des grèves des ambulanciers, mais parce que le gouvernement a créé cette crise.

Quid du service minimum du gouvernement?

Plus récemment dans un communiqué publié par le deuxième plus grand syndicat anglais: Unite, la secrétaire générale, Sharon Graham, a indiqué que le gouvernement avait « perdu le complot. Des gens meurent inutilement dans le National Health Service à cause d’une décennie de coupes et d’austérité potentiellement mortelles. Donc, pour le moment, le gouvernement ne fournit pas de niveaux de service minimum, non pas à cause des grèves des ambulanciers, mais parce que le gouvernement a créé cette crise. Le projet de loi sur les grèves est antidémocratique, irréalisable et échouera. Nous ne le tolérerons pas ».

En d’autres termes, ce projet de loi tant décrié par la majorité des Britanniques provoquera une crise politique, économique, sociale, institutionnelle car le Brexit a contribué à affaiblir la position géostratégique du Royaume-Uni. Par ailleurs la crise du Covid a ajouté à cette dépression économique un questionnement sur la démocratie anglaise et européenne. Enfin, les différentes affaires de corruption qui éclaboussent les partis politiques britanniques depuis des années nourrissent la méfiance des électeurs et alimentent le repli identitaire et l’extrémisme sur toutes ses formes.

Alexander SEALE (à Londres)