(FILES) This file photo taken on July 04, 2017 shows Russian businessman Yevgeny Prigozhin prior to a meeting with business leaders held by Russian and Chinese presidents at the Kremlin in Moscow. - The head of the Wagner mercenary outfit, Yevgeny Prigozhin, on February 22, 2023 urged Russians to pressure the country's regular army into sharing ammunition with his fighters in Ukraine. Prigozhin, who the day earlier made headlines when he accused Russia's top brass of essentially committing "treason", stopped short of calling on Russians to protest but urged everyone from "driver" to "flight attendant" to help him. (Photo by Sergei ILNITSKY / POOL / AFP)
L’excellent documentaire diffusé actuellement sur Arte replay, et intitulé « Les dossiers de Prigojine », le grand patron de la société de mercenaires russes, Wagner, montre définitivement la manière dont la milice paramilitaire est apparue au Donbass en 2014, s’est implantée en Syrie, en Libye, et est aujourd’hui présente en Ukraine et désormais de plus en plus en Afrique. Près de 50.000 hommes, beaucoup d’anciens prisonniers russes, mais aussi d’étrangers voire d’anciens membres de la légion étrangère, sont déployés de par le monde et là où les Etats sont fragilisés et font appel à eux ou ; là où l’Occident est non seulement décrié mais de plus en plus combattu et finalement rejeté.
L’Afrique est un terrain de prospective énorme pour Evgueni Prigojine, cet homme d’affaires, ancien traiteur, surnommé « le cuisinier de Poutine », originaire de Saint-Pétersbourg et depuis longtemps proche du chef du Kremlin. L’accès par les réalisateurs du documentaire à plus de 2.500 documents privés de la compagnie, montrent la proximité historique du chef de la milice avec le président russe depuis des années. De nombreux rendez-vous ont eu lieu entre eux à Moscou, même si officiellement, Wagner n’a aucun lien selon Vladimir Poutine avec l’Etat russe. Evgueni Prigojine a d’ailleurs attendu septembre 2022, neuf ans après la création de Wagner, pour reconnaître qu’il en était le grand manitou. Pendant que la guerre en Ukraine se poursuit, la milice du Russe poursuit son ascension en Afrique. Comme la Chine qui avait économiquement profité du déclin des Occidentaux sur le continent noir, Wagner s’implante là où l’Occident, et notamment les Américains ou les Français se sont cassé les dents.
La milice Wagner de plus en plus présente en Afrique
Principal outil de l’expansion russe, malgré quelques tensions avec les militaires russes comme en Ukraine par exemple, le groupe Wagner offre ses services à de nombreux régimes autoritaires dont l’avenir n’est pas forcément assuré ou dont l’armée n’a pas suffisamment d’hommes pour se maintenir en place. Son implantation médiatisée et récemment renforcée au Mali, depuis que la junte militaire a demandé à la France de quitter son territoire, ne doit pas cacher ses autres terrains d’actions : Centrafrique, Soudan, Mozambique, Madagascar, Burkina Faso notamment.
Evgueni Prigojine est un homme d’affaires et propose à tous ces pays un programme « sécurité contre avantages économiques ». A la mode des Occidentaux pendant longtemps, Wagner se sert sur la bête, notamment en profitant des matières premières de ces pays, et étoffe l’influence russe, pivot de résistance à l’Occident désormais décrié, contesté et rejeté.
Les relations historiques des Occidentaux avec l’Afrique se sont dégradées au fil des années et compliquent désormais leur tâche de pacificateur ou de médiateur sur le continent. La virginité des relations entre l’Afrique et la Russie a joué à plein de la même manière que quand la Chine a pris pied avec ses usines : pas de colonialisme, pas de drames, pas de douleur post-opératoire, pas d’obligation de respect des droits humains. Et la Russie continue, malgré la guerre en Ukraine ou grâce d’ailleurs, à se présenter comme la puissance qui mène une guerre de civilisation contre l’Occident. De quoi plaire à tous les régimes autoritaires d’Afrique qui, au nom de la lutte contre le terrorisme ou du néocolonialisme européen, se maintiennent au pouvoir contre la démocratie, présentée par ses détracteurs comme le régime du laisser-faire.
On trouve de nombreux oligarques russes en Afrique, où ils ne sont pas sujets aux sanctions mises en place par les Américains, et (d’)où ils peuvent continuer à faire prospérer leurs affaires. Ils spéculent ainsi, grâce à la complicité des pouvoirs en place, sur l’or, les diamants ou l’uranium. Cette nouvelle forme de mercenariat s’inscrit non seulement dans l’évolution des conflits modernes, l’affaiblissement des armées conventionnelles, le développement du terrorisme transnational contre qui lutter, mais aussi pour tisser une toile qui profite du vide qui s’offre notamment à Wagner après le ras-le-bol généralisé des populations à l’égard notamment des Américains et des Français.
Mais ces populations risquent fort de déchanter, d’autant que les résultats de Wagner en termes de sécurité sont de plus en plus mitigés comparés au pillage des ressources qui elles sont un grand succès. Récemment, les Américains ont lancé une grande contre-offensive à Bangui, en Centrafrique, proposant en décembre 2022 au pouvoir d’assurer sa sécurité en formant son armée et en augmentant son aide humanitaire contre le départ définitif du groupe Wagner[1]. Pas sûr que Washington revienne avec des arguments suffisants.
Sébastien BOUSSOIS
Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient relations euro-arabes/ terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l’OMAN (UQAM Montréal) et du NORDIC CENTER FOR CONFLICT TRANSFORMATION (NCCT Stockholm)
[1] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/20/les-etats-unis-engagent-une-strategie-pour-evincer-d-afrique-les-mercenaires-du-groupe-wagner_6162583_3212.html
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Après ce document sur la milice Wagner, à quand un article sur le régiment Azov?