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La perte d’influence française au Sahel : un déclin graduel

Le président Emmanuel Macron en tournée en Afrique alors que l'influence de la France est en déclin dans les pays du Sahel. AFP

Au moment où le président français, Emmanuel Macron, effectue une tournée en Afrique qui le conduira au Gabon, en Angola, au Congo et en République démocratique du Congo (RDC), nous revenons sur la situation de l’Hexagone au Sahel. Depuis plusieurs années, la France a joué un rôle prépondérant dans la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel en Afrique de l’Ouest. Cependant, récemment, elle a perdu de son influence dans cette région, notamment en raison de plusieurs facteurs tels que les relations diplomatiques difficiles, la diminution du soutien populaire, et la concurrence de nouveaux acteurs régionaux. Cet article se propose d’analyser les raisons de ce déclin graduel de l’influence française au Sahel.

La France a des liens historiques avec les pays de la région du Sahel qui remontent à l’époque de la colonisation. Elle a continué d’exercer son influence après l’indépendance des pays concernés, en établissant des relations diplomatiques étroites et en intervenant militairement en soutien aux gouvernements nationaux. Ces interventions ont connu une intensification depuis les années 2000 avec l’augmentation de la menace terroriste dans la région.

Des relations diplomatiques difficiles

Mais les relations entre la France et les pays du Sahel se sont compliquées ces dernières années, notamment en raison de la perception que les actions françaises étaient davantage destinées à protéger les intérêts de la France qu’à protéger la sécurité des populations locales. Des mouvements populaires ont émergé dans certains pays pour protester contre la présence française. De plus, la France a eu des relations tendues avec certains dirigeants de la région, notamment avec l’ancien président tchadien Idriss Déby, décédé en avril 2021.

La présence militaire française au Sahel a également connu une perte de soutien populaire dans l’Hexagone, notamment après l’augmentation des pertes humaines. Les opérations militaires ont connu une escalade depuis 2013 avec l’opération Serval au Mali. Depuis, des soldats français ont été tués, tandis que des critiques ont été formulées concernant les coûts financiers et humains élevés de ces interventions.

 La concurrence de nouveaux acteurs régionaux

Des pays comme la Russie et la Chine ont intensifié leur présence dans la région, offrant des opportunités économiques, militaires et diplomatiques qui ont érodé l’influence française. La Russie, en particulier, a établi des relations étroites avec certains pays de la région, en proposant notamment des accords de coopération militaire. De plus, des organisations régionales telles que l’Union Africaine ont pris une plus grande part dans la résolution des conflits dans la région, réduisant la nécessité pour les pays occidentaux d’intervenir.

La France doit aussi affronter la montée de l’influence chinoise dans la région. La Chine a accru ses investissements et sa présence économique en Afrique ces dernières années, notamment dans les infrastructures et les ressources naturelles. Elle a également mis en place une coopération militaire avec plusieurs pays africains, y compris au Sahel. La Chine est devenue le premier partenaire commercial de nombreux pays africains, dépassant la France.

La France se trouve donc en concurrence directe avec la Chine et la Russie pour l’influence au Sahel, ce qui pourrait avoir des implications sur sa capacité à maintenir sa présence militaire et son influence politique dans la région. De plus, la Chine a exprimé son soutien à l’initiative du G5 Sahel, en offrant des financements pour des projets de développement et des programmes de formation pour les forces de sécurité locales. Cette position pourrait rendre la France plus vulnérable à l’influence de la Chine dans la région.

Facteurs politiques, économiques et militaires

La perte d’influence de la France au Sahel est un sujet complexe et multifacette. Bien que les raisons de cette perte soient variées, elles comprennent des facteurs politiques, militaires et économiques. La réponse de la France à cette situation a été d’adapter sa stratégie militaire, en se concentrant davantage sur la formation des forces locales et en cherchant à renforcer les partenariats internationaux.

Il est clair que la France doit continuer à jouer un rôle clé dans la lutte contre le terrorisme et l’insécurité au Sahel, et que cela nécessite une présence militaire et une influence politique fortes. Cependant, la France doit également reconnaître que la situation au Sahel est complexe et que des solutions durables ne peuvent être atteintes que par des approches holistiques qui incluent des dimensions politiques, économiques et sociales. Il est crucial que la France travaille avec les gouvernements locaux et les partenaires internationaux pour développer des solutions qui répondent aux besoins de la population locale et assurent la sécurité et la stabilité de la région.

Hamid Chriet (à Paris)