Politique

Troisième mandat inédit pour un Président chinois, le sacre de Xi Jiping


En octobre dernier, avait eu lieu le XXe congrès du PCC, le Parti communiste chinois. Grand-messe historique, il fêtait ses 100 ans puisque le premier datait de 1921. 2300 délégués s’étaient réunis à Pékin, pour acclamer et reconduire le Xi Jiping (69 ans) dans ses fonctions de secrétaire général du parti. Ce vendredi 10 mars, il est reconduit à la tête de l’Etat pour un nouveau mandat de 5 ans par 3000 députés votants, faisant de Xi Jiping, le dirigeant chinois le plus puissant que le pays ait connu en termes de concentration du pouvoir et de longévité. Troisième mandat historique donc. Qu’est-ce que la Chine de Xi Jiping ? Quel rôle va-t-elle jouer ? Quelle place dans le leadership mondial, alors que sa croissance ralentit inlassablement ? Quelle place dans la défense de cet axe antioccidental où on la trouve aux côtés notamment de la Russie et de l’Inde ?

Xi JIping reconduit, mais qui est-il vraiment?

Il est au pouvoir depuis dix ans et rempile pour cinq ans. Il dirige une puissance démographique de 1,4 milliard d’habitants et la seconde puissance mondiale. On dit souvent que Mao a ouvert la Chine, que Deng Xiaoping l’a enrichie, et que Xi Jiping l’a propulsé à l’échelle mondiale. En octobre dernier, le XXe congrès du PCC intervenait « à un moment critique où l’ensemble du Parti et le peuple de toutes les ethnies sont engagés sur la voie de la construction d’un pays socialiste moderne », affirmait Xi dans son discours d’ouverture.

A son arrivée dans les années 2010, on l’avait présenté comme un réformateur, mais il avait rapidement fermé les portes à la démocratisation une par une : régime autoritaire, droits de l’homme bafoués, corruption et contrôle par le PCC, gestion et traitement des Ouïghours dans des camps au Xinjiang et volonté de mainmise sur Taiwan, possible verrou vers une nouvelle guerre, voire « l’éternel risque de troisième guerre mondiale ».

Xi est devenu un Empereur plus qu’un Président

Nous sommes dans un contexte dans le monde de la mode des dictateurs et des hommes providentiels. En effet, Xi Jiping, est désormais plus proche d’un Empereur qui rêve comme beaucoup, en Russie ou ailleurs, du retour de l’Empire, que comme un Mao, leader révolutionnaire. Sa vision s’inscrit au fond dans un cadre global de ces hommes « magiques » qui promettent face au risque du déclin, l’apogée, la renaissance, un « make America great again » à la Trump décliné à toutes les sauces  dans des pays attirés par le rétablissement de l’ordre et le populisme.

Bien évidemment, l’objectif numéro un au sein de l’Empire du milieu du leader chinois est de rester par définition au milieu du jeu : garder le pouvoir, le concentrer, concentrer les richesses et faire travailler les Chinois pour l’augmenter toujours plus. On peut parler de la Chine aujourd’hui comme d’un pays au capitalisme presque parfait. Un communisme bien de façade et un capitalisme débridé de terrain. Et le PCC, avec ses 80 millions de membres, ses 11 millions de cadres,  a un intérêt à ce que ça dure, car son maintien au pouvoir coûte très cher.

AFP

Cette photo prise le 6 octobre 2017 montre un homme travaillant sur une peinture de rue en 3D de l’emblème du Parti communiste chinois pour célébrer le prochain congrès du Parti à Xiayi, dans la province centrale du Henan en Chine. (AFP)

Les futurs grands chantiers du Président

Il a fallu avant tout gérer l’après-pandémie et le relâchement des mesures de confinement qui ont duré trois ans et qui ont mis à bout les Chinois : cette politique « zéro Covid », ces villes isolées des semaines, des villes parfois de 20 millions d’habitants. Cela a, en gros, fonctionné, après nous avoir envoyé le virus, nous proposer des vaccins controversés et des masques « made in China » qui nous faisaient défaut au début de la crise. Et d’avoir menti pendant des mois sur la virulence et le danger de cette « petite grippe ».

Après des manifestations violentes un peu partout dans le pays en octobre dernier, la Chine a rebondi économiquement. Ses accords économiques notamment avec l’Europe, son extension en mer de Chine en frôlant les moustaches américaines, son projet de route de la soie qui traverse des dizaines de pays, sa stratégie d’offrir des prêts au monde entier pour accueillir cette grande voie commerciale jusqu’en Europe (60% d’entre eux seraient déjà toxiques et insolvables pour les pays concernés), sont ses atouts majeurs pour relancer la machine qui s’était grippée.

depuis le début de la guerre, la Chine achète du gaz pas cher, mais elle perd énormément économiquement dans le monde entier tant que la guerre dure.

La Chine repliée sur elle-même, comme le Japon à l’époque, c’est du passé ! La crise avec Taiwan est du « made in Xi Jiping » et risque de durer, car l’objectif chinois est bien de récupérer cette île : un peu comme l’Ukraine et la Russie, Taiwan est une « base » occidentale, du mode de vie et de politique à l’occidental et ça Pékin n’en veut pas. D’autant que Taïwan produit plus de 90% des micro-processeurs de la planète. Mais Pékin doit aussi gérer le ralentissement de sa croissance, qui risque bien de retomber durablement à 2%, bien loin de cette croissance à deux chiffres qui a inquiété le monde entier pendant des décennies. Le rang de première puissance mondiale, devant les Etats-Unis, sera encore long à atteindre.

La place de la Chine dans le monde avec la guerre en Ukraine et ses rapports à la Russie 

La Chine souffle le chaud et le froid depuis des mois. Elle est contente que la Russie se frotte en première ligne à l’Occident et se verrait bien en tête de pont de la résistance anti-USA dans le monde. Elle espère, secrètement, attirer d’autres pays sur le plan économique : la Russie, l’Inde, une partie de l’Afrique. Certes, depuis le début de la guerre, elle achète du gaz pas cher, mais elle perd énormément économiquement dans le monde entier tant que la guerre dure. Au dernier sommet de Samarcande, de l’Organisation de coopération de Shanghai, elle s’était même énervée et a demandé au président russe, Vladimir Poutine d’en finir rapidement avec la guerre en Ukraine. Au point de se proposer comme potentiel médiateur, pourtant peu crédible vu son parti pris. A l’heure actuelle, ce qui prime encore, c’est l’axe de coopération sino-russe qui a vu Moscou être soutenue par un nouvel accord avec Pékin en octobre dernier pour contourner le régime des sanctions internationales dont la Russie est « victime » depuis l’invasion de l’invasion de l’Ukraine en février 2022.

Sébastien BOUSSOIS

Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient  relations euro-arabes/ terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l’OMAN (UQAM Montréal) et du NORDIC CENTER FOR CONFLICT TRANSFORMATION (NCCT Stockholm)


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