INTERNATIONAL

Irak, vingt ans après : Episode 2, une « victoire » rapide puis le chaos

Dans le premier épisode de cette série consacrée au vingtième anniversaire du déclenchement de la guerre en Irak, nous avons assisté aux manipulations par lesquelles un noyau de néo-conservateurs entourant le président George W. Bush est arrivé à « vendre » la guerre à l’opinion américaine et aux alliés de Washington. Dans cette deuxième partie, nous serons « sur le terrain » pour assister à une victoire éclair. Qui débouchera portant sur un chaos sans nom….  

Au début, tout se présentait bien. Du point de vue militaire, on s’entend. De toute façon, comment l’Irak, même dotée de la « troisième armée du monde » (une affirmation qui relevait en grande partie de la propagande irakienne d’une part et de la diabolisation du régime par Washington d’autre part) pouvait-il espérer résister au rouleau compresseur d’un pays, les Etats-Unis, qui étaient eux, sans contestation possible, la première puissance militaire mondiale ? D’autant plus que Washington n’était pas réellement isolé : le Royaume-Uni, avec 45 000 soldats, les Peshmerga avec 70 000 combattants et plusieurs petits ayant engagé de plus petits contingents appuyaient l’offensive américaine.

Frappes de décapitation, opérations C3I : une stratégie classique mais décisive

Le 20 mars 2003, à l’aube, la guerre commença de la manière la plus classique, par une série de « frappes de décapitation » visant à éliminer Saddam Hussein et la direction du pays et par une opération « C3I » (« Command, Control, Communication and Intelligence » : le concept C3I désigne une forme de guerre aérienne visant à détruire l’appareil d’encadrement, de détection, de télécommunication et de renseignement de l’ennemi afin de briser sa cohésion et de le rendre incapable d’organiser et de mener sa défense). On bombarda donc des palais présidentiels, des installations radars, des centres de communications, des quartiers généraux. Bref, tout ce qui, de près ou de loin, était directement lié à Saddam ou son état-major.

Après un bref moment d’euphorie où l’on pensa, à la salle de crise de la Maison Blanche, que Saddam Hussein avait été éliminé par ces premières frappes, il fallut bien se rendre à l’évidence : le « Raïs » (président, chef) était bien vivant. Mais l’armée irakienne, elle, avait les reins brisés : sourde, aveugle, elle était désormais à peu près incapable de se mouvoir. Quant à la population, elle fera ce qu’elle avait appris à faire depuis des décennies de dictature ponctuées de complots de palais et de coups d’Etat : elle attendit de voir qui allait l’emporter.

Alors que bombes et missiles tombaient sur le pays, 100 000 hommes pénétrèrent en Irak par le sud. Ils appartenaient à trois divisions américaines et à la 1ère division blindée britannique. Le corps expéditionnaire était, en effet, pour l’essentiel, composé de troupes envoyées par Washington et le fidèle allié de Londres.
On aurait tort pour autant de considérer – comme cela a, trop souvent, été le cas – que cette nouvelle guerre fut une simple opération unilatérale américaine renforcée par le soutien anglais. Certes, l’ONU avait refusé de soutenir l’opération armée. Et ce, en grande partie suite à la démolition en règle des arguments de Colin Powell à laquelle s’était livré le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, devant le Conseil de Sécurité. Mais la communauté internationale était divisée.

Des alliés, des grands et des petits...

La coalition internationale bâtie par Colin Powell et la diplomatie américaine n’étaient, malgré tout, pas si dérisoire que cela. Certes, on y trouvait quelques pays dont on ne peut pas dire – malgré tout le respect qui leur est dû – qu’ils comptent énormément sur la scène internationale et dont la capacité militaire est, pour rester poli, des plus limitée : le Costa Rica (l’une des plus vieilles démocraties d’Amérique latine, mais qui n’a plus d’armée depuis 1949), la République dominicaine, les Îles Marshall, la Micronésie, la Mongolie, Panama et les îles Tonga se joignirent au duo Washington-Londres. Mais on y comptait aussi la Corée du Sud, le Japon, l’Ukraine, la Colombie, le Honduras ou la Turquie. L’Australie était également de la partie. Enfin, plusieurs pays européens, et non des moindres, avaient défié Berlin et Paris qui s’opposaient à la guerre. Le Danemark, l’Espagne, l’Italie et le Portugal étaient présents.

S’y ajoutaient quelques pays qui devaient rejoindre l’UE en 2004 ou en 2007 : l’Estonie, la Hongrie, la Lituanie, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie. Mais, si l’on excepte la Grande-Bretagne et l’Australie (qui avait engagé 2 000 soldats), l’ensemble des forces de la quarantaine d’États qui avaient suivi le mouvement ne représentait pas plus de 10 % du total des soldats engagés dans l’opération « Iraqi Freedom ».

Professionnalisme et résilience de l’armée irakienne, erreurs américaines

Même la France, qui désavouait la guerre, apporta sa pierre à l’édifice : la DGSE avait maintenu d’importantes capacités de recueil de renseignement dans la région et alimenta largement la CIA. Quelques mois plus tard, après la chute de Bagdad, l’agence américaine devait d’ailleurs, très secrètement mais très officiellement envoyer un courrier au Boulevard Mortier, siège de la DGSE, pour remercier la centrale française de l’excellence des renseignements militaires et stratégiques fournis et qui avaient aidé à « sauver des vies américaines » et à remporter la victoire.

La détermination des soldats ne pouvait rien face à la suprématie aérienne totale de la coalition

 

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