Couronnement de Charles III : une cérémonie coûteuse et sous haute surveillance

Ce samedi 6 mai, le Royaume-Uni se prépare à célébrer un évènement historique à savoir le couronnement du Roi Charles III d’Angleterre. L’Abbaye de Westminster est prête à accueillir une cérémonie solennelle l’installation officielle sur le trône britannique du prince âgé de 72 ans, neuf mois après le décès de sa mère, la Reine Elisabeth II. Londres est fin prête pour ce grand jour. La capitale s’est parée de l’Union Jack et d’autres embellissements, mais aussi avec une attention particulière portée à la sécurité : plus de 11.500 policiers seront déployés pour éviter tout débordement et parer à toutes les éventualités. Le serment du nouveau Roi sera inclusif et évoquera toutes les religions. Le coût de la cérémonie est estimé à environ 100 millions de livres sterling (soit plus de 70 fois le coût de la cérémonie de la reine Elisabeth II en 1953 qui avait coûté environ 1,5 million de livres sterling). Mais l’évènement devrait avoir des retombées pour l’économie britannique.

Une cérémonie millimétrée

Le rite du couronnement n’a pas changé depuis des siècles, et même si le Roi Charles III veut moderniser la cérémonie, la plupart des rites restent en place. La cérémonie, qui aura lieu dans l’Abbaye de Westminster, se déroulera en six étapes. Elle commencera à 10h20 (heure locale), avec une procession de Buckingham Palace en passant par Trafalgar Square pour arriver à l’Abbaye.

La procession se fera dans un carrosse, réalisé en 2012, pour la Reine Elisabeth lors de son Jubilé de Diamant, plus moderne et confortable que le traditionnel carrosse doré. Le Roi aurait aussi préféré une tenue militaire pour son arrivée à l’abbaye, plutôt qu’une traditionnelle tenue d’apparat. Il portera tout de même un manteau d’hermine.

Charles III devrait arriver un peu avant 11 heures. La cérémonie du couronnement débutera par l’étape de la « reconnaissance », où le monarque sera présenté au peuple et reconnu officiellement comme le nouveau « roi incontesté ». Cette tradition est l’une des plus anciennes de la cérémonie et remonte aux monarchies anglo-saxonnes.

Un serment inclusif évoquant toutes les réligions

La deuxième étape de la cérémonie sera « le serment » que le roi Charles fera auprès de l’archevêque de Canterbury. Dans un souci d’inclusion et de modernisation, le serment n’évoquera pas seulement l’Église Anglicane, mais il aussi toutes les autres religions. L’archevêque dira donc que l’église anglicane « cherchera à favoriser un environnement dans lequel les personnes de toutes les confessions peuvent vivre librement ». Cependant, le Roi devra toujours faire le serment d’être un « anglican fidèle ». Traditionnellement, après cette étape, plusieurs pairs de l’église anglicane prêtent allégeance au nouveau monarque. Dans un souci de modernité une nouvelle fois, la famille royale a incité le public britannique de faire de même, mais de manière individuelle.

Suivra ensuite l’étape de « l’onction » au cours de laquelle l’archevêque fera un signe de croix avec de l’huile bénite sur le front, la poitrine et les mains du Roi, scellant ainsi son rôle de leader spirituel du pays.

La quatrième étape, probablement la plus attendue, sera celle de « l’investiture » où le Roi Charles III se verra poser sur la tête la couronne royale de St Edward, fabriquée en 1661. Cette dernière, utilisée uniquement pour l’occasion, est en or massif et ornée entre autres de saphirs et de rubis, elle pèse 2 kg et a été portée par six monarques. Elle est normalement entreposée et visible à la tour de Londres.

Puis ensuite intervient la cinquième et ultime étape de la cérémonie : « l’intronisation » de Charles III qui sera porté sur le trône par l’archevêque de Canterbury.

Le Roi et la Reine consort feront alors la procession dans le sens inverse pour retourner à Buckingham Palace, où ils feront le traditionnel salut à la foule depuis le balcon du palais, avec les autres membres de la famille royale.

Un statut spécial pour Camilla

Camilla, épouse du Roi depuis 2005 et figure sulfureuse de la famille royale, fera intégralement partie de la cérémonie. Divorcée et remariée au roi Charles, selon la religion anglicane, elle n’aurait pas eu le droit d’être reine consort. Cependant, avant sa mort, la Reine Elisabeth II avait promulgué un décret royal, la nommant ainsi Reine consort après sa mort.

Elle sera donc couronnée auprès de son mari, dans une cérémonie similaire, mais moins longue. La cérémonie inclura aussi certains de ses petits-enfants qui seront pages aux côtés du Prince George, fils du Prince et de la Princesse de Galles, William et Kate.

Plus de 2.000 dignitaires du monde invités

Après plusieurs querelles très médiatiques, la venue du Prince Harry a été confirmée, cependant, il viendra sans sa femme Megan Markle et ses enfants.

Plus de 2.000 dignitaires du monde entier sont attendus à l’évènement. Lors du couronnement de la reine Elisabeth en 1953, ils étaient plus de 8.000 dignitaires et aristocrates à être conviés. Bien sûr, l’actuel Premier ministre Rishi Sunak et les anciennes premières ministres anglaises comme Liz Truss et Tony Blair sont attendus ainsi que le Premier ministre écossais Hamza Yousaf.

Les dirigeants européens ont aussi confirmé leur venue. Le Président français Emmanuel Macron, qui avait dû reporter la visite d’état du roi Charles en mars dernier à Paris pour cause de manifestations dans l’Hexagone, a affirmé vouloir montrer son amitié, son respect et son estime pour le Royaume-Uni. Le président américain n’assistera pas au couronnement de Charles III, c’est sa femme, Jill Biden, qui le représentera.

Plusieurs familles royales ont aussi été conviées. Le roi Philippe, cousin distant de la reine Elisabeth et la Reine Mathilde ont confirmé leur venue dans un communiqué (https://www.monarchie.be/fr/agenda/la-ceremonie-de-couronnement-de-leurs-majestes-le-roi-charles-iii-et-la-reine-camilla).

Les familles royales d’Espagne, de Monaco, du Japon, du Danemark, de Suède, de Norvège, du Luxembourg, des Pays Bas et de Grèce assisteront aussi au couronnement.

Enfin, plus de 850 membres de la société civile ont été conviés, notamment en guise d’une reconnaissance de leur implication dans diverses associations caritatives.

Une monarchie qui ne fait pas l’unanimité

Le couronnement ne fait cependant pas l’unanimité. Avec un coût de plus de 100 millions de livres sterling (soit plus de 70 fois le coût de la cérémonie de la reine Elisabeth II en 1953 qui avait coûté environ 1,5 million de livres sterling), dans une économie plombée par l’inflation, beaucoup de Britanniques dénoncent le fait que la cérémonie ne soit pas payée par la famille royale.

Il y a aussi un fort conflit générationnel. Selon un sondage de YouGov, 75% des 18-24 ans disent ne pas s’en soucier du tout ou ne pas s’en soucier beaucoup. Ainsi, sur les réseaux sociaux, le #Notmyking (Pas mon Roi) reste en top Tweet et des militants Républicains ont notamment prévu des manifestations lors du couronnement.

La cérémonie se déroulera donc sous haute tension après qu’un homme de 60 ans a été arrêté mercredi 3 mai à Buckingham Palace après avoir jeté des cartouches de munitions sur les gardes du palais. Il était aussi en possession d’une arme blanche.

La police londonienne craint aussi des manifestations de militants écologistes qui pourraient bloquer certains accès. Une nouvelle loi controversée sur l’ordre public a d’ailleurs été promulguée avant le couronnement. Selon le ministre de l’Intérieur, l’objectif est d’accorder plus de pouvoir aux forces de l’ordre pour « cibler les tactiques de guérilla de certains groupes environnementaux ». Plus de 11.500 policiers seront déployés pour éviter tout débordement et parer à toutes les éventualités.

Des fêtes dans tout le pays

Le couronnement sera également un évènement festif, avec des milliers de Britanniques qui assisteront à la procession dans les rues de Londres. Des feux d’artifice seront tirés pour célébrer le couronnement de Charles III. De nombreuses fêtes de rue auront lieu dans tout le pays. Le lundi 8 mai sera aussi un jour férié pour que les Britanniques puissent profiter pleinement des festivités.

L’évènement devrait aussi profiter à l’économie britannique. Visit Britain, l’agence de tourisme national, a estimé que les revenus générés par le couronnement pourraient s’élever à plus d’1,2 milliard de livres sterling. Lors du Jubilé de Platine de la reine Elisabeth en juin dernier, plus d’1,3 million de touristes avaient été attirés. Il est donc probable que le couronnement augmente significativement le nombre de touristes, qui était en baisse ces dernières années.

Léna Job (à Londres)