LE FLEAU DES ARMES A FEU EN BELGIQUE

La Belgique confrontée à de nouveaux types d’armes à feu

Un visiteur observe des mitraillettes Kalachnikov lors du Forum militaro-technique international Armée en 2022 AFP

Depuis les attentats de 2016, les autorités belges ne sont pas parvenues à juguler le trafic d’armes à feu en Belgique. Aujourd’hui de nouvelles armes amplifient le phénomène, notamment celles fournies à l’Ukraine. Quel est l’état du commerce d’armes en Belgique ? Notre pays reste-t-il la plaque tournante du trafic en Europe ? Combien d’armes illégales circulent en Belgique ? Les réponses ne font pas l’unanimité. Les moyens dégagés pour contrer le problème s’avèrent limités et le recours aux imprimantes 3D vient compliquer la situation. Nous faisons le point sur un phénomène aux dimensions méconnues.

 La séquence du procès des attentats de Bruxelles et de Zaventem consacrée aux armes vient de se terminer et de nombreuses questions restent sans réponse. À la barre, plusieurs témoins ont affirmé qu’en 2015, il suffisait de se rendre dans certains bars d’Anderlecht pour se procurer une Kalachnikov et que la somme demandée oscillait entre 1.000 et 1.500 euros[1]. Qu’en est-il aujourd’hui ? La Belgique est-elle toujours la plaque tournante du trafic d’armes en Europe ?

Commerce et production d’armes à feu en baisse

Pour le député bruxellois Gaëtan Van Goidsenhoven (MR), le trafic d’armes en Belgique est clairement lié au trafic de drogue : « Lors des perquisitions, c’est surtout de la drogue qu’on trouve ; la présence d’armes est plus rare et doit être considérée comme la conséquence du trafic de stupéfiants ». L’avocat de référence sur ces questions, Me Yves Demanet, va même plus loin. « L’idée que des armes à feu seraient à portée de main est un mythe savamment entretenu pour susciter un climat de peur dans notre pays ». Il est vrai que les faits avérés de commerce et de production d’armes à feu sont en baisse en Belgique, passant de 236 en 2016 à 87 en 2022[2]. Mais ce n’est que la partie émergée d’un iceberg aux dimensions mal connues. On entend fréquemment le chiffre de 300.000 armes à feu circulant illégalement en Belgique. En réalité, les quelques spécialistes belges de la question dressent des constats forts différents à ce sujet. C’est d’ailleurs l’absence d’estimation précise qui explique en partie l’incapacité des gouvernements successifs à comprendre et à juguler le trafic.

Pour Yannick Quéau, directeur adjoint du GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité), « Oui, en 2015 il était possible de se procurer une Kalachnikov à bas prix en Belgique et non, la situation n’a pas changé depuis ». La taille de la Belgique et les différentes frontières qui l’entourent en font un hub privilégié pour faire circuler toutes sortes de marchandises, y compris des armes importées illégalement en Europe par la route ou par la mer. Il serait faux de dire que chez nous et chez nos voisins européens, le problème est traité avec légèreté. Pourtant, les moyens déployés en Belgique pour endiguer le phénomène restent relativement limités.

Des armes intraçables grâce aux imprimantes 3D

Les armes qui se revendent sous le manteau en Europe proviennent pour la plupart de l’ex-Yougoslavie. Leur durée de fonctionnement étant d’une quarantaine d’année, les Kalachnikovs qu’on trouve en Belgique aujourd’hui sont assez anciennes et s’enrayent facilement. On trouve aussi des pistolets de type Makarov ou Tokarev. À cela s’ajoute la circulation nouvelle et de plus en plus importantes d’armes à feu produites à domicile avec des imprimantes 3D, sans aucune traçabilité possible. Les armes livrées à l’Ukraine par les occidentaux représentent également un motif de préoccupation qui met tous les experts d’accord. Certaines circulent déjà chez nous, rapatriées illégalement par des filières russes ou ukrainiennes.

Les livraisons d’armes sont extrêmement difficiles à monitorer une fois passée la frontière ukrainienne. Le Parlement ukrainien s’est doté récemment d’un comité spécial pour superviser la réception des armes tout en promettant de faire le suivi nécessaire. Sans remettre en question l’élan de solidarité envers le peuple ukrainien, est-on certain que le suivi des armes envoyées en grand nombre en Ukraine est fiable ? Ces armes puisées dans les stocks nationaux des pays qui soutiennent l’Ukraine sont-elles assez bien cataloguées et facilement traçables pour éviter qu’elles ne viennent grossir bientôt les stocks des trafiquants européens ? La question mérite d’être posée dès maintenant.

Julien B.

[1] D’après Luc Hennart, porte-parole du procès des attentats de Bruxelles et de Zaventem, passée cette séquence les débats ne devraient plus porter sur ces questions considérées comme secondaires puisque – contrairement aux attentats de Paris – aucun coup de feu n’a été tiré par les terroristes le 22 mars 2016.

[2] https://www.police.be/statistiques/fr/statistiques-de-criminalite