UN NOUVEAU LIVRE D'UN AUTEUR POLEMIQUE

Michel Houellebecq raconte quelques mois dans sa vie : entre mea culpa (sincère ?) et vraie provocation

Dans son nouveau livre de l'écrivain polémique Michel Houellebecq ne cache pas sa farouche opposition à la Gestation pour autrui, à l'euthanasie et sa détestation de la justice laxiste avec les petits délinquants et intraitable avec ses amis dont Sarkozy et Depardieu. AFP

Une couverture toute noire. Avec, en lettres blanches, le nom de l’auteur et le titre. Ce n’est pas très épais, un peu plus de 100 pages pour un texte achevé à Paris le 16 avril 2023 et qui, avant même sa parution, a alimenté la chronique médiatico-parisienne. C’est « Quelques mois dans ma vie », le nouveau livre de Michel Houellebecq, 67 ans (ou 69, selon les versions) et écrivain français le plus lu dans le monde. « Pour la première fois dans ma vie je me sentis traité, absolument, comme l’objet d’un documentaire animalier : il m’est difficile d’oublier ce moment », lit-on en quatrième de couverture d’un livre écrit dans l’urgence, sur les conseils de son ami Bernard-Henri Lévy, pour évoquer un semestre de sa vie. Un semestre durant lequel l’auteur des « Particules élémentaires » ou encore de « La Carte et le territoire » (prix Goncourt 2010) a fait l’actualité à deux reprises : la première pour des propos sur l’islam et les musulmans lors d’un entretien avec le philosophe Michel Onfray dans la revue « Front Populaire », la seconde pour une participation « à l’insu de son plein gré » à un film pornographique réalisé par un collectif néerlandais.

Résumé, avec « Quelques mois dans ma vie » (titre d’une grande platitude), on a là un livre tout centré sur un thème unique : Michel Houellebecq contre le reste du monde. Le « grand auteur » flottant entre Calimero et Zola. L’éternelle victime (« Tout le monde m’en veut ») et le dénonciateur des fautes originelles (« J’accuse »), celui qui murmure : « La vie m’ennuie mais je ne m’ennuie pas dans la vie ». Le tout agrémenté à la sauce Houellebecq, celle de la provocation, du fiel, de l’attaque. Ainsi, dès les premières pages de cette nouvelle livraison, il s’en prend avec violence à deux journalistes, le premier « est beaucoup de choses déplaisantes, mais il n’est pas bête, du moins pas absolument », pour d’autres comme le second, « on hésite, il faut voir au cas par cas ».

Des excuses voilées pour offensé les Musulmans

Ainsi, dans la première partie titrée sobrement « 2022 », il revient sur le fameux entretien avec Onfray dans lequel il sous-entendait que les musulmans sont tous des voleurs et/ou des agresseurs. Il confesse qu’il aurait pu et dû relire plus attentivement ses propos avant parution, qu’il comprend l’émoi qu’ils ont pu susciter : « il est normal que le recteur de la Grande Mosquée de Paris » les ait mal reçus. A mi-mots, l’auteur d’« anéantir » (son dernier roman en date, paru en janvier dernier) fait son mea culpa et adresse ses excuses « à tous les musulmans que ce texte a pu offenser, c’est-à-dire, j’en ai bien peur, à peu près tous les musulmans ».

Et, un peu plus loin, d’écrire : « J’étais enfin parvenu à une manière à peu près exacte de m’exprimer, qui ne constituait nullement une agression de la communauté musulmane, agression qui n’avait jamais été mon but. Le fait est que j’aurais pu y penser plus tôt. Je pense lentement, on n’aura que trop l’occasion de s’en rendre compte dans la suite de ce récit ». Un proche de Michel Houellebecq voit, dans ces mots du romancier, « un état d’esprit nouveau avec une modération et un jugement médian sur l’islam  »…

Acteur non désiré d’un film porno

Dans « 2023 », la seconde partie de « Quelques mois dans ma vie », Houellebecq évoque l’épisode de « Kirac 27 », un film pornographique réalisé par le Néerlandais Stefan Ruitenbeek, chef de file d’un collectif artistique. En novembre 2022, après des négociations entre sa femme Lysis et le réalisateur, l’écrivain se retrouve dans un lit avec une jeune fille. Il avoue, dans son livre, son étonnement d’être le personnage principal d’une sextape. Explique avoir pensé qu’il s’agissait d’un film érotique, et non pas pornographique.

A fait procès au réalisateur, mais la justice néerlandaise a rejeté sa demande. En quelque sorte, c’est Houellebecq dans un porno « à l’insu de son plein gré » ! Un Houellebecq qui ne manque pas, dans un rare moment de grâce littéraire, de tirer à vue sur le Cafard, la Vipère et la Truie, à savoir le réalisateur, sa compagne et la jeune fille dans le lit. En y ajoutant des détails très « houllebecquiens », aussi naïfs que glauques, et en voyant dans son sort des similitudes avec un viol. Il s’attend aux « hurlements » des féministes, et en jubile par avance…

Au fil des pages de ce livre courant d’octobre 2022 à mars 2023, écrit en dix-sept jours (du 31 mars au 16 avril 2023), on relève aussi quelques constantes de la pensée du romancier surnommé « Michel ouin-ouin » par quelques détracteurs : sa farouche opposition à la GPA (gestation pour autrui) et l’euthanasie, sa détestation de la justice française qui se montre laxiste avec les petits délinquants et intraitable avec les puissants dont ses amis Gérard Depardieu et Nicolas Sarkozy, ou encore l’ancien Premier ministre François Fillon… « Quelques mois dans ma vie », le grand livre du « moi contre le reste du monde »…

Serge Bressan (à Paris) 

>A lire : « Quelques mois dans ma vie » de Michel Houellebecq. Flammarion, 114 pages, 12,80 euros. En libraire, ce 24 mai 2023.