INTERNATIONAL

Qui sont les « Volontaires russes » combattant aux côtés des Ukrainiens ?

Les Forces de défense territoriale ukrainiennes, la réserve militaire des Forces armées ukrainiennes, AFP

UKRAINE. Le 22 mai dernier, plusieurs dizaines de combattants appuyés par des véhicules blindés franchissaient la frontière entre l’Ukraine et la Russie dans la région de Belgorod. Après un moment de flottement et des déclarations contradictoires, les autorités russes faisaient état de l’incursion de « terroristes » sur leur territoire mais affirmaient les avoir rapidement écrasés. En fait, les combats devaient durer plus de 24 heures. On apprenait par la suite que l’opération était le fait de « volontaires russes » combattant aux côtés des Ukrainiens. L’occasion de se pencher sur cette mouvance (très) minoritaire ou l’on trouve de tout, depuis de véritables démocrates jusqu’à des néo-nazis décomplexés.   

L’affaire avait surpris tous les analystes militaires et même les services de renseignement de l’OTAN : alors que la Russie est sensée, depuis un an, avoir largement « sécurisé » sa frontière avec l’Ukraine (ce qui, en soi, est déjà une preuve, s’il en fallait une, que les choses se passent beaucoup moins bien pour l’armée russe en Ukraine qu’on ne le dit quotidiennement à Moscou…), une unité forte d’une centaine de combattants lourdement armés entrait en Russie et, appuyée par une dizaine de blindés, affrontait des heures durant les troupes russes.

Moscou tentait évidemment de minimiser l’importance de ces combats, tentant de les faire passer pour de simples escarmouches, mais l’Agence Tass elle-même reconnaissait, dans une dépêche, que les communications avaient été coupées dans la région pour permettre d’y conduire « l’opération spéciale » sensée se dérouler en Ukraine, de l’autre côté de la frontière. Plus tard, par différents témoignages, on apprenait que les forces russes avaient dû engager plusieurs hélicoptères de combat et que les affrontements, entamés le lundi matin, étaient toujours en cours mardi en fin de matinée.

Il est évident pour tout un chacun que l’action pu être menée sans que Kiev en soit informé ni même sans un appui de l’armée et des services spéciaux ukrainiens

Ces réalités sont d’autant plus gênantes pour Moscou que l’affaire de Belgorod avait eu un précédent : le 2 mars dernier déjà, un groupe de combat avait franchi la frontière et attaqué le village de Lyubechane, dans la région de Bryansk, avant de se replier quelques heures plus tard. L’attaque du 22 mai, même limitée, était, elle, d’une toute autre ampleur.

Un simple incident « russo-russe » ?

Si l’on avait pu s’interroger quelques heures sur la nature de l’opération, deux organisations « dissidentes » russes, - le « Corps des Volontaires Russes » (Rousski dobrovol'cheski korpous ou RDK) et « Liberté de la Russie » (Legion "Svoboda Rossii, ou LSR) en assumaient rapidement la paternité via leurs réseaux de propagande. Et si, du côté ukrainien, on affirmait haut et fort « n’avoir rien à voir » avec les évènements qui n’étaient que le résultat d’une « crise intérieure à la Russie », il est évident pour tout un chacun que l’action pu être menée sans que Kiev en soit informé ni même sans un appui de l’armée et des services spéciaux ukrainiens : comment, sinon, rassembler des combattants, se procurer des blindés et des armes et se déplacer vers une frontière dans un pays en guerre ?

Même s’il semble avéré qu’aucun soldat ukrainien n’a pris part à cette aventure spectaculaire, il est donc néanmoins un peu court de prétendre qu’il ne s’agirait que d’une querelle entre Russes.

Du point de vue militaire, cette opération est pleine d’enseignements. Le premier d’entre eux étant que, quinze mois après le déclenchement de la guerre, Moscou est incapable de protéger sa propre frontière ni de régler rapidement une situation certes grave mais somme toute extrêmement localisée et n’impliquant qu’un nombre limité de combattants. Et ce, qui plus est, dans une région frontalière, où sont massivement concentrées les forces de sécurité russes. Ceci en dit long sur la désorganisation et le manque de coordination de la Défense russe comme sur la faiblesse de ses chaînes de communication et de commandement. Et on n’évoquera que pour mémoire l’incapacité des services de renseignement russes à détecter cette incursion avant qu’elle ne se concrétise.

Trois groupes distincts et un réseau clandestin

Si seules deux organisations ont participé à l’attaque du 22 mai, on compte en fait trois groupes distincts de volontaires russes combattant dans les rangs ukrainiens. Le premier, la « Légion Liberté de la Russie » a été formée dès le début de la guerre, autour d’une compagnie de l’armée d’invasion (soit une centaine d’hommes et d’officiers) qui ont déserté le 27 février pour se joindre aux Ukrainiens. Elle aurait, depuis, été renforcée par d’autres déserteurs, ainsi que par des Russes vivant en Ukraine ou venus de l’étranger et compterait aujourd’hui deux bataillons, soit quelques centaines d’hommes. Son but avoué est de « sauver la Russie de la destruction et de l’humiliation ».

Pratiquement, la LSR, avant le 22 mai, avait surtout, d’après nos sources, mené des actions de sabotages d’installations militaires et de voies de chemin de fer en territoire russe, y compris, probablement, en Crimée. D’une part, il évidemment plus aisé à des Russes qu’à des Ukrainiens de se mouvoir et d’agir en Russie, d’autre part la nationalité de ces opérateurs offre à Kiev la possibilité de nier toute implication dans ces incidents. Même si la LSR agit bien évidemment sous l’étroit contrôle du SBU (Sluzhba bezpeky Ukrainy : les services secrets ukrainiens).

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