L'ARGENT ET LE FOOTBALL

Football : l’Arabie saoudite attire quatre Ballons d’or dans ses filets

L'attaquant français du Real Madrid Karim Benzema donne un coup de pied au ballon lors du match de football aller de la demi-finale de l'UEFA Champions League entre le Real Madrid CF et Manchester City au stade Santiago Bernabeu de Madrid le 9 mai 2023. AFP

Après le Portugais Cristiano Ronaldo depuis le 30 décembre 2022, le Français Karim Benzema… en attendant l’Argentin Lionel Messi et aussi le Croate Luka Modric. Tout simplement, ce sont les quatre Ballons d’or (récompensant chaque année le meilleur joueur du monde) qui porteront la saison prochaine le maillot d’un club de la Saudi Pro League ! Quatre recrues XXL pour un championnat moyen sur l’échelle du football mondial, même si Cristiano Ronaldo, surnommé « CR7 », n’a pas craint d’affirmer qu’avec ses seize clubs, la Saudi Pro League « a le potentiel pour devenir le cinquième meilleur championnat du monde ». Dans l’immédiat, le championnat d’Arabie saoudite (près de 36 millions d’habitants, 13ème pays du monde par sa superficie : 2,149 millions de kilomètres carrés) a surtout l’argent du pétrole, le pays est le deuxième mondial tant pour la production que les réserves de « l’or noir », mais n’ignore pas qu’un jour, c’en sera fini des pétrodollars… Le pays a choisi le « soft power » par le foot pour adoucir son image et mettre un voile sur les critiques. En signant à Al Nassr pour deux ans, Cristiano Ronaldo, 38 ans et 5 Ballons d’or, va toucher 400 millions d’euros (ce qui en fait, selon le magazine « Forbes », le sportif le mieux payé au monde).

Donc, il faut déjà travailler pour l’avenir. Ainsi, le régime monarchique dirigé d’une main de fer (c’est peu dire…) par Mohamed ben Salmane, alias MBS, s’est lancé dans des projets pharaoniques en plein désert, dans la construction de salles de concert gigantesques (pas seulement dans la capitale Ryad) et a développé des sites touristiques aux allures de super-Disneyland. Travailler pour l’avenir mais aussi pour (tenter de) gommer un bilan catastrophique tant sur le sujet du respect des droits humains que dans la pratique d’une politique intérieure autoritaire qui est en guerre avec le Yémen voisin et « soutient » des terroristes.

Le « soft power » par le foot et l’argent

D’autres pays auparavant (récemment la Chine ou la Russie) ont eu recours au « soft power », donner au monde une image « douce », et quel meilleur moyen d’y parvenir que le sport ? L’Arabie saoudite a donc choisi le « soft power » par le football. En y mettant des chèques énormissimes. Ainsi, en signant à Al Nassr pour deux ans, Cristiano Ronaldo, 38 ans et 5 Ballons d’or, va toucher 400 millions d’euros (ce qui en fait, selon le magazine « Forbes », le sportif le mieux payé au monde). Karim Benzema, 35 ans et Ballon d’or 2022, qui devrait rejoindre Al Ittihad pour deux saisons percevra 200 millions d’euros. Quant à Lionel Messi, 35 ans, 7 Ballons d’or et déjà ambassadeur pour le tourisme au royaume saoudien, il gagnerait encore plus que « CR7 ». Evidemment, à l’issue de leur contrat et s’ils rangent les crampons, les trois deviendront ambassadeurs de l’Arabie Saoudite…

L'attaquant portugais de Nassr Cristiano Ronaldo arrive avant le match de football de la Saudi Pro League entre Al-Nassr et Al-Ettifaq au stade Prince Mohammed Bin Fahd de Dammam le 27 mai 2023. AFP

en signant à Al Nassr pour deux ans, Cristiano Ronaldo, 38 ans et 5 Ballons d’or, va toucher 400 millions d’euros (ce qui en fait, selon le magazine « Forbes », le sportif le mieux payé au monde). (Photo by AFP)

Avec une mission déjà bien précise. En effet, l’an passé, le régime de Ryad a posé officiellement sa candidature pour l’organisation du Mondial de football masculin de 2030. Ces dernières années, l’Arabie saoudite a bien organisé ou organise de grandes compétions sportives, tels que le Grand Prix de Formule (depuis 2021), le rallye Paris- Dakar (2020-2025), les Jeux asiatiques d’hiver (2029, en plein désert saoudien, dans la zone montagneuse de Trojena !) ou encore les Supercoupes d’Italie et d’Espagne (jusqu’en 2029) mais jamais, et contrairement à son grand rival voisin, le Qatar en 2022, le pays n’a accueilli la Coupe du monde de football, deuxième événement mondial en nombre de téléspectateurs.

Certes, à Ryad et dans tout le reste du pays, le football est un sport national, mais l’équipe nationale ne figure qu’à la 54ème place au récent classement mondial de la FIFA (Fédération internationale de football), en dépit de sa victoire (2-1) contre l’Argentine en phase de groupe du Mondial 2022.

L’organisation du Mondial 2030 dans le viseur

En « révolutionnant » le football, l’Arabie saoudite est convaincue d’obtenir l’organisation du Mondial 2030 (voir, celui de 2034) lors du 74ème Congrès de la FIFA en 2024. Le lobbying, tant sportif qu’économique, est lancé… A Ryad, on laisse entendre également qu’on ne souhaite pas faire de ce Mondial 2030 un moyen de prendre le dessus sur les Emirats arabes unis, le Qatar ou encore l’ennemi de toujours, l’Iran.

Les responsables saoudiens veulent être un acteur fort dans le monde du football. Et de rappeler qu’ils ont acquis en 2021 le club de Newscastle, 3ème de la Premier League cette saison, ils s’intéressent aussi de très près à l’éventuelle vente de l’Olympique de Marseille. Et de glisser qu’ils ont ciblé également « au moins » dix autres stars du ballon rond, parmi lesquels les Français Hugo Lloris et N’Golo Kante, les Espagnols Sergio Ramos, Jordi Alba et Sergio Busquets, l’Argentin Angel Di Maria ou encore le Brésilien Roberto Firmino…

« En plus de recevoir des offres assez lucratives, ils joueraient dans un Championnat très compétitif. L’objectif est de conclure la plupart des accords avant le début de la prochaine saison, le 11 août prochain », confie une source proche des négociations. Qui pour dire qu’avec toutes ces stars, la Saudi Pro League a l’allure d’une maison de (pré)retraite ? De grand luxe, certes, mais quand même de (pré)retraite…

Serge Bressan (à Paris)