OPERATION GREEN WASHING POUR LE PRESIDENT DE LA COP28

Sultan Al Jaber, le Président de la Cop28, à voile et à pétrole, mais pour combien de temps ?

Le Sultan Ahmed Al Jaber, directeur général de la compagnie pétrolière nationale d'Abou Dhabi (ADNOC) des Émirats arabes unis et président de la COP28 sur le climat de cette année, assiste à la conférence « UAE Climate Tech » au centre énergétique d'Abu Dhabi, le 10 mai 2023. AFP

Ça chauffe en ce moment pour le patron de la Cop 28, Sultan Ahmed Al Jaber (49 ans), le riche magnat du pétrole émirati devenu chantre de la lutte contre le réchauffement climatique le temps de la prochaine Conférence internationale sur les changements climatiques (COP28). Et si ça chauffe pour lui en ce moment, ce n’est pas pour une question de réchauffement climatique : depuis la désignation des Émirats Arabes Unis pour accueillir le prochain barnum planétaire visant à lutter contre le changement climatique du 30 novembre au 12 décembre 2023, Abu Dhabi est accusé de « green washing » à tous vents depuis des semaines.

Depuis plusieurs jours, des dizaines de parlementaires européens et américains demandent la démission de l’homme de confiance de Mohamed Ben Zayed, le Président émirati[1]. Prévue à l’agenda à Dubaï du 30 novembre prochain au 12 décembre, la Cop 28 ne devrait certes pas révolutionner les choses, tant la lutte contre le réchauffement semble s’enliser depuis des années. Mais le fait d’avoir nommé un homme qui a fait sa fortune dans l’énergie fossile ne passe décidément pas. C’est pourquoi les Emirats, à l’accoutumée, ont commencé à contrer les critiques.

Une opération de révision du profil du sultan Jaber

D’ailleurs, il suffit d’aller, via Google, sur la page Wikipedia d’Al Jaber pour voir que sa carte de visite met en avant désormais en avant la structure qu’il a fondée en 2006, Masdar, une compagnie dédiée au développement des énergies renouvelables, et seulement une fois la page de l’encyclopédie magique en ligne ouverte, il est renseigné qu’il est aussi ministre de l’Industrie et surtout PDG du groupe Abu Dhabi National Oil Company. Wikipedia n’est pas un cas isolé de réarrangement avec la réalité venant d’Abu Dhabi, car c’est toute une stratégie qui s’est mise en place sur Internet depuis des semaines pour adoucir l’image d’Al Jaber et verdir sa réputation, accusé de ne pas laver assez blanc depuis le début.

Via le développement de faux comptes sur les réseaux, toute une opération de lavage plus vert que vert est en train de se mettre en place et qu’a révélé Marc Owen Jones, professeur associé à l’Université de Doha[2] : une centaine de faux comptes twitter au moins, tenus par des filles plus blondes que vertes, avec peu de publications et encore moins de followers, semblent promouvoir l’environnement à la mode émiratie. Emma, Brianna, Caitlin aiment les Emirats mais sont un mirage de plus dans la région.

Beaucoup crient au scandale tant l’opération semble perdue d’avance. Comment Al Jaber peut-il gérer cette double casquette, qui lui attire tant de critiques de la part des militants de l’environnement ?  Chantre pendant des années de l’industrie pétrolière dans son pays, Sultan Al-Jaber se retrouve à la tête d’un événement censé lutter avant tout contre le réchauffement climatique, les effets de serre mais également préparer ce que l’on appelle l’ère de l’après-pétrole. Toute la question est de savoir si c’est une bonne chose ou non d’impliquer quelqu’un qui ressemble plus à un agent pollueur. On peut en douter non ? Mais on peut se poser la question en effet.

Soyons clairs : Mohammed ben Zayed n’a pas une conscience climatique plus importante que d’autres dirigeants des pays du Golfe, il est pragmatique.
Certes, ce n’est pas totalement infondé d’impliquer, à condition que cela mène à quelque chose, un personnage central de l’industrie pétrolière pour aussi préparer l’après-pétrole avec ces entreprises-là. Mais il a des intérêts très clair, au-delà de la Cop 28 comme souvent et c’est un de ses outils de « soft power » : après l’Exposition Universelle Dubaï 2020, il veut à la fois attirer le monde entier à lui, pour qu’il ait l’ensemble des yeux de la planète vissés sur son pays pendant quelques semaines. Et offrir de nouveau du pain et des jeux, du spectacle et des évènements à retentissement international comme le Qatar l’a fait avec la Coupe du Monde. C’est la course à l’échalotte entre les deux pays. D’autant que maintenant l’Arabie Saoudite est entrée dans le bal avec le Dakar, mais aussi tous ces projets futuristes destinés à séduire le tourisme occidental et l’opinion mondiale. Afin de définitivement prouver aussi que les pays du Golfe peuvent être sensibles à d’autres causes que la leur.

S.B.

[1] https://lemonde-arabe.fr/24/05/2023/emirats-des-dizaines-de-parlementaires-americains-et-europeens-demandent-la-demission-du-president-de-la-cop28/

[2] https://twitter.com/marcowenjones/status/1664579795185725440?s=46&t=sNoWwA-XvgB0RE_y7CgBlg