Opinion

Manouchian au Panthéon : justice pour ce héros de la résistance !


Justice est enfin rendue pour Missak et Mélinée Manouchian, immigrés arméniens, rescapés du génocide perpétré à l’encontre de leur peuple par l’Empire Ottoman en 1915, avant de devenir ensuite deux des figures les plus emblématiques, durant la Seconde Guerre mondiale, de la Résistance au nazisme : c’est très probablement le 21 février 2024, jour du quatre-vingtième anniversaire de la mort de Missak Manouchian, fusillé par les Allemands le 21 février 1944, à l’âge de 37 ans seulement, au fort du Mont-Valérien, que ce couple aussi admirable qu’indissociable fera en effet sa glorieuse et méritoire entrée, sur décision du Président de la République Française, Emmanuel Macron, au Panthéon, laïque sanctuaire tout entier consacré par « la Patrie Reconnaissante », comme l’indique majestueusement son fronton, « Aux Grands Hommes » !

Une légitime et noble décision

De fait, confirme officiellement, à ce sujet, l’Elysée dans un communiqué publié ce dimanche 18 juin 2023, date symbolique s’il en est, particulièrement bien choisie en la circonstance, puisqu’elle commémore le désormais historique « Appel du 18 Juin » lancé, sur les ondes de Radio Londres, par le général de Gaulle afin de combattre l’occupation allemande lors de l’infâme régime collaborationniste de Vichy.

 Il incarne les valeurs universelles

Les mots de ce communiqué élyséen, destinés à justifier, toutes tendances politiques confondues et en dehors de tout clivage idéologique, cette légitime et noble décision, sont eux-mêmes, de ce point de vue-là, exemplaires de précision tout autant que de justesse. Il y est spécifié : « Missak Manouchian porte une part de notre grandeur » dans la mesure où il « incarne les valeurs universelles » de liberté, égalité, fraternité au nom desquelles, stipule encore la présidence, il a « défendu la République. »

Roger Viollet / Fonds Manouchian

Et d’ajouter, non moins opportunément, qu’en saluant ainsi « la bravoure » tout autant que « l’héroïsme tranquille » de cette éminente figure de la Résistance, c’est aussi, à travers elle, un hommage appuyé à tous ses compagnons d’armes, étrangers pour la plupart (Italiens, Espagnols, Juifs d’Europe de l’Est), que la République rend également hommage. De fait, conclut tout aussi judicieusement l’Elysée dans ce communiqué qui, à n’en pas douter, fera assurément date par-delà même certaines et possibles polémiques de mauvais aloi au vu de l’appartenance des Manouchian au Parti Communiste de ce temps-là : « Le sang versé pour la France a la même couleur pour tous » !

L’Affiche rouge: de Louis Aragon à Léon Ferré

Ainsi, à lire ou à entendre ces derniers mots, qu’il nous soit donc encore permis ici, en guise d’infinie gratitude envers Missak et Mélinée Manouchian, mais aussi à l’égard de leur non moins courageux groupe de combattants, de rappeler ces paroles, frappées au coin de la meilleure et plus haute littérature française.

Elles sont extraites du superbe poème que Louis Aragon leur a naguère consacré, de main de spirituel maître afin de mieux les magnifier encore, dans son immortelle et poignante « Affiche Rouge », publiée en 1956 dans un recueil intitulé « Le roman inachevé » et jadis chantée également, de manière particulièrement émouvante elle aussi, par le grand Léo Ferré (https://www.youtube.com/watch?v=1nqyPVPDtcY) :

« Vous n’avez réclamé ni la gloire ni les larmes,
ni l’orgue ni la prière aux agonisants.

 Onze ans déjà que cela passe vite, onze ans.
 Vous vous étiez servis simplement de vos armes.
 La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans.

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes;
   Noirs de barbe et de nuit hirsutes, menaçants.
   L’affiche qui semblait une tache de sang.
   Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
   Y cherchait un effet de peur sur les passants.

   Nul ne semblait vous voir Français de préférence; 
   Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant;
   Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants;
   Avaient écrit sous vos photos;
   Morts pour la France.     (…)

   Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent;
   Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps.
   Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
   Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
   Vingt et trois qui criaient La France en s’abattant. »

Du sacrifice de leur personne à l’éternité du souvenir

Oui : Missak et Mélinée Manouchian, Arméniens de passeport mais Français de cœur, déjà entrés, par leur immense sacrifice, dans l’histoire nationale comme dans la mémoire collective, pénétreront bientôt aussi de plein droit avec cette juste panthéonisation, sur les illustres traces de Jean Moulin en personne, dans le monumental sanctuaire de l’immatérielle quoique tangible éternité !

 

                                                       DANIEL SALVATORE SCHIFFER

 

 

 

 


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