OPINION / RELATIONS DIPLOMATIQUES

Le ministre israélien de la Défense en Azerbaïdjan : les enjeux d’une coopération forte entre Bakou et Tel Aviv

La visite du ministre israélien de la Défense Yoav Galant à Bakou le 12 juillet dernier illustre le renforcement des relations entre les deux pays. AFP

La visite du ministre israélien de la Défense Yoav Galant à Bakou le 12 juillet dernier, est le point d’orgue d’une série de rencontres bilatérales de plusieurs officiels entre les deux pays depuis des mois, en vue de renforcer la coopération politique et militaire pour contrer l’Iran. Cette rencontre entre Galant et le Président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, fait suite notamment à la visite du président de l’Etat hébreu, Isaac Herzog, en mai dernier dans le pays.  

Ce n’est pas le fruit d’un hasard géopolitique, mais bien la démonstration d’une relation régionale forte qui unit deux « start-up nations » qui ont, à la fois, de nombreux points d’intérêts communs et des ennemis partagés. Il faut rappeler que 70% des importations d’armes de Bakou proviennent de Tel-Aviv. Parmi celles-ci, de nombreux drones qui ont notamment servi, avec les Turcs, lors de la seconde guerre du Karabakh en 2020. Mais Israël est dépendant pour 30% de ses consommations en gaz de la production azérie, dont il peut difficilement désormais se passer. Ces bénéfices mutuels témoignent d’une relation stratégique profonde qui devrait se renforcer encore dans les années à venir. Yoav Galant était à Bakou pour cela.

La relation Bakou-Tel-Aviv dérange l’Iran

L’Azerbaïdjan a non seulement une frontière commune avec l’Iran que l’Etat hébreu continue à considérer comme la menace numéro un pour son existence, tandis que près de 25 millions d’Azéris vivent en Iran (soit plus que la population azerbaïdjanaise sur son propre territoire). Ce renforcement de la relation a été rendu possible avec le rétablissement des relations entre la Turquie, partenaire numéro un de l’Azerbaïdjan dans la région, et Israël après plusieurs années de brouille. D’autant que depuis le renforcement de cet axe stratégique, l’Iran fulmine contre Bakou. Les relations qui unissent l’Azerbaïdjan et Israël ont pris un nouveau tournant ces derniers mois avec la nomination historique du premier ambassadeur d’Azerbaïdjan dans l’Etat hébreu.

Il faut dire que les deux pays entretiennent depuis 1992 des relations étroites. Le rétablissement récent et la normalisation des relations de confiance et de partenariat avec la Turquie devraient encore plus accélérer ce phénomène. L’Azerbaïdjan fait partie de ces pays musulmans qui ont fait le pari d’une relation avec l’Etat d’Israël depuis longtemps. En effet, Bakou et Tel-Aviv affichent une coopération forte en matière de politique régionale économique, énergétique et militaire.

Ankara et Tel-Aviv, soutiens d’Azerbaïdjan contre l’Arménie

Ce n’est donc pas un hasard si les deux principaux soutiens de l’Azerbaïdjan dans la région, lors de la seconde guerre du Karabakh, qui a pris fin le 9 novembre 2010 après 44 jours de combats, et a vu le pays récupérer les terres occupées durant 27 ans par l’Arménie et les forces pro-arméniennes du Karabakh, sont Tel-Aviv et Ankara. Cela s’est traduit par un soutien politique et militaire, notamment à travers l’envoi de drones pour lutter contre l’armée pro-arménienne sur le terrain. Le premier accord sécuritaire entre les deux pays remonte à 2012 autour de la lutte internationale contre le terrorisme.

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Le président turc Recep Tayyip Erdogan (à gauche sur la photo) rencontre le président azéri Ilham Aliyev (à droite) à Bakou le 13 juin 2023. (AFP) .

On le sait, les questions de sécurité sont cruciales au Moyen-Orient et dans le Caucase. Tel-Aviv et Bakou partagent depuis longtemps des relations fortes aussi sur le plan politique et culturel. La présence juive en Azerbaïdjan est ancestrale. Historiquement, l’Azerbaïdjan est une terre multiethnique et multicommunautaire.

Attentat manqué contre l’ambassade d’Israël à Bakou

Terre traversée par les influences perses, arabes, turques, européennes, russe, le pays est un melting-pot tout à fait unique dans la région du Caucase. Aux confins de l’Iran, de la Russie, de la Turquie, de la Géorgie et de l’Arménie, le pays est riche d’une rare diversité humaine sur la route de la Soie et des grands Empires. Cette « terre de feu » regorge de sites hérités de ces temps passés, comme de temps plus modernes où l’on a construit églises, mosquées et… synagogues ! Si la religion majoritaire est l’islam chiite dans le pays, la présence de Chrétiens et de Juifs n’a jamais été vraiment compromise en Azerbaïdjan. Ils sont les descendants des Juifs qui ont migré depuis la Perse vers le Caucase, il y a plusieurs siècles et qui sont près de 16.000 Juifs aujourd’hui. Ils vivent pleinement leur foi et leur culture. Aujourd’hui, il y a trois groupes juifs sur place : environ 11.000 Juifs des montagnes, 4.300 ashkénazes et 700 Juifs originaires de Géorgie. Rien que dans la capitale, ils sont 6.000 et il existe sept synagogues en Azerbaïdjan.

L’attentat déjoué à Bakou la semaine dernière avec l’arrestation le 11 juillet dernier d’un Afghan (membre d’un groupe iranien) qui visait l’ambassade d’Israël dans la capitale, aura été salué à coup sûr par Yoav Galant, témoignant, une fois encore, de la forte solidarité qui unit les deux sociétés israélienne et azerbaïdjanaise.

Sébastien Boussois
Docteur en sciences politiques et expert en géopolitique.