Une loi de programmation militaire inquiétante en France
C’est à la veille du 14 juillet, jour de la fête nationale, que la loi de programmation militaire pour la période de 2024 à 2030 a été définitivement adoptée par le Parlement en France. Elle avait été validée en deuxième lecture mercredi 12 juillet par l’Assemblée nationale. Le projet fixe les grandes orientations du pays pour ses commandes et dépenses militaires. Le texte garantit un budget de 413,3 milliards d’euros aux armées, en hausse de 40%. Cependant, elle pose beaucoup de questions sur le virage sécuritaire et liberticide que prend la présidence d’Emmanuel Macron. En effet, le texte prévoit « la réquisition de toutes personnes physiques présentes sur le territoire national, toutes personnes physiques de nationalité française ne résidant pas sur le territoire national et les entreprises et les propriétés privées ». La loi a été adoptée le jeudi 13 juillet par le Sénat avec 313 voix pour et 17 contre, mais elle est loin de faire l’unanimité.
La loi de programmation militaire (LPM) encadre un certain nombre de mesures, notamment le budget alloué aux armées. Cette année, le budget de la loi de programmation militaire est fixé à 413,3 milliards d’euros, en hausse de 40%. Le gouvernement d’Elisabeth Borne justifie cet effort supplémentaire par la situation géopolitique actuelle. En effet, avec un contexte de conflit sur le territoire européen illustré par la guerre en Ukraine et une forte mobilisation civile en France suite à plusieurs phénomènes sociaux, l’exécutif estime qu’il faut garantir la modernisation des Armées. Au niveau des effectifs, le gouvernement prévoit 275.000 militaires et civils Equivalents temps plein (ETP) en 2030 (hors réservistes).
Une loi de programmation militaire inquiétante
Mais le contenu de la loi fait débat, notamment le fait que cette nouvelle loi de programmation militaire prévoit la réquisition de personnes et de biens lors d’un conflit. En effet, le texte dispose qu’en cas « de menace pesant sur les activités essentielles de la nation » comme un conflit armé sur le territoire ou à l’étranger, l’Etat peut décider « la réquisition de toutes personnes physiques présentes sur le territoire national, toutes personnes physiques de nationalité française ne résidant pas sur le territoire national et les entreprises et les propriétés privées ».
En clair, en cas de conflit, nul ne sera épargné par la conscription. Il sera aussi possible, pour le gouvernement, de réquisitionner des propriétés privées comme des habitations si nécessaire. Chaque refus peut coûter jusqu’à 5 ans de prison et 500.000 euros d’amende.
La gauche proteste
La gauche proteste et espère retarder la promulgation de la loi avec les députés LFI qui ont déposé un recours devant le Conseil constitutionnel. « La LPM s’inscrit dans le mouvement mondial pour le surarmement », constate le sénateur communiste Pierre Laurent. La gauche déplore aussi le peu d’importance qui a été portée aux conséquences de la crise climatique, qui sera pourtant un enjeu géopolitique majeur et une potentielle source de conflits dans les années à venir.
Enfin, pendant les débats, la gauche s’est interrogée sur la part du budget que prend l’armement nucléaire. Avec 13% du budget qui seront alloués à l’armement nucléaire, l’opposition se demande si une telle part du budget est bien raisonnable.
L’Europe se remilitarise
Thomas Gomart, historien des relations internationales et directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI), explique la stratégie du président Emmanuel Macron par le fait que dans une situation géopolitique de plus en plus instable, il est logique que l’Europe soit dans une phase de réarmement.
Il pense donc que le président Macron est en avance dans sa stratégie géopolitique, qui vise à anticiper une situation géopolitique qui se dégrade en remilitarisant la France. Il soutient aussi que l’Europe a « dilapidé les dividendes de la paix ».
En clair, en temps de paix, les pays européens ont eu tendance à fortement se démilitariser. Cependant, l’historien rappelle qu’il est alors très difficile en temps de conflit de rattraper des décennies de démilitarisation. Il note aussi que tous les autres acteurs géopolitiques majeurs, eux, se sont réarmés de manière significative depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001. D’après Thomas Gomart, l’inversion de la tendance en matière de remilitarisation en France a pu être observée depuis l’élection de Macron en 2017.
Le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu, parle d’un « outil de défense abîmé dans le passé par des politiques court-termistes ».
L’exécutif justifie donc ce virage défensif par la situation géopolitique actuelle et la tendance générale observée dans le reste des pays développés.
Léna Job