Uber Files en France : rapport de la Commission d’enquête accablant pour Emmanuel Macron
Pas moins de 600 pages pour un rapport… Rien de moins pour un document bien épais, établi par la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale, un document résultat de six mois d’enquêtes et d’auditions de cent vingt personnalités du monde politique et économique. Objet de l’enquête : les connexions de la France et la société comme Uber. Principale conclusion : il y a, entre ces deux parties, une relation « privilégiée et opaque ». Au cœur de cette affaire appelée « Uber Files », le Président de la République Emmanuel Macron. L’opposition politique est vent debout et dénonce la complaisance démontrée du Président de la République vis-à-vis de la société américaine. La question est de savoir la suite qui sera donnée aux conclusions du rapport de la Commission d’enquête parlementaire.
Rappel des faits : à l’été 2022, un lanceur d’alerte britannique, Mark MacGann, qui a travaillé chez Uber, cette multinationale américaine centrée autour d’une application mobile de mise en contact d’utilisateurs et principalement de voiture de transport avec chauffeur et, depuis quelques années, dans la livraison à domicile de repas, transmet au quotidien britannique « The Guardian » 120.000 documents secrets.
L’intensité des contacts entre Uber, Emmanuel Macron et son cabinet témoigne d’une relation opaque, mais privilégiée.
Un journal et une radio français reprennent l’enquête qui révèle le lobbying effréné de la société américaine en France et, dans cette affaire, glissent le nom d’Emmanuel Macron. En 2014, il est alors le tout jeune (36 ans) ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique dans le gouvernement dirigé par Manuel Valls, sous la présidence de François Hollande. Dans une vie précédente, Emmanuel Macron a été collaborateur de la banque Rothschild et secrétaire général adjoint à l’Elysée…
Les rapports opaques entre Emmanuel Macron et Uber confirmés
Dans les Uber Files, ainsi, on apprend que le jeune ministre a eu de nombreux contacts avec des responsables d’Uber. Et que, contre l’avis du Président de la République François Hollande et du Premier ministre Manuel Valls, adepte d’une économie plus libérale que socio-libérale, Emmanuel Macron aurait grandement contribué à l’implantation d’Uber (et par ricochet, à celle d’autres sociétés du même genre, tel Deliveroo) en France. Dès lors, en février 2023, les députés ont voulu en savoir plus sur le sujet. Une commission d’enquête a été mise en place, avec pour président par Benjamin Haddad (Renaissance, majorité présidentielle) et pour rapporteure Danielle Simonnet (NUPES, gauche radicale). Pendant six mois, la commission a donc entendu cent vingt personnalités et finalement rendu son rapport ce mardi 18 juillet. Un rapport qui a fait débat et adopté, au final, par 12 voix (NUPES) contre 11 abstentions (Renaissance et LR/Les Républicains)…
Principale cible de ce rapport : Emmanuel Macron, hier ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (2014-2016), aujourd’hui (et depuis mai 2017) Président de la République. Ainsi, selon les conclusions dudit rapport, « l’intensité des contacts entre Uber, Emmanuel Macron et son cabinet témoigne d’une relation opaque, mais privilégiée ».
Lobbying massif et concurrence déloyale
La rapporteure, surnommée « la poissonnière » dans les couloirs de l’Assemblée Nationale, pointe le « lobbying agressif » et la « concurrence déloyale d’Uber envers les taxis » et veut relever « la complaisance d’Emmanuel Macron vis-à-vis d’Uber ». Et il est également fait état d’un « deal » : ainsi, lors d’un dîner au ministère de l’Economie à Bercy, Emmanuel Macron se serait montré prêt à accorder quelques faveurs (comme une diminution de l’obligation du nombre d’heures de formation des chauffeurs Uber) en échange d’une participation à l’« appel de dons » pour sa campagne présidentielle en 2017… « C’est de la calomnie pure et simple », commente le président de la Commission d’enquête Benjamin Haddad
La rapporteure Danielle Simonnet, députée LFI (La France Insoumise) de Paris, lui répond que depuis son élection à la Présidence de la République en mai 2017, Emmanuel Macron entretient toujours d’excellentes relations avec Uber et ferme les yeux sur le non-respect, du moins l’interprétation, de la loi par la multinationale sur le territoire français.
Réactions d’indignation de l’opposition
Evidemment, les oppositions à l’Assemblée Nationale y sont allées de leurs commentaires. Ainsi, Nicolas Dupont-Aignan (La France debout !, extrême droite) : « Emmanuel Macron VRP d’Uber ! Les conclusions du rapport d’enquête parlementaire sont accablantes. McKinsey, Uber… le poisson est pourri par la tête » et aussi : « La Commission d’enquête sur les Uber Files est sans appel : Macron a favorisé Uber entre 2014 et 2017. Cette ingérence du privé aurait continué après sa nomination en tant que Président. Un scandale de plus pour la ‘’République exemplaire’’ ! » Pour Sébastien Jumel (PCF et NUPES, gauche radicale) : « Uber et Macron, c’était bonnet blanc, blanc bonnet, la même philosophie de la dérégulation libérale et du profit pour quelques-uns sur le dos de autres, avec, en retour, un petit coup de pouce au candidat à la présidentielle ! »
Emmanuel Macron VRP d’Uber ! Les conclusions du rapport d’enquête parlementaire sont accablantes. McKinsey, Uber… le poisson est pourri par la tête.
La députée européenne Manon Aubry (LFI, gauche radicale) a également commenté : « Le rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur les Uber Files (…) confirme l’étendue du scandale. Il est temps de mettre fin à l’ingérence des intérêts des lobbies privés au sommet de l’Etat ! » A l’Elysée, pour l’heure, aucun commentaire. On rappelle que le Président participait, en début de semaine à Bruxelles, au sommet Union Européenne-CELAC (Communauté d’Etats latino-américains et Caraïbes), travaille avec la Première ministre Elisabeth Borne sur le mini-remaniement du gouvernement avant de partir en Nouvelle-Calédonie pour un voyage (sous haute tension) du 24 au 29 juillet…
Un commentateur de la chose publique rappelle qu’Emmanuel Macron est un président « pro business » et qu’il ne s’en est jamais caché. Ce même observateur se demande alors si ces relations entre Uber et Macron, c’est de la mansuétude ou de la complaisance. Oui, telle est la question…
Serge Bressan (à Paris)