REBONDISSEMENT DANS LE DOSSIER QATARGATE

Qatargate : Perquisitions (tardives ?) chez Maria Arena et ses proches

L'eurodéputée socialiste belge, Marie Arena, sort de son mutisme et dit sa vérité dans le cadre du scandale du Qatargate. Mais sa sortie ne dissipe pas toutes les zones d'ombre du dossier dans lequel son nom est cité. BELGA

L’enquête sur le Qatargate semblait tourner au ralenti depuis plusieurs mois. Une impression renforcée par le départ du juge Michel Claise qui avait quitté sa direction dans la soirée du lundi 19 juin en raison d’une suspicion de conflit d’intérêt. La grande torpeur de l’été – traditionnellement les magistrats lèvent le pied, ne s’occupant que des dossiers entrants et de ceux nécessitant une décision sur une éventuelle remise en liberté et, d’autre part, les effectifs policiers sont fortement dégarnis – n’arrangeait rien. Pourtant, mercredi 19 juillet, une nouvelle étape a été franchie avec des perquisitions menées chez l’eurodéputée socialiste belge Maria Arena et aux domiciles de plusieurs de ses proches. Intervenant plus de sept mois après que l’affaire ait éclaté (le 9 décembre), on peut se poser la question de l’utilité de ce devoir d’enquête. A moins que la présence de « traces techniques » soit suspectée dans la téléphonie ou l’informatique des intéressés. Ou à moins que de nouveaux éléments soient apparus ces dernières semaines….

La juge d’instruction Aurélie Dejaiffe (qui a succédé, le 19 juin, à Michel Claise mais avait déjà eu à connaître du dossier) et ses policiers n’ont pas seulement perquisitionné chez l’eurodéputée socialiste belge Maria Arena, ce mercredi après-midi 19 juillet : plusieurs de ses proches ont également reçu la visite de la police judiciaire qui a saisi, en plusieurs endroits, « des documents et des supports informatique ». En tout, une demi-douzaine de perquisitions a eu lieu.

Pas une surprise, mais….

Si ces nouveaux devoirs d’enquête ne sont pas, à proprement parler, une surprise – le nom de madame Arena apparaissait au dossier depuis le premier jour et beaucoup s’étaient étonnés du fait qu’elle n’ait été ni perquisitionnée, ni même interrogée – le calendrier, lui, pose question. Et ce pour trois raisons.

Tout d’abord, nous sommes en effet plus de sept mois après la vaste opération qui avait révélé le scandale du Qatargate au monde, avec les perquisitions et arrestations opérées le 9 décembre : on peut penser que si l’eurodéputée socialiste avait quelque chose à cacher (ce qu’elle nie), elle a eu largement le temps de « faire le ménage ».

Par ailleurs, ce rebondissement intervient un mois, jour pour jour, après que le juge Claise se soit retiré de l’enquête pour suspicion de conflit d’intérêt (https://lpost.be/2023/06/20/qatargate-le-juge-dinstruction-belge-michel-claise-quitte-lenquete/). Pour rappel, il s’était écarté après que Maxime Töller, l’avocat de Marc Tarabella, lui ait fait savoir par lettre qu’il avait découvert que son fils était associé à celui de Maria Arena dans une affaire de commercialisation de CBD (le cannabis légal à usage parapharmaceutique). Au passage Maître Töller ne se privait pas de faire remarquer qu’il était « choquant » que ce conflit d’intérêt, « qu’il avait depuis le premier jour de l’enquête », n’ait pas été révélé plus tôt. Et en privé, certains se demandaient si cette « proximité », bien que très indirecte, n’avait pas valu à Maria Arena un traitement de faveur.

Ce rebondissement intervient un mois, jour pour jour, après que le juge Claise se soit retiré de l’enquête pour suspicion de conflit d’intérêt.

Les bons connaisseurs du dossier, toutefois, soulignent que Michel Claise avait voulu s’intéresser de plus près à la parlementaire. Mais c’est le premier président de la cour d’appel (qui, en droit belge, doit délivrer une ordonnance permettant de perquisitionner ou interroger un parlementaire) qui aurait trainé les pieds. Du reste, dans un document décisif (voir ci-dessous), Michel Claise avait eu des mots très durs pour Maria Arena. Mais n’aurait-on pas voulu, par cette perquisition, monter que nul n’est « protégé » dans ce dossier ? La question mérite d’être posée mais, selon nos sources, cette hypothèse est douteuse.

Dernier point remarquable : nous sommes en plein milieu des congés judiciaires : les cabinets d’instruction tournent au ralenti et ne s’intéressent vraiment qu’aux nouveaux dossiers et aux « urgences ». Or manifestement, urgence il n’y avait pas….  Pourtant, et alors que les congés dépeuplent également les couloirs de la P.J., la juge Dejaiffe a mobilisé une dizaine d’enquêteurs pour mener l’opération à bien. Alors ?

Des traces « techniques » ou financières ou de nouveaux éléments ?

Alors, deux possibilités s’offrent à nous. Première hypothèse : l’instruction suit simplement son cours normal et si on a perquisitionné chez Maria Arena et chez ses proches, c’est dans l’espoir de découvrir d’éventuelles traces laissées dans leurs téléphones ou leur informatique ou encore des documents qui révéleraient des dépenses en espèces difficiles à expliquer. On sait en effet que la police judiciaire fédérale belge dispose de l’une des cellules « cyber » les plus efficaces d’Europe. Or, tout fichier passé par la mémoire d’un ordinateur laisse des traces, même s’il a été effacé de multiples fois. Une perquisition peut également mener à identifier des adresses de courriel ou des lignes téléphoniques mobiles utilisées par l’intéressé(e) et qui peuvent se révéler passionnants pour les enquêteurs… Et pour ce qui est de l’argent, certains mouvements, même « en cash » peuvent eux aussi être reconstitués.

Deuxième possibilité : de nouveaux éléments concernant Maria Area seraient apparus très récemment dans l’enquête et auraient nécessité des vérifications rapides.

Pourquoi le nom de Maria Arena apparaît depuis le premier jour ?

Pour rappel, plusieurs éléments troublants concernent déjà l’eurodéputée : son revirement dans sa position sur le respect des droits des travailleurs au Qatar (qui correspond à des opinions identiques émises au même moment par d’autres parlementaires soupçonnés d’avoir été corrompus) ; un voyage au Qatar et un autre, « tous frais payés » au Maroc (en compagnie de Pier-Antonio Panzeri, le corrupteur en chef) et enfin les quelques 400 coups de téléphone échangés avec Panzeri en un an. Plus d’un appel téléphonique par jour…

L’avenir dira ce que les évènements de ce mercredi auront apporté de neuf à l’instruction.

Ce sont ces faits qui font figurer le nom de Maria Arena au dossier des enquêteurs depuis le premier jour. Et ce sont ces faits, sans doute, qui avaient amené Michel Claise à écrire, lorsqu’il rédigeait le mandat d’arrêt international à charge d’Andrea Cozzolino, que Maria appartenait à un « quatuor de parlementaires » aux ordres de Panzeri et agissait, avec les autres membres du groupe, « sur instructions » de ce dernier.

L’avenir dira ce que les évènements de ce mercredi auront apporté de neuf à l’instruction. On notera toutefois d’ores et déjà, avec intérêt, une certaine divergence de vue entre Maria Arena et le parquet. L’eurodéputée qui a prévenu elle-même les médias via son avocate, évoquait une « visite domiciliaire » (qui peut se réaliser, par exemple, sur simple accord de la personne visitée). Le parquet a tenu à remettre les pendules à l’heure en précisant sèchement qu’il s’agissait non pas de « visites domiciliaires » mais de « six perquisitions », soit des « actes de contraintes ».

Une ambiance chaleureuse, on le voit.

Hugues KRASNER