REMANIEMENT MINISTERIEL EN FRANCE

France : exit les ministres de la société civile du Gouvernement Borne 2 bis

Le nouveau ministre français de l'Éducation Gabriel Attal prononce un discours aux côtés, de gauche à droite, la sous-ministre française de l'Éducation et de la Formation professionnelle Carole Grandjean, de l'ex-ministre français de l'Éducation et de la Jeunesse Pap Ndiaye, de l'ancienne secrétaire d'État française à la Jeunesse Sarah El Hairy et de la nouvelle ministre adjointe de la Jeunesse et du Ser-vice civique (Service national universel - SNU) Prisca The-venot lors d'une cérémonie de passation de pouvoir au mi-nistère de l'Éducation à Paris le 20 juillet 2023. AFP

Trois jours… Il aura fallu pas moins de trois jours à Elisabeth Borne, confirmée ce 17 juillet comme Première ministre par le Président de la République Emmanuel Macron, pour présenter son troisième gouvernement. Trois jours, un délai qui peut paraître long, pour une raison toute simple : un différend d’analyse entre le Président qui souhaitait un ajustement et la Première ministre qui voulait un remaniement pour son gouvernement 2 bis (et non 3, puisqu’elle n’a pas présenté la démission de son équipe). Mais les deux étaient au moins d’accord sur un point : nombre de ministres nommés après les législatives en juin 2022 et issus pour l’essentiel de la société civile  n’ont jamais réussi, en une année, à « imprimer », à incarner la mission et la politique qui leur avaient été confiées, alors que cinq « grands » ministres conservent leur poste : Bruno Le Maire (Economie et Finances), Gérald Darmanin (Intérieur), Eric Dupont-Moretti (Justice), Catherine Colla (Europe et affaires étrangères) et Amélie Oudéac-Castéra (Sports et Jeux olympiques et paralympiques). La nouvelle équipe se réunira une première fois ce vendredi 21 juillet à 10h à l’Elysée. L’opposition tire déjà à boulets rouges sur le nouveau gouvernement, accusant notamment les ministres d’être « des hommes et des femmes de paille » du président Macron. Elle mettra déjà au vote une première motion de censure contre la nouvelle équipe gouvernementale dès la rentrée.

Ce 21 juillet en fin de journée, c’est donc par un communiqué de l’Elysée qu’a été présentée l’équipe nouvelle version menée par Elisabeth Borne. Au vu de la liste des ministres et secrétaires d’Etat, un premier constat : le Président et la Première ministre ont mis en place un gouvernement avec des « pros » de la politique et non plus des « technos » de la société civile. Ainsi, quittent le gouvernement la très contestée Marlène Schiappa (engluée dans une polémique après sa « une » de « Playboy » et ce que certains considèrent comme un « scandale » avec le Fonds Marianne, elle a eu un long entretien avec Emmanuel Macron qui l’a « remerciée pour ses sept ans d’engagement »), Pap Ndiaye (Education nationale), François Braun (Santé), Olivier Klein (Ville et logement), Jean-Christophe Combe (Solidarités) ou encore Jean-François Carenco (Outre-mers). Et pour les remplacer, l’Elysée et Matignon ont déplacé ou appelé des « poids lourds » de la « Macronie ». En premier lieu, la nomination de Gabriel Attal, 34 ans, au ministère de l’Education nationale. Au gouvernement depuis 2018, il est tenu pour le « petit prodige », a été le plus jeune ministre du Budget (depuis Valéry Giscard d’Estaing en 1959), grimpe, au fil des ans, d’échelon en échelon dans la hiérarchie et, selon des observateurs bien informés, est le ministre préféré d’Emmanuel Macron.

Le « club des invisibles » débarqué

Dans un autre des trois ministères prioritaires (Education, Santé et Environnement) pour le Président de la République, le titulaire a été « remercié » : en effet, à la Santé, François Braun n’a jamais réussi à s’imposer, conscient de cet état, il avait, avec humour, créé « le club des invisibles » avec trois autres ministres. Lui succède Aurélien Rousseau, lequel avait quitté en ce début juillet son poste de directeur de cabinet d’Elisabeth Borne. Haut fonctionnaire, auparavant, il a été le directeur de l’ARS (Agence régionale de la santé) Île-de-France pendant la pandémie du Covid-19.

La seule bonne nouvelle de cette histoire, c’est le départ de Pap Ndiaye, chantre du « wokisme ».

Autre « poids lourd » à entrer au gouvernement Borne : Aurore Bergé, la présidente du groupe Renaissance (majorité présidentielle) à l’Assemblée nationale, hérite du ministère des Solidarités. Arrivent également quelques députés comme Thomas Cazenave (Budget), Philippe Vigier (Outre-mers), Sabrina Agresti-Roubache (Ville), Fadila Khattabi (Personnes handicapées) ou encore le maire de Dunkerque, Patrice Vergriete (logement) pris aux rangs de la gauche…

Pour l’opposition, Macron est dans une impasse

Suite à l’annonce de la composition de ce gouvernement Borne 2 bis, sans surprise les oppositions ont tiré à vue, expliquant que cet ajustement-remaniement ne sert à rien. Ainsi, le Rassemblement National (extrême droite) par la voix du député Laurent Jacobelli : « La seule bonne nouvelle de cette histoire, c’est le départ de Pap Ndiaye, chantre du « wokisme »… On a des ministres interchangeables, des hommes et des femmes de paille… Sur le fond et la forme, on reste dans le chaos ». La NUPES (gauche radicale) avec Eric Coquerel (LFI, La France Insoumise) : « Ça ne va pas changer grand-chose. La politique de ce gouvernement est faite à l’Elysée. Le chef de l’Etat est dans une impasse ».

Conséquence de ce remaniement, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne ont construit une équipe gouvernementale plus politique que technique qui sera réunie, une première fois à l’Elysée, ce vendredi 21 juillet à 10 heures. Une équipe gouvernementale qui, dès septembre- octobre, sera confrontée à son premier rendez-vous à haut risque à l’Assemblée Nationale avec la présentation du budget 2024 qui sera suivie d’une motion de censure lancée les oppositions de la gauche radicale et de l’extrême droite.

Emmanuel Macron devra préciser sa vision politique pour les quatre prochaines années, soit le temps qui lui reste à l’Elysée.

Un observateur de la chose publique juge plus importante encore la déclaration, d’ici la fin de la semaine et avant son départ pour un voyage officielle en Nouvelle-Calédonie, du Président de la République : « Il devra préciser sa vision politique pour les quatre prochaines années, soit le temps qui lui reste à l’Elysée. Et aussi la méthode pour faire adopter les textes de lois et pour réconcilier les Français avec la politique ». Des Français qui, à 64%, considèrent que la démocratie fonctionne mal…

Serge Bressan (à Paris)