Niger : le général Abdourahamane Tchiani renverse le président élu Mohamed Bazoum et prend la tête du pays
Ce sont les chefs des différents corps des armées qui sont apparus tard dans la nuit aux alentours de minuit sur les antennes de la télévision nationale pour annoncer la fin du régime Bazoum, pourtant démocratiquement élu en 2021 pour succéder à Mahamadou Issifou arrivé au terme de son deuxième et dernier mandat. Le président déchu Mohamed Bazoum est retenu dans le palais président dont les abords sont interdits à toute personne. S’exprimant via le réseau social, X (ex-Twitter), ll assure que les « acquis obtenus de haute lutte seront sauvegardés » et que les « Nigériens épris de démocratie et de liberté y veilleront ». Le chef d’état-major des armées, le général Abdou Sidikou Issa s’est rallié aux putschistes. La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a fermement condamné le coup d’Etat au Niger. Son Président en exercice, le Nigérian Bola Tinubu, a dépêché à Niamey le président béninois, Patrice Talon, pour jouer à la médiation et essayer de convaincre les militaires à rendre le pouvoir au Président légitime. Avec le coup d’Etat au Niger, c’est la 4è prise de pouvoir en Afrique de l’Ouest par les militaires après le Mali, la Guinée et le Burkina-Faso. Dans un pays extrêmement pauvre et secoué par des attaques djihadistes, la situation sécuritaire dans le Sahel ne va-t-elle pas se détériorer par cette cinquième intrusion de l’armée dans la vie politique nationale du Niger ?
De grandes décisions prises par le CNSP
Les militaires réunis au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), ont affirmé dans la nuit de mercredi à jeudi avoir renversé le président du Niger Mohamed Bazoum qu’ils détiennent dans le palais présidentiel dans une déclaration lue par l’un leurs membres, le Colonel-Major Amadou Abdramane sur la chaine de télévision publique. « Nous, forces de défense et de sécurité, réunis au sein du CNSP, avons décidé de mettre fin au régime que vous connaissez ». Ils annoncent également la suspension de toutes les institutions, la fermeture des frontières et l’instauration d’un couvre-feu de 22h à5h du matin. Le porte-parole des putschistes réaffirme « l’attachement du CNSP au respect de tous les engagements souscrits par le Niger », rassurant « la communauté nationale et internationale par rapport à l’intégrité physique et morale des autorités déchues conformément aux principes des droits humains ». Et d’ajouter « Toutes les institutions issues de la septième République sont suspendues. Les secrétaires généraux des ministères se chargeront de l’expédition des affaires courantes. Les forces de défense et de sécurité gèrent la situation. Il est demandé à tous les partenaires extérieurs de ne pas s’ingérer ».
Situation confuse
Un calme précaire règne ce jeudi matin, 27 juillet 2023, à Niamey la capitale nigérienne où tout reste confus. Les rues sont désertes et une pluie s’abat sur la ville.
Les négociations entamées hier entre le président déchu et le chef de la garde présidentielle, Abdourahamane Tchiani, désormais l’homme fort du pays, n’ont, pour l’instant, pas porté des fruits. Les militaires justifient cette irruption dans la vie politique par « la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale ». Quelques rassemblements organisés mercredi par des partisans de Mohamed Bazoum ont été vite dispersés par des tirs de sommation de la garde présidentielle. Sur les ondes de Radio France internationale, le ministre des Affaires étrangères du Niger, Hassoumi Massoudou, a affirmé que les autorités légitimes sont toujours au pouvoir, qu’il assurait l’intérim du Premier ministre en déplacement à Rome avant d’appeler « les militaires facétieux de rentrer dans les rangs ».
A l’heure où nous écrivions ces lignes le Président Bazoum n’a formellement pas démissionné mais reste retenu dans le palais présidentiel, ce qui fait dire à Hassoumi Massoudou qu’il s’agit toujours « d’une tentative de coup d’état ». Dans les casernes aucun mouvement n’est détecté et encore moins de déploiement militaire. S’exprimant via le réseau social, X (ex-Twitter), ll assure que les « acquis obtenus de haute lutte seront sauvegardés » et que les « Nigériens épris de démocratie et de liberté y veilleront ».
Condamnations tous azimuts
Anthony Blinken le secrétaire d’Etat américain a dit s’être entretenu mercredi 26 juillet avec Mohamed Bazoum et a exigé sa « libération immédiate ». Les Etats-Unis ont rappelé qu’ils apportaient un soutien à Bazoum « en tant que président élu démocratiquement ».
La ministre des Affaires étrangères française, Catherine Colonna a, au nom de son son pays, exprimé sa préoccupation et condamne « toute tentative de prise de pouvoir par la force ». Elle ajoute que la France « s’associe aux appels de l’Union africaine et de la Cedeao pour rétablir l’intégrité des institutions démocratiques nigériennes ».
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, « condamne fermement le changement anticonstitutionnel de gouvernement » au Niger, a fait savoir son porte-parole, Stéphane Dujarric.
Une médiation de la Cedeao attendue à Niamey
L’Union africaine et la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont fermement condamné le coup d’Etat en cours au Niger. Le Président en exercice de la Cedeao, le Nigérian Bola Tinubu, a dépêché à Niamey le président béninois Patrice Talon pour jouer à la médiation entre les parties belligérantes et essayer de convaincre les hommes en armes à rendre le pouvoir au Président légitime. « La situation est suffisamment préoccupante pour que la Cédéao et le président Tinubu, le président du Nigeria, voisin du Niger, avec le Bénin, voisin du Niger également, nous prenions la chose au sérieux et agissions rapidement » a déclaré Patrice Talon. « Je crois que tous les moyens seront utilisés, au besoin pour que l’ordre constitutionnel soit rétabli au Niger, mais l’idéal serait que tout se passe dans la paix et dans la concorde. Donc les actions de médiations seront renforcées ce soir même pour que cette situation s’arrange dans la paix », a-t-il ajouté. Pour son homologue nigérian Bola Tinubu « Même quand ce qui n’est pas acceptable se fait, il faut que dans la paix, on puisse corriger cela. C’est notre première option. Nous pensons que ce sera avec succès ».
Pour beaucoup d’observateurs, cette mission arrive trop tard car avec le passage des militaires sur les ondes des médias publics, tout semble être déjà joué.
Le dernier bastion de l’occident en Afrique de l’ouest tombe
Après l’expulsion de la force Barkhane au Mali et au Burkina-Faso, c’est au Niger que l’armée française a trouvé refuge avec quelques 3.000 hommes et des matériels militaires. Il en est de même des 800 militaires américains stationnés à Niamey dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. En renversant le président Mohamed Bazoum qui est un allié inconditionnel de l’Occident dans la sous-région et l’une des voix qui condamne sans détour les autorités de transition au Mali et au Burkina-Faso, c’est le dernier bastion officiel de l’Occident qui vient d’être secoué dans un pays où des manifestations régulières ont lieu pour exiger le départ des « forces impérialistes et de Barkhane » du Niger.
Cette 4ème prise de pouvoir en Afrique de l’Ouest par les militaires après le Mali, la Guinée et le Burkina-Faso remet sur le tapis le combat de la Cedeao contre les coups d’état militaires dans son espace et pose la question de la solidité des institutions en Afrique.
Anani Sossou (Correspondant L-Post en Afrique de l’Ouest)