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Niger : l’ère des coups d’Etat militaires est révolue en Afrique, mais ils révèlent une mauvaise gouvernance

Des manifestations de soutien en faveur de la junte nigérienne se multiplient. Un partisan tient une photo du général nigérien Abdourahamane Tiani, le chef de la puissante garde présidentielle lors d’une mobilisation à Niamey le 30 juillet 2023. AFP

Depuis le 26 juillet, le général Abdourahamane Tchiani, patron de la garde présidentielle du Niger, a pris le contrôle du pays à la faveur d’un coup d’Etat militaire. Le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum, et sa famille, sont détenus à la présidence. L’évènement qui se déroule dans ce pays d’Afrique de l’Ouest a ébranlé tant les capitales africaines que celles des pays occidentaux. Les uns et les autres ont dégainé l’arme des sanctions pour forcer les putschistes à rétablir l’ordre constitutionnel. Dans sa première réaction, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a adopté une position assez forte, fixant un ultimatum au nouvel homme fort du pays (soutenu par l’armée) pour remettre le pouvoir au président élu. A défaut, il verrait son pays être la cible de toutes les mesures nécessaires, y compris l’usage de la force, pour obtenir un retour à la normale dans ce pays du Sahel.

Avant l’expiration de l’échéance (une semaine), les dirigeants de la Cedeao ont coupé les vivres au Niger en annulant les 30 milliards de francs CFA (46 millions d’euros) de dettes attendus par le pays de la part de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Ils ont également décidé de fermer les frontières avec le Niger, de suspendre toutes les transactions commerciales et financières entre la zone monétaire (CFA) et le pays. Par ailleurs, le Niger est mis au ban de la communauté africaine dans la mesure où le pays est isolé sur tous les plans (arrêt des vols commerciaux, gel des avoirs de l’Etat et des entreprises, etc.).

Reste à voir si la Cedeao gardera cette position de fermeté jusqu’au bout ou si elle finira par capituler devant une situation de fait conservant les militaires au pouvoir en acceptant un engagement d’un retour à l’ordre civil et l’organisation d’élections démocratiques.

Cette position musclée et ferme de la Cedeao tranche avec la mansuétude dont l’organisation intergouvernementale ouest-africaine a toujours fait preuve dans le passé vis-à-vis des coups d’Etats militaires dont la plupart ont donné lieu à des effusions de sang. Dans un passé récent, la Cedeao a avalisé les putschs notamment au Mali (août 2020, mai 2021), au Tchad (avril 2021), en Guinée (septembre 2021) et au Burkina Fao (septembre 2022). C’est donc une nouvelle ère qui semble s’ouvrir sur le continent africain, principalement en Afrique sub-saharienne où il fut un temps où le renversement de pouvoir par la force était monnaie courante et bénéficiait du soutien des capitales occidentales. Les coups d’Etat militaires doivent être combattus et condamnés. Reste à voir si la Cedeao gardera cette position de fermeté jusqu’au bout ou si elle finira par capituler devant une situation de fait conservant les militaires au pouvoir en acceptant un engagement d’un retour à l’ordre civil et l’organisation d’élections démocratiques.

L’Union africaine (ex-OUA) semble aussi avoir adopté une attitude de fermeté en exigeant le retour du président élu endéans les 15 prochains jours. Ici aussi, il y a lieu d’attendre si cette position va perdurer.

En attendant, les capitales européennes y sont également allées de leur couplet de pression : la France, ancienne puissance coloniale a dénoncé le coup d’Etat, elle a suspendu son aide au développement et sa coopération militaire avec le Niger ; la Belgique maintient son aide au développement, mais suspend sa coopération militaire. L’Union européenne qui avait dégagé un budget de 503 millions d’euros pour le Niger pour 2021-2024 a annoncé la suspension de sa coopération sécuritaires et financières après le renversement du président élu, Mohamed Bazoum.

A un moment où la Russie et la Chine déploient des efforts pour supplanter les pays européens en Afrique, les dirigeants occidentaux doivent trouver une nouvelle façon de construire des relations durables et sur un pied d’égalité avec leurs homologues africains.

La France et l’Union européenne sont inquiètes? parce qu’une bonne partie de l’Uranium (environ 24%) utilisé en Europe vient du Niger. Elles craignent que les nouvelles autorités du Niger, l’un des pays les plus pauvres du monde (avec plus de 25 millions d’habitants), n’instaurent de nouvelles règles. Il y a aussi le risque d’un affaiblissement de la lutte contre les groupes djihadistes au Sahel et de voir la zone se transformer en une base de préparation d’attentats terroristes dans le monde.

Visiblement, il ne reste qu’aux Occidentaux l’arme financière pour faire pression sur des militaires quand ils prennent le pouvoir par la force. Il fut aussi un temps où cette option pouvait marcher facilement. Aujourd’hui, la méfiance qu’observe la nouvelle génération de (jeunes) leaders africains vis-à-vis de l’Occident est telle que l’efficacité des sanctions financières est à remettre en question. Car, la géopolitique a changé et à un moment où la Russie et la Chine déploient des efforts pour supplanter les pays européens en Afrique, les dirigeants occidentaux feraient mieux de trouver une nouvelle façon de construire des relations durables et sur un pied d’égalité (à plusieurs niveaux) avec leurs homologues africains.

L’ère des coups d’Etat est révolue en Afrique, mais ces tentatives de coups de force sont le résultat d’un malaise, la conséquence d’une mauvaise gouvernance marquée par des comportements de prédation ou de corruption.

Certes, l’ère des coups d’Etat est révolue en Afrique, mais ces tentatives de coups de force sont le résultat d’un malaise, la conséquence d’une mauvaise gouvernance marquée par des comportements de prédation ou de corruption. Sinon, pourquoi sont-elles soutenues par une (grande ?) partie de la population et accueillies comme une délivrance ? Les dirigeants africains doivent désormais comprendre que le temps où une classe sociale pillait les ressources des pays pour assouvir la soif d’enrichissement d’une caste est révolu. Elus, ils doivent gouverner au nom du peuple et pour le peuple. C’est l’intérêt de ce dernier qui compte.