L’abandon du Franc CFA et la naissance de l’Eco en Afrique de l’Ouest en 2027 : réalité ou utopie ?
Les évènements qui secouent l’Afrique de l’Ouest suite au coup d’Etat militaire intervenu le 26 juillet au Niger remettent à l’avant-scène la question du Franc CFA. C’est un serpent de mer qui va et qui vient depuis des décennies et ce, au moins depuis l’indépendance d’une bonne partie du continent africain. Doit-on continuer à garder cette devise dans un certain nombre de pays considérée, à l’image du maintien pendant longtemps de la langue française dans certains de ses pays, comme la monnaie de l’impérialisme français toujours présent, ou changer de monnaie ?
On a cru à maintes reprises que l’affaire serait enterrée au plus vite. L’accord signé à Abidjan le 21 décembre 2019 entre la France et les Etats de l’Uemoa, l’Union Economique et Monétaire des Pays d’Afrique de l’Ouest, mettait un terme en théorie au Franc CFA dans les pays membres (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo). En 2020 déjà, après une réunion des Etats membres de la Cedeao (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et l’adoption d’un projet de monnaie unique, appelé l’Eco, sans accent, beaucoup y croyaient. Les huit pays de l’Uemoa se mettaient d’accord pour en finir avec le Franc CFA maudit. Finalement, la feuille de route fut lancée et la monnaie prévue pour décoller en 2027, soit actuellement dans quatre ans. Mais pour mettre en place une monnaie unique à l’échelle de 14 pays utilisateur du franc CFA, il faut des conditions strictes comme l’avait prévu à l’époque le traité d’Abuja avec la création pour l’Afrique de l’Ouest de la zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest, et qui devait être en place depuis 2014, et qui ne l’est toujours pas aujourd’hui.
Pourquoi en finir avec le Franc CFA ?
Pourquoi en finir avec le Franc CFA ? Avant tout par volonté de couper le cordon ombilical de l’histoire coloniale. D’ailleurs, le Franc CFA a été créé le 26 décembre 1945 et signifie : Colonies françaises d’Afrique. Beaucoup de problèmes intrinsèques au fonctionnement du Franc CFA poussent ces pays à vouloir en finir, car depuis 1973, et le premier accord de coopération monétaire entre la France et l’Uemoa, le cadre légal prévoit l’indexation de la valeur du Franc CFA sur le cours de l’euro.
Second problème majeur : comme le Franc CFA est convertible en euros de manière illimitée, une large partie des capitaux qui circulent dans la zone « franc » sont envoyés dans les banques européennes et ne revoient jamais l’Afrique. C’est donc une minorité qui a les moyens de placer son argent en Europe. De plus, c’est une banque française qui imprime les billets Franc CFA dans le Massif Central, comble de l’ironie ! Enfin, et pas des moindres : les pays de l’Union monétaire africaine (Uemoa) sont contraints de déposer la moitié de leurs réserves de change au Trésor Français et la France est présente dans les instances de l’Union[1].
Critères de convergence imposés
L’espoir suscité par l’Eco est donc grand de pouvoir se dégager totalement de l’influence et de la dépendance française en matière monétaire pour ces pays. En temps de crise ou de permacrise dans laquelle nous sommes finalement constamment, cela permettrait aussi aux gouvernements de l’Uemoa de contrôler davantage leur inflation, mais également le déficit budgétaire. Mais le processus est lent : certes la France est sortie de l’organisation et la BCEAO n’a plus à déposer la moitié de ses réserves de change au Trésor français. Mais il a été mis en place des critères de convergence pour tous les pays signataires, notamment en matière de contrôle de l’inflation (il doit être inférieur à 5% annuellement), de diminution du déficit budgétaire (il doit être inférieur à 3% du PIB pour tous les Etats signataires), et la dette publique ne doit plus dépasser 70% du PIB.
A ce jour, peu de pays sont dans les clous, et la coopération interrégionale reste faible. Par ailleurs, l’Uemoa reste une zone monétaire très faible et peu résistante aux chocs extérieurs. 2027 paraît loin, mais 2027 paraît encore bien trop proche pour voir l’Eco émerger.
S.B.
[1] Pour tous les détails, lire https://easynomics.fr/2022/01/23/du-franc-cfa-a-leco-une-nouvelle-monnaie-pour-lafrique-de-louest/