EDITO

Bannir tant les coups d’Etat militaires que les manipulations des constitutions en Afrique

Les manifestants tiennent un drapeau russe et une bannière avec des images de (de gauche à droite) : le général Abdourahamane Tchiani, le nouvel homme fort du Niger, le chef de la junte burkinabé, le capitaine Ibrahim Traoré, le chef de la junte malienne, Assimi Goita, et le chef de la junte guinéenne, le colonel Mamady Doumbouya , lors d'une manifestation le jour de l'indépendance à Niamey le 3 août 2023 AFP

Une douzaine de jours après le coup d’Etat militaire qui a renversé le président démocratiquement élu, Mohamed Bouzam, un calme précaire règne dans la sous-région ouest africaine. L’ultimatum donné par la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) aux militaires qui ont pris le pouvoir le 26 juillet sous la direction du général Abdourahamane Tchiani a expiré ce dimanche 6 août. La question est de savoir si les dirigeants de la Cedeao mettront leur menace d’une intervention militaire au Niger à exécution pour remettre le président civil en place au risque de désorganiser la sous-région et de fragiliser davantage cette dernière face aux groupes djihadistes. Rien n’est moins sûr.

Des observateurs croient entendre des bruits de bottes, mais il est clair qu’il faut exploiter tous les moyens possibles de dialogue pour persuader les militaires nigériens de se retirer non seulement dans l’intérêt de la population, mais aussi de la sous-région. Et s’il le faut, il faut prolonger l’ultimatum donner toutes les chances au dialogue et à la négociation d’aboutir. Mais il faut maintenir un discours de fermeté face aux putschistes nigériens. Car la Cedeao ne peut pas se permettre de ne pas régler la crise au Niger par tous les moyens, sinon, elle perd toute crédibilité et ouvrira ainsi la voie à des tentatives de putsch.

Le processus est d’ailleurs déjà en cours et il n’est pas surprenant de voir que les dirigeants du Mali et du Burkina Faso soutiennent la nouvelle junte nigérienne. Ils sont arrivés au pouvoir par un coup d’Etat. Pourquoi condamneraient-ils une situation dont ils sont eux-mêmes le produit ou des responsables dans leurs pays respectifs ?

Il faut prolonger l’ultimatum donner toutes les chances au dialogue et à la négociation d’aboutir. Mais il faut maintenir un discours de fermeté face aux putschistes nigériens.

Une solution d’apaisement pourrait être de persuader tant les militaires que le président Bouzam de se retirer vu la contestation de la rue contre ce dernier et de confier le pouvoir à un organe de transition présidé par un civil avec une feuille de route très claire : préparer des élections libres et démocratiques dans un délai maximum de 6 mois à 18 mois.

Car, il est un fait qu’il faut bannir les coups d’Etat sur le territoire africain. En effet, à de très rares exceptions près, l’intervention des militaires pour prendre le pouvoir dans les pays africains n’ont apporté que des régimes dictatoriaux, qui s’installent pendent des décennies, violent les droits humains, musèlent la population et la liberté d’expression. Leurs bonnes intentions disparaissent après quelques années et on assiste à une opération de pillage des ressources de leur pays au détriment de la population. Les exemples de militaires ayant pris le pouvoir par la force sont légions : le Togo en 1967 avec un militaire, Gnassingbé Eyadéma, qui est resté au pouvoir jusqu’à sa mort en 2005 ; la RDC (ex-Zaïre) avec Mobutu Sese Seko en 1965 avant d’être chassé du pouvoir par des rebelles en 1997 ; le Bénin avec Mathieu Kérékou de 1972 à 1991, le Mali avec Moussa Traoré de 1968 jusqu’à son départ par un autre coup d’Etat en 1991, la Guinée-Conakry avec Lansana Conté qui s’est emparé du pouvoir en 1984 jusqu’à sa son décès en 2008 ; Blaise Compaoré au Burkina Faso après avoir assassiné son meilleur Thomas Sankara suite à un coup d’Etat en 1987 avant d’être chassé du pouvoir par un soulèvement populaire en 2014, etc.

Ces dirigeants militaires se retrouvent avec un compte en banque bien garni et des appartements de luxe dans les pays occidentaux pendant que leurs populations souffrent. Le tout avec la complicité de certains dirigeants occidentaux. Sinon, comment expliquer que le continent regorgent d’innombrables matières premières, lesquelles sont utilisées pour de nombreux développements en Europe, alors que dans le même temps, les populations africaines souffrent et que les jeunes africains, l’avenir du continent, soient obligés de se lancer dans des traversées périlleuses d’océans pour une vie meilleure en Europe ?

L’intervention des militaires pour prendre le pouvoir dans les pays africains n’ont apporté que des régimes dictatoriaux, qui s’installent pendent des décennies, violent les droits humains, musèlent la population et la liberté d’expression.

A chaque fois, c’est le même stratagème. Les militaires utilisent le ras-le-bol de la population pour prendre le pouvoir, sont perçus comme des libérateurs et ensuite prennent goût au pouvoir avant d’enlever tous les droits à la population et d’instaurer un régime dictatorial. Ils désignent un ennemi commun au peuple, souvent l’occident qui est affublé de tous les torts. Dans tous les cas, ils retardent le retour à un régime civil.

Malgré des débuts timides et l’impression qu’il n’est pas adapté à l’Afrique, le système démocratique est le moins mauvais des systèmes et il sert davantage l’intérêt de la population que les régimes militaires, autoritaires ou dictatoriaux. Il vaut mieux privilégier le pouvoir des urnes que le pouvoir des armes. Car celui-ci affichent généralement de piètres performances.  A contrario, les démocraties produisent en moyenne des niveaux de croissance plus élevés et participent à l’épanouissement de la population que tout autre régime de gouvernement. Elles provoquent moins de conflits, car les élections périodiques permettent à la population de faire entendre sa voix.

Malgré des débuts timides et l’impression qu’il n’est pas adapté à l’Afrique, le système démocratique est le moins mauvais des systèmes et il sert davantage l’intérêt de la population que les régimes militaires.

Mais il faut autant condamner les coups d’Etat militaires que les coups d’Etats constitutionnels. Ces derniers sont l’œuvre de dirigeants, élus démocratiquement pour un nombre de mandats déterminé par la Constitution, mais qui tentent par la suite d’imposer un changement du texte fondateur du régime pour rester au pouvoir le plus longtemps possible. Ce qui déclenche parfois des coups d’Etat militaires, perçus dans ce cas comme la voie vers un régime civil plus efficace.