ATTENTATS DE BRUXELLES

Terrorisme : Salah Abdeslam purgera sa peine en France

Ce dessin de Jonathan De Cesare montre l'accusé Salah Abdeslam lors d'une séance du procès des attentats du 22 mars 2016, à la cour d'assises de Bruxelles-Capitale au site Justitia à Haren, Bruxelles. BELGA

Salah Abdeslam, seul survivant du commando terroriste qui a fait 130 morts à Paris dans la soirée du vendredi 13 novembre 2015, a perdu son pari. Il avait introduit une requête en référé pour que la justice belge ne le renvoie pas en France à l’issue du procès des attentats de Bruxelles (qui devrait se terminer cette semaine avec le prononcé des peines). Mais les juges l’ont débouté, estimant ses arguments non fondés.

Abdeslam avançait trois arguments pour demander à la justice belge de ne pas le renvoyer en France. D’abord, bien que Français, toute sa famille réside en Belgique et une incarcération dans l’hexagone limiterait les possibilités de visite de ses proches. Ensuite, les conditions de détention l’empêcheraient de préparer sa réinsertion sociale. Enfin, il risquerait d’être soumis à des traitements « inhumains et dégradants ». Or, la fin annoncée de son ultime procès, à  Bruxelles, signifiait également la fin de sa « remise temporaire » à la justice belge par Paris.

Débouté par la Cour sur l’ensemble de ses arguments

Son référé avait été plaidé au début de la réouverture des débats (sur les peines) du procès des attentats de Bruxelles, la semaine dernière et le jugement a été rendu ce mercredi 13 septembre, soit 8 ans jour pour jour après les attentats de Paris.

La chambre des référés du tribunal de première instance de Bruxelles a rejeté tous ses arguments : « La détention en France de M. Abdeslam ne paraît pas, vu la proximité géographique de ce pays notamment, empêcher qu’il y bénéficie du soutien de ses proches, ni qu’il puisse y préparer un projet de réinsertion sociale», ont estimé les juges.

Quant à la violation de la convention européenne des droits de l’homme alléguée par la défense – entre son extradition vers la France en 2016 et sa condamnation à la prison à vie incompressible à l’issue du procès des attentats de Paris, il avait été détenu à l’isolement complet dans une cellule équipée de deux caméras qui ne lui laissaient aucune intimité -, les juges tranchent : « Il n’appartient pas à la juridiction des référés de se prononcer sur les éventuelles violations des droits fondamentaux dans le passé en France. La surveillance par caméra n’est d’application en France que pour les prévenus [en attente de procès], et non pour les condamnés. Rien n’indique que les autorités françaises ne respecteront pas leur propre législation».

Il ne sera pas libéré avant plusieurs décennies. S’il l’est un jour…

La décision du tribunal des référés est sans surprise. Mais on peut penser que le calcul de Salah  Abdeslam était de purger la totalité de ses peines (perpétuité pour les attentats de Paris, vingt ans pour la fusillade de la rue du Dries en mars 2016 et une condamnation, certainement très lourde, à venir pour les attentats de Bruxelles) en Belgique où l’application des peines est nettement moins stricte qu’en France. Il pouvait donc espérer être libéré après 20 ou 25 ans de prison (à compter de son arrestation en 2016), les exécutions de peines plus longues étant rarissimes à Bruxelles.

En France, ses perspectives sont nettement plus sombres. Si l’on se penche sur les cas de terroristes d’envergure condamnés par le passé par la Cour d’assises spéciale de Paris, on se rend compte par exemple qu’Illich Ramirez Sanchez, (« Carlos ») arrêté en 1994 et condamné définitivement à trois reprises à la perpétuité pour des attentats ayant fait 15 morts et 215 blessés, est toujours détenu 29 ans après son arrestation. Georges Ibrahim Abdallah, condamné pour l’assassinat d’un diplomate américain et d’un diplomate israélien ainsi que pour une tentative d’assassinat, est incarcéré depuis 39 ans. Enfin, Fouad Ali Saleh, condamné pour les attentats de Paris (1985-1986 qui avaient fait 13 morts et 300 blessés dans des attaques au profit de l’Iran) est emprisonné depuis 36 ans.

Il est extrêmement douteux que le seul survivant du commando qui a commis les attentats les plus graves de l’histoire de France et ayant causé la plus grande létalité par violence depuis 1945 bénéficie de plus de mansuétude. Il est certain qu’il passera des décennies en prison. En admettant qu’il soit libéré un jour.

La question de sa réinsertion n’est pas près de se poser…

Hugues Krasner