POUR CONTRER LE HARCELEMENT A L'ECOLO

Contre les élèves harceleurs, la France dégaine l’arme de l’exclusion des réseaux sociaux et des cours d’empathie    

La Première ministre Elisabeth Borne (à gauche) et le ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal (à droite), détaillent les mesures du plan pour lutter contre le harcèlement scolaire, le 27 septembre 2023. AFP

Entourée du ministre de l’Education nationale Gabriel Attal et d’autres membres de son gouvernement (dont le garde des sceaux Eric Dupond-Moretti et Jean-Noël Barrot, en charge de la transition numérique et des télécommunications), la Première ministre Elisabeth Borne a présenté, ce 27 septembre 2023 à Paris, le plan interministériel « de lutte contre le harcèlement à l’école » et dans les lieux de vie commune. Un plan lancé en juin dernier après le suicide de la jeune Lindsay, 13 ans, et accéléré en ce début septembre après le suicide de Nicolas, 15 ans. D’emblée, la Première ministre a confié : « Concrètement, pour les enfants victimes, c’est une forme de violence. C’est la peur, la honte, l’angoisse et parfois même l’irréparable. Se faire insulter, exclure, bousculer ou même frapper, c’est un quotidien qu’aucun adulte ne supporterait ». Le harcèlement à l’école est un dossier explosif puisqu’en France, selon les chiffres officiels, un enfant sur dix dans une classe serait victime de harcèlement. Du moins, pour les cas connus… Le plan de la Première ministre est décliné en sept points forts avec des mesures comme la saisine systématique de la justice en cas de signalement, la confiscation des téléphones portables des élèves harceleurs et l’exclusion de ces derniers des réseaux sociaux. Sans oublier des cours d’empathie.

La veille de la présentation de ce plan, Gabriel Attal, ministre de l’Education nationale depuis juillet dernier, avait fait le déplacement au Danemark, pays considéré comme modèle dans la lutte contre le harcèlement. De retour à Paris, il avait déclaré : « Nous devons être plus efficaces dans la lutte contre le harcèlement scolaire ». Pour y parvenir, avec ses ministres, Elisabeth Borne a donc présenté un plan, ce qui avait déjà été fait en 2010, sans résultats. Le plan de la Première ministre est décliné en sept points forts. Détails :

– saisine « systématique » du procureur en cas de signalement ;

– généralisation des « cours d’empathie » dès la rentrée de septembre 2024 ;

– formations de la communauté éducative d’ici la fin du quinquennat en 2027 ;

– confiscation du téléphone portable et stages de citoyenneté ;

– possibilité d’exclusion des élèves harceleurs des réseaux sociaux ;

– renforcement du dispositif « Mon soutien psy » ;

– le 3018, numéro unique de signalement.

Des mesures difficiles à appliquer

Tant la Première ministre que le ministre de l’Education nationale n’ont pas manqué, durant la présentation dudit plan, de marteler que la lutte contre le fléau du harcèlement est une « priorité absolue ». Très en pointe sur le dossier (contrairement à son prédécesseur Pap Ndiaye, débordé par l’ampleur du problème), Gabriel Attal évoque également un « électrochoc dont on commence à constater déjà les effets ».

Toutefois, dans la foulée de la présentation du plan de lutte contre le harcèlement à l’école, de nombreux professionnels du secteur éducatif pointent des mesures difficiles à mettre en application, quand elles seront purement et simplement impossibles à mettre en place par manque de personnels. Ainsi, malgré la promesse du Président de la République, Emmanuel Macron, et du ministre de l’Education nationale qu’il y aurait, à la rentrée de septembre, un professeur devant chaque classe, les syndicats enseignants ont constaté de nombreuses classes sans professeur. D’autres se demandent comment il sera possible d’interdire l’accès des harceleurs aux réseaux sociaux…

Quant à l’organisation des « cours d’empathie » (inspirés par ce qui est pratiqué depuis de longues années au Danemark), qui les assurera ? Les enseignants ? Des intervenants extérieurs à l’établissement ? Un membre d’un syndicat s’interroge : est-ce avec de « bons sentiments » qu’on va pouvoir mettre fin à ce fléau qu’est le harcèlement à l’école mais aussi dans la sphère extra-scolaire (sport, colonie,…) ?

La Première ministre prend la main

Et puis, derrière les sourires lors de la présentation du plan de lutte contre le harcèlement à l’école, il y a une lecture politique. Dans un premier temps, Gabriel Attal était seul à piloter le plan. Mais à Matignon, la Première ministre, Elisabeth Borne, a trouvé que le surdoué de la « Macronie », 34 ans, prenait beaucoup de place. Beaucoup trop de place.

C’est la raison pour laquelle elle a repris la main sur le dossier et présenté le plan. Gabriel Attal était à ses côtés, certes, mais au même titre que les autres ministres présents. Il a beau arrivé en deuxième position derrière l’ancien Premier ministre Edouard Philippe pour représenter le centre et la droite lors de la présidentielle en 2027, Elisabeth Borne lui a administré un petit tacle au niveau de la cheville, lui rappelant ainsi qu’elle est la cheffe du gouvernement…

Serge Bressan (correspondant à Paris)