EDITO

Mithra, des administrateurs qui ne pensent qu’à leurs poches ?

Le duo de spécialistes continuent à chercher un repreneur pour l'usine CDMO de Mithra à Flémalle. Plus de 150 emplois sont en jeu. BELGA

Un peu plus de quatre mois après leur nomination, les nouveaux administrateurs de Mithra proposent à l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la biotech wallonne de revoir leurs rémunérations à la hausse. Concrètement, ils veulent doubler les honoraires annuels fixes du président Christian Homsy pour les porter à 80.000 euros et ceux des autres administrateurs (40.000 euros). En effet, les deux anciens présidents, Christian Moretti et Ajit Shetti ont touché chacun 20.000 euros pour 6 mois de mandat en 2022. En soi, ces augmentations demandées pourraient passer comme une lettre à la poste pour une société biopharmaceutique cotée en bourse. Mais les circonstances dans lesquelles évolue actuellement l’entreprise amènent à se poser des questions sur les motivations des nouveaux administrateurs.

Pour rappel, il y a 5 ans, la société affichait une capitalisation boursière de plus d’un milliard d’euros et faisait la fierté du monde entrepreneurial wallon. L’action valait plus de 20 euros. Aujourd’hui, le cours du titre est tombé à moins de deux euros et Mithra, spécialisée en santé féminine, vaut aujourd’hui moins de 100 millions d’euros en bourse (1,40 euro l’action sur Euronext à Bruxelles ce vendredi soir 28 septembre). Par ailleurs, sa trésorerie est tendue. Depuis l’installation des nouveaux administrateurs et du nouvel administrateur délégué, on ne peut pas dire que leur action à la tête de la société ait dopé ses performances. Au contraire, Mithra a plutôt creusé sa perte nette au premier semestre 2023 à -50,5 millions d’euros (-31 millions pour le premier semestre 2022) et les ventes sont inférieures à 10 millions d’euros (7 millions contre 11 millions en 2022). De plus, les prévisions de vente pour son produit Estelle sont revues à la baisse.

Avec un tel bilan, on en viendrait à regretter l’époque où son patron fondateur, François Fornieri, était encore  la tête de la société et que la capitalisation boursière de celle-ci en faisait pratiquement une licorne.

Avec un tel bilan, on en viendrait à regretter l’époque où son patron fondateur, François Fornieri, était encore  la tête de la société et que la capitalisation boursière de celle-ci en faisait pratiquement une licorne (valorisation à plus d’un milliard). Ce dernier est aujourd’hui forcé d’observer du balcon la dégringolade d’une société qu’il a co-fondée. Pour rappel, François Fornieri a dû faire un pas de côté en 2021 en raison de ses démêlés judiciaires dans le dossier Nethys et son récent renvoi en correctionnelle pour délit d’initié a fini par ternir sa réputation auprès des banques pour des raisons de compliance (être irréprochable au regard des normes juridiques et éthiques).

En attendant, Mithra semble s’enfoncer dans les abîmes et ces nouveaux administrateurs n’ont rien trouvé d’autre quede postuler à une augmentation de leurs rémunérations, alors que l’entreprise a besoin d’argent. Ne pensaient-ils qu’à leurs poches quand ils ont accepté de rejoindre le conseil d’administration d’une société qui joue sa survie, à défaut de tout faire pour éviter d’être la proie d’un candidat acheteur voulant s’en emparer pour une bouchée de pain ? On aimerait bien ne pas le penser, mais leur proposition visant à augmenter leurs honoraires déçoit, à tout le moins, elle envoie un mauvais signal aux observateurs dont certains seraient tentés de penser qu’ils sont guidés par l’appât du gain.

Il est donc normal que la proposition d’augmentation des rémunérations des administrateurs de Mithra ne passe pas auprès des travailleurs.

La proposition des administrateurs de Mithra interpelle d’autant plus que dans une récente communication, ils évoquaient des décisions de réduction de coûts pour soulager la trésorerie de l’entreprise. Et que la vente prévue du CDMO, la plateforme de production de la société est désormais inscrite dans les astres. Que s’est-il donc passé pour qu’ils envoient un signal aussi contradictoire ? Il est donc normal que leur initiative ne passe pas auprès des travailleurs. On verra ce que donnera le rendez-vous du 30 octobre, date des assemblées générales spéciale et extraordinaire. Mais ils auront déjà un aperçu du sens du vent quand ils réceptionneront les premières questions des actionnaires.