LFI : le parti de Jean-Luc Mélenchon est-il au bord de l’implosion ?
Longtemps, à La France Insoumise (LFI), c’était simple : un pour tous et tous pour un. Créé le 10 février 2016 par Jean-Luc Mélenchon dans une France alors présidée par François Hollande, le parti avait pour objectif de devenir le premier parti de la gauche, prévoyant déjà l’explosion du Parti Socialiste (PS). Sept ans plus tard et malgré 75 députés à l’Assemblée Nationale et 6 au Parlement européen, LFI vit ses pires heures et risque l’éclatement après des commentaires et propos critiqués par quelques « insoumis » historiques. En cause, des commentaires et propos visant Jean-Luc Mélenchon qu’on a surnommé le « lider minimo », le soutien du parti à un député ayant frappé sa femme ou encore son attitude lors des débats sur le projet de réforme des retraites, et surtout, le fait que, tout récemment dans la foulée des meurtres et prises d’otage en Israël le 7 octobre dernier par le Hamas, la députée « insoumise » Danièle Obono ait présenté le Hamas comme un « mouvement de résistance » et refusé de le qualifier de « terroriste »… Les voix discordantes se font donc entendre publiquement critiquant la position du parti et des leaders, jusqu’à présent, incontestés du parti. Mais la réaction est immédiate : une convocation devant les instances du parti qui a l’air d’une tentative d’étouffer ces voix.
Avocate de 49 ans et députée de Seine-Saint-Denis, Raquel Garrido est, la première, montée au créneau. Dans un premier temps, elle a expliqué que « Jean-Luc Mélenchon nuit au mouvement depuis dix mois », puis sur X (ex-Twitter) elle a poursuivi sa tirade contre le « lider minimo ». « Je suis tout aussi insoumise que lui. Je lui demande de se poser la question de savoir comment il utilise son influence », a-t-elle précisé.
Nous avons construit notre mouvement sur l’idée que nous soutenons un programme et non un homme.
Convocation devant le « tribunal » du parti
Dans un entretien paru ce 2 novembre 2023 dans « L’Obs », elle a enchaîné : « Nous avons construit notre mouvement sur l’idée que nous soutenons un programme et non un homme », ou encore : « Ai-je le droit de critiquer Jean-Luc Mélenchon ? » Réaction immédiate des instances dirigeantes de LFI : Raquel Garrido est convoquée pour s’expliquer, dans les dix jours à venir, devant un « tribunal » composé de deux « porte-flingues » du « lider minimo » : David Guiraud et Anne Stambach-Terrenoir, tous deux également députés. Jean-Luc Mélenchon, 72 ans, n’a plus aucun mandat électoral, mais il agit toujours comme le patron du parti, assure que Raquel Garrido est habitée par une idée fixe : tuer le père (lui, bien sûr…) tandis qu’Eric Coquerel, président de la commission des Finances à l’Assemblée Nationale et tenu par ses détracteurs pour un « fieffé opportuniste », a déclaré : « Elle doit s’expliquer sur son comportement et pour l’instant, on en reste là… ».
Des proches de Raquel Garrido n’hésitent pas à expliquer qu’avec cette convocation, LFI s’inspire des procès staliniens de triste mémoire. Toujours dans « L’Obs », la députée confie : « A cette heure, je ne connais ni la date, ni le lieu, ni le motif de cette convocation. Il m’est impossible de vous dire ce que l’on me reproche ».
Une exclusion de Garrido est possible
La rumeur laisse entendre qu’une exclusion de Garrido du groupe de députés LFI à l’Assemblée Nationale tient du domaine du possible, si ce n’est une exclusion du parti- au motif de lèse-majesté. Ce qui ressemblerait fort à un début de purge, puisque de nombreux observateurs n’hésitent pas à assurer que trois autres « insoumis », des « historiques », sont dans le collimateur : les députés Alexis Corbière (55 ans et mari de Raquel Garrido), Clémentine Autain (50 ans) et François Ruffin (48 ans), alors qu’un soutien des premières heures, le psychanalyste médiatique Gérard Miller, a pris ses distances avec LFI.
Mélenchon apparaît comme une personnalité plus effrayante que Le Pen.
Avec sa compagne Sophia Chikirou (empêtrée avec la justice dans des affaires d’enrichissement personnel) et Mathilde Panot (bruyante présidente du groupe LFI à l’Assemblée Nationale), Mélenchon ne craint pas d’évoquer un « quarteron d’inconséquents », lui qui s’est trouvé, depuis les élections législatives de juin 2022, de nouveaux disciples : les députés Louis Boyart, Danièle Obono, Rachel Keke, Danièle Simonnet, l’eurodéputée Manon Aubry et même un prix Nobel de littérature en la personne d’Annie Ernaux…
Explosion en perspective
Est-ce la conséquence de la perspective d’une explosion de LFI : un tout récent sondage Odoxa-Mascaret pour « Le Figaro » et Sud Radio annonce que, pour 62% des Français, Jean-Luc Mélenchon est aujourd’hui la personnalité politique du palmarès qui suscite le plus de rejet à son égard, ce qui fait dire au secrétaire national du PS en charge des élections : « Mélenchon apparaît comme une personnalité plus effrayante que Le Pen »… Qu’importe ! « Méluche » a déjà fait savoir qu’en 2027, il sera, à nouveau et pour la 4ème fois, candidat à l’élection présidentielle… tout comme Marine Le Pen, la « patronne » du Rassemblement National (RN) et sa « meilleure ennemie »…
Serge Bressan (correspondant à Paris)